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2012 : Obama mieux armé 
que Sarkozy
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Elections présidentielles

Hasard des calendriers, l'année 2012 sera marquée par l'élection présidentielle française mais aussi par l'américaine. Durant un temps, les trajectoires de Nicolas Sarkozy et de Barack Obama étaient identiques, mais depuis peu, les chances des deux candidats ne semblent plus être les mêmes.

Patrick Chamorel

Patrick Chamorel

Patrick Chamorel est professeur à l'université de Stanford.

Il y enseigne les sciences politiques, à l'aulne des relations transatlantiques et des différences de systèmes politiques européens et français. Il collabore réguliérement au Wall Street Journal, Die Welt et CNN. Dans les années 90, il était conseiller politique dans plusieurs cabinets ministériels, à l'Industrie et auprès du Premier ministre.

 

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Avant Nicolas Sarkozy, Barack Obama vient, discrètement, d'officialiser sa candidature à un second mandat.  Les regards des présidents français et américain convergent sur l'échéance de leur réélection en 2012. 

Il y a encore quelques mois, on aurait pu croire qu'ils aborderaient leur réélection dans les mêmes conditions, tant leurs trajectoires et expériences du pouvoir se sont ressemblées : réformes adoptées dans la douleur, radicalisation de l'opposition face aux réformes, à la crise financière et à la récession économique, et chute vertigineuse de leur popularité. Sarkozy et Obama semblaient voués à un même destin, injuste en l'occurrence, de présidents non-réélus. Désormais, rien n'est moins sûr.  Depuis qu'il a été sévèrement sanctionné aux élections au Congrès de novembre dernier, l'horizon s'est paradoxalement éclairci pour Obama. La dynamique politique n'est plus la même en France et aux Etats-Unis et offre de meilleures perspectives de réélection à Obama qu'à son homologue de l'Elysée.   

Jeunes leaders politiques atypiques et charismatiques, Nicolas Sarkozy et Barack Obama avaient aisément remporté leur élection en promettant le changement et la réhabilitation du volontarisme politique, et en rassemblant au-delà du centre-droit pour le premier, du centre-gauche pour le second. Leurs tentatives d'ouverture et de compromis se sont révèlées vaines. Leurs réformes, en particulier celles relative à l'âge de la retraite en France et au système de santé aux Etats-Unis, se sont heurtées à une farouche résistance politique, alors qu'elles apparaissaient comme modérées et nécessaires. 

Certes, de graves erreurs de méthode et de calendrier, s'ajoutant au contexte de la récession, auraient pu être évitées.  Mais Sarkozy et Obama ont surtout fait l'objet, de la part d'une large fraction de l'opinion, d'une intense animosité personnelle, l'un étant jugé trop impulsif, "bling bling" et népotiste; l'autre froid, distant et élitiste, voire musulman et "non-Americain". Des oppositions radicalisées ont accusé Sarkozy d'être "le président des riches" et un pseudo-fasciste sur les questions d'immigration et d'insécurité; Obama d'être un "socialiste" pour avoir opéré la mainmise de l'Etat fédéral sur le système de santé et dépensé trop d'argent public pour lutter contre la récession. Bref, au-delà de leurs failles personnelles et erreurs politiques, Sarkozy et Obama illustrent combien il est difficile d'être un président réformateur de centre-gauche aux Etats-Unis et de centre-droit en France, surtout en période de recession!

Deux présidents en difficulté

Après avoir perdu les quelques sympathies dont ils jouissaient dans le camp adverse, les deux présidents ont dû affronter le scepticisme de leurs électeurs centristes, les uns face au bouclier fiscal, à la réforme des retraites et au discours de Sarkozy sur l'immigration et l'insécurité; les autres face à l'intrusion du gouvernement fédéral dans le système de santé et à l'explosion des dépenses et de la dette publiques. Ils ont désorienté leur base électorale, Sarkozy avec l'ouverture politique, les concessions faites aux syndicats, sa relative timidité et inéfficacité en matière d'immigration et de lutte contre la criminalité. Symétriquement, Obama a aliéné ses électeurs de gauche qui avaient espéré la fermeture de la prison de Guantanamo et l'avènement d'un système de soins public à l'européenne. En dépit d'oppositions divisées, dénuées de propositions et de leaders charismatiques, Sarkozy et Obama sont tombés respectivememnt en dessous de 30 et 40% d'opinions favorables.     

