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Réforme de l’audiovisuel public : quand la ministre de la culture se met en tête de rééduquer les Français réactionnaires... avec leur argent bien sûr
©AFP

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Françoise Nyssen lors de la présentation des réformes pour l'audiovisuel public a taxé une partie des Français de "hautement réactionnaires" et a donné mission à l'audiovisuel public de "changer les mentalités sur le terrain".

Maxime  Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l'immigration, l'intégration des populations d'origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l'intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog  personnel

 

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Françoise Nyssen lors de la présentation des réformes pour l'audiovisuel public a taxé une partie des Français de "hautement réactionnaires" et a donné mission à l'audiovisuel public de "changer les mentalités sur le terrain". Comment interpréter selon vous ces déclarations de Françoise Nyssen ?  

Maxime Tandonnet : Ces déclarations reflètent bien ce que l'on ressent au quotidien. Nous vivons sous l'emprise d'une idéologie dominante ou d'une pensée unique véhiculée par les médias qui est de plus en plus évidente, sur tous les sujets possibles, l'économie, le social, l'immigration, la société, l'Europe. Il n'est quasiment plus possible de porter un jugement qui s'éloigne de la norme bienpensante sans être taxé de réactionnaire ou d'extrémiste. Ces propos font penser au "ministère de la vérité "de Georges Orwell dans 1984. Ce phénomène s'est considérablement renforcé ces derniers mois. Il va de pair avec une vie politique qui s'organise non plus sur le débat d'idées ou de projet - comment débattre puisqu'il n'y a plus qu'une idéologie unique - mais sur le culte de la personnalité. La politique ne se définit plus comme le débat démocratique en vue du bien commun mais comme servilité mentale et adoration. Le pluralisme, la liberté de pensée et d'expression sont des concepts dépassés. Aujourd'hui, sur les grands sujets de l'époque, celui qui ne suit pas la ligne officielle de la pensée médiatique n'est plus seulement réactionnaire, mais pire, hautement réactionnaire. Nous vivons dans une époque policée qui n'aime pas le sang. Dès lors, on ne se débarrasse pas physiquement des dissidents. Cependant, on les jette allègrement dans le lynchage médiatique et la damnation publique.

Mais ce genre de déclarations ne risqueraient-elles pas de conforter certains préjugés autour du service que représente l'audiovisuel public et, in fine, faire plus de tort que de bien au secteur ?

Mais si, bien sûr! Pourquoi cette poussée vertigineuse de la pensée unique et du lavage de cerveau? Parce que, paradoxalement, ces paroles sont l'expression d'un échec. Les médias publics en ont tellement fait en matière de formatage des cerveaux qu'ils ont perdu toute crédibilité. Dans le sondage CEVIPOF annuel sur la confiance des Français, les médias se présentent comme l'institution en laquelle ils ont le moins confiance (22%) juste devant les partis politiques. Alors, cette fuite en avant dans un discours idéologique caricatural, selon lequel il faut forcer les Français à penser droit, à suivre la ligne officielle, digne des pires souvenirs de l'histoire, me semble être une réaction contre le sentiment de cette perte de contrôle. En tout cas, elle ne peut que renforcer la défiance du public en la parole des médias et d'ailleurs, en toute parole officielle.


Est-ce que ce type de déclaration ne serait pas la preuve d'une absence totale de réflexion sur le décalage entre les "élites" et le "peuple" ?

Oui, cela me paraît évident. On a toujours le sentiment d'un décalage total et d'une incompréhension absolue entre les élites dirigeantes, médiatiques ou politiques et la majorité silencieuse. Tout cela témoigne d'un mépris pour le peuple, "la vile multitude" come disait Thiers. Si les gens pensent mal, ou beaucoup d'entre eux, c'est qu'ils sont réactionnaires et qu'il faut donc les rééduquer. Vieux réflexe de tout régime totalitaire. L'éternel problème, c'est que les gens sont beaucoup plus intelligents et lucides que ne le pensent les élites dirigeantes. Ils ne sont pas indéfiniment manipulables, ils parlent entre eux, ils échangent, des informations et des idées sur Internet. Malheureusement, Internet n'est pas une source d'information fiable: il s'y trouve de tout. Les gens sont en train de perdre toute confiance dans les médias officiels. Ils y verront bientôt uniquemment des outils de propagande et non plus d'information. C'est très grave car il y a un besoin évident de vecteurs d'une information honnête et impartiale, c'est-à-dire de journalistes professionnels qui ne font pas de l'idéologie, mais de l'information. Tout cela contribue au chaos ambiant.

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