Recours au 49.3 : le signe d'un gouvernement dénué de légitimité politique et de projet de société<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le Premier ministre Manuel Valls a de nouveau engagé sa responsabilité et recouru à l'article 49.3.
Le Premier ministre Manuel Valls a de nouveau engagé sa responsabilité et recouru à l'article 49.3.
©Reuters

Situation de faiblesse

Le Premier ministre Manuel Valls a de nouveau engagé sa responsabilité et recouru à l'article 49.3, mardi 16 juin, pour faire adopter le projet de loi "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", s'épargnant ainsi des débats dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

Voir la bio »

En dégainant à nouveau l’arme du 49.3 pour faire passer la loi Macron au Parlement, Manuel Valls n’a pas surpris : il y avait fort à parier que les tensions seraient vives au sein de la majorité (mais existe-t-elle vraiment sur les questions économiques ?). De toute manière, le Premier ministre, fragilisé après ses coûteux voyages familiaux en avion, ne pouvait pas se permettre de prendre le moindre risque politique ou médiatique. Manuel Valls est fort et il se devait de le faire savoir.

La loi Macron n’est pas "la loi du siècle" avait dit François Hollande, mais malheureusement, elle restera peut-être comme le texte économique le plus ambitieux de son mandat. Elle ne fait pas de révolution, mais propose quelques avancées en faveur de la concurrence (dont le fameux transport par car). Ce n’est pas grand-chose, mais c’est déjà mieux que rien. Et pourtant !, elle a déchainé les passions. Les notaires se sont roulés par terre, les défenseurs du repos dominical obligatoire ont hurlé, la France des professions réglementées s’est mobilisée comme un seul homme et les députés de la gauche du PS comme de l’opposition ont jeté de l’huile sur le feu. Tous, en chœur, ont dénoncé un projet scandaleusement libéral.

Le recours au forcing constitutionnel, comme l’ensemble de ces débats qui auront duré depuis presque un an (c’est Arnaud Montebourg qui avait lancé l’idée de la loi par des discours fougueux en juillet 2014), doivent conduire à s’interroger : comment faire passer une réforme concurrentielle en France ? si une si petite ambition réformatrice déchaine de telles passions et de résistances, arrivera-t-on un jour à réformer le pays ?

L’optimisme oblige à répondre oui. D’autres l’ont fait. Mais pas n’importe comment.

Le premier critère que n’a pas rempli ce gouvernement, c’est celui de la légitimité politique. Avec un Président et un parlement élus grâce au discours aux tonalités gauchiste et anticapitaliste du Bourget de 2012, il n’y a aucune cohérence à faire une politique de l’offre – même timide. Manuel Valls n’a pas obtenu par les urnes de soutien à la politique qu’il mène ; les déroutes électorales historiques que subit la gauche depuis des années tendraient même à démontrer le contraire. On ne peut pas gouverner en prétendant faire le bien contre la volonté des citoyens, même si l’on a raison et même si les réformes proposées sont de tous petits pas dans le bon sens.

Un deuxième point qui a fait défaut au gouvernement, c’est de savoir défendre la réforme en l’incluant dans un projet de société. Bien sûr, les services du Premier ministre ont lourdement investi internet et diffusé de sympathiques messages ; mais ces signes de communication ne portaient aucune vision. En dépit des discours généreux et parfois naïfs, la réforme fait inévitablement des victimes ; pour les convaincre de se mettre en mouvement, il faut leur apporter des compensations ou leur ouvrir de nouvelles perspectives. La première voie est exclue, car l’Etat est ruiné. La seconde est bouchée : la France est une société figée. Pour pouvoir mettre un pan du pays en mouvement, il faut bouger collectivement et engager tout le monde vers un nouveau projet. Dans le cas inverse, les victimes se raidissent et la majorité s’inquiète d’être bientôt ciblée. A ne déstabiliser qu’une partie de la société on en menace l’équilibre collectif : par réflexe, elle se raidit.

La légitimité politique et le projet de société. Voilà ce qu’il manque au gouvernement. Malheureusement, il n’est pas le seul dans ce