Cet étonnant parallèlisme dans les parcours des présidents français et américain n'a pas survécu à la défaite d'Obama et des Démocrates aux élections du Congrès de novembre dernier. Paradoxalement, celles-ci ont été la bouée de sauvetage d'Obama, qui n'est plus prisonnier de son propre parti, plus à gauche que lui et devenu minoritaire au Congrès. Au contraire, pour éviter la paralysie dont les électeurs ne veulent pas, le président américain est condamné à trouver des terrains de convergence et de compromis avec la nouvelle majorité républicaine. Centriste de toujours, Obama est enfin perçu comme tel ! Il a repassé la barre des 50 % d'opinions favorables, grâce notamment aux "indépendants" (qui ne se reconnaissent dans aucun des deux grands partis), ceux-là même qui lui ont apporté la victoire en 2008, la défaite en 2010, et qui sont la clé du scrutin de 2012.  C'est le Parti Républicain, sous l'influence des insurgés du Tea Party, qui fait maintenant figure d'extrêmiste! L'aile gauche du parti Démocrate a beau bouder, elle a nulle part où aller et se ralliera le moment venu. 

Nicolas Sarkozy, lui, n'a pas le luxe d'une cohabitation, qui s'était pourtant révèlée salutaire à Mitterrand en 1988 et Chirac en 2002. Les défaites aux élections intermédiaires, cantonales incluses, n'ont pas de vertus redemptoires. Ni, pour l'instant, les présidences du G8 et du G20 ou l'affaire lybienne. Contrairement à Obama, Sarkozy a encore perdu du terrain chez les centristes depuis le remaniement de novembre dernier et la démission de Jean-Louis Borloo. Autre différence de taille, il a un parti redynamisé sur sa droite, le Front national, vers lequel se tourne une partie de l'électorat de l'UMP. Sarkozy est durablement prisonnier d'un jeu a somme nulle, ou il perd au centre ce qu'il gagne à droite, et inversement. 

Obama en pôle position

Les défis posés par l'opposition en vue de l'élection présidentielle paraissent plus plus menaçants pour Sarkozy que pour Obama. Certes, les candidats sérieux ne se sont déclarés ni en France ni aux Etats-Unis. Au Parti Républicain, ce sont soit des populistes extrêmistes, comme Sarah Palin, Michelle Bachmann, Mike Huckabee ou Newt Gingrich, soit des représentants de l'establishment sans grand charisme ou crédibilié, à l'instar de Mitt Romney et John Huntsman. A défaut de la victoire improbable d'un extrêmiste dans les primaires, Obama pourra toujours compter sur les divisions entre les deux ailes du parti. 

A la différence d'Obama, Sarkozy sera probablement défié dans son propre camp par des candidats gaullistes et centristes. Le scénario d'un 21 avril à l'envers, où Marine Le Pen devancerait Sarkozy au premier tour, n'est plus à exclure. Surtout, contrairement au Parti Républicain, le Parti Socialiste a un candidat potentiel "superstar" avec Dominique Strauss-Kahn, capable d'attirer à lui une partie de l'électorat centriste. La gauche de la gauche renâclera à le soutenir, mais l'aversion personnelle envers Nicolas Sarkozy et l'appétit d'alternance après dix-sept années de présidences de droite devraient faciliter la mobilisation de la gauche. Bien sûr, les campagnes présidentielles, en France comme aux Etats-Unis, sont sujettes à de nombreuses incertitudes et à des rebondissements. L'affaire libyenne a ajouté un risque pour Obama et peut-être une chance pour Sarkozy. Rien n'est évidemment joué à ce stade, loin de là, mais les fondamentaux de la dynamique politique, notamment en France, vont être difficiles à faire bouger.

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