Réforme de la formation professionnelle : pourquoi nous sommes encore loin du compte <!-- --> | Atlantico.fr
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La formation professionnelle coûte trop cher en France.
La formation professionnelle coûte trop cher en France.
©Reuters

Gros chantier

La formation professionnelle en France coûte trop cher et n'est pas assez efficace, c'est pourquoi le gouvernement entend déposer un projet de loi pour la réformer dès la fin de l'année. Le chantier est vaste, car il porte à la fois sur le financement du dialogue social et sur la réorganisation de l'ensemble du système.

Gilbert  Cette

Gilbert Cette

Gilbert Cette est professeur d’économie à NEOMA Business School, co-auteur notamment avec Jacques Barthélémy de Travail et changement technologique - De la civilisation de l’usine à celle du numérique (Editions Odile Jacob, 2021). Son dernier livre s'intitule Travailleur (mais) pauvre (Ed. DeBoeck, à paraître en février 2024).

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Atlantico : Le gouvernement entend déposer un projet de loi pour réformer la formation professionnelle avant la fin de l’année. A cette fin, il a adressé une feuille de route aux partenaires sociaux, les invitant à engager une négociation interprofessionnelle à ce sujet. Dans "Réformer vraiment la formation professionnelle", coécrit avec Jacques Barthélémy, vous rappelez que les partenaires sociaux trouvent là une de leurs sources de financement. Cette donnée peut-elle nuire à la formulation de propositions constructives ? Pourquoi ?

Gilbert Cette : Nous ne mettons pas en doute la volonté des partenaires sociaux. On jugera cette dernière après, en fonction des résultats. Nous soulignons la difficulté du projet. Mais difficile ne veut pas dire impossible. Cette négociation est compliquée en raison, entre autres, des contributions significatives de la formation professionnelle au financement des partenaires sociaux.  Mais on a vu avec l’Accord pour un nouveau modèle économique et social du 11 janvier 2013 que les difficultés pouvaient être surmontées.

Il est clair que le financement des partenaires sociaux pose problème, au sens où il faut qu’il soit transparent, soutenable, équilibré, et, surtout, totalement indépendant du fonctionnement de la formation professionnelle. N’oublions pas que le rôle de la formation professionnelle consiste à qualifier ou requalifier des personnes en âge de travailler. Cela ne devrait pas être associé au financement des partenaires sociaux. Ce rôle actuel de financement peut être un obstacle au bon fonctionnement de la formation professionnelle. Il faut régler simultanément le problème du financement du dialogue social sur des  bases saines, et la question de la réforme de la formation professionnelle afin de la rendre beaucoup plus efficace.

Vous rappelez en introduction de votre dossier que le Code du Travail énonce que "la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale", qui vise à favoriser l’évolution professionnelle de chacun, indépendamment de son statut. Pour satisfaire cet objectif, de quelles entraves faudrait-il selon vous débarrasser le système actuel ? Quelles sont les priorités ?

La priorité est de transformer la formation  professionnelle, pour qu’elle ne soit plus organisée autour d’une obligation à payer des entreprises, qui amène parfois à vouloir satisfaire cette obligation plutôt que d’essayer de satisfaire la fonction initiale consistant à augmenter et former les compétences professionnelles des personnes.

Les résultats sont bien connus : ce sont les personnes qui sont déjà les mieux formées qui en profitent le plus, et non celles qui en auraient le plus besoin, et cela aboutit aussi à une inefficacité de la formation professionnelle. Pour preuve, la longueur moyenne des formations est allée en diminuant sur les trois dernières décennies, alors même que le nombre de formations, lui, a augmenté. Le manque de profondeur des formations peut être un obstacle aux besoins de qualification et de requalifications des personnes.

On voit bien que le financement n’est qu’une difficulté parmi d’autres : même si celle-ci n’existait pas, la charge resterait de toute façon ardue, compte tenu de l’organisation actuelle, qui se fait autour de l’obligation à payer, et non autour de la recherche du meilleur résultat en termes de formation des personnes qui en ont le plus besoin.

Le Gouvernement a-t-il pris acte de ces nécessités ? Son projet de loi risque-t-il de devenir une « mesurette » comme tant d’autres dès lors qu’il est question de réforme professionnelle ?

On ne peut pas faire au Gouvernement, pour le moment, le procès d’une quelconque mauvaise volonté. Conformément à la loi Larcher du 31 janvier 2007, il a demandé aux partenaires sociaux de formuler des propositions, sur leur propre financement, et sur la formation professionnelle. La démarche est pour l’instant empreinte de logique et de légitimité. On a vu l’an dernier que les partenaires sociaux étaient capables d’aboutir à des accords ambitieux, donc attendons le résultat de cette négociation. Si cette dernière réussit sur les deux points évoqués, tant mieux. Autrement il reviendra au Gouvernement de conduire lui-même la réforme.

Dans tous les cas de figures, vouloir réformer simultanément le financement du dialogue sociale et la formation professionnelle est tellement ambitieux que la négociation ne peut pas aboutir à quelque chose de finalisé. Les formulations devront être déclinées au cours de négociations ultérieures. Deux mois ne suffiront pas à aboutir une réponse complète à un problème aussi complexe. Le projet de loi qui doit être déposé à la fin de l’année ne sera pas le point d’aboutissement.

Que doit faire le Gouvernement pour éviter tout écueil ? Quelle marche à suivre préconisez-vous ?

Il faut laisser les partenaires négocier, leur faire confiance et espérer que cela n’aboutira pas à une approche de type « tuyauterie », dans laquelle on se contenterait d’élargir les dépenses de formation au bénéfice des chômeurs et des personnes les moins qualifiées. Se contenter d’annoncer une hausse de ces dépenses en mettant à contribution les entreprises, là serait l’échec. Il faut réorganiser le système dans son ensemble. Mais nous n’en sommes pas là, pour l’instant la démarche retenue est la bonne, et le succès peut être au rendez-vous.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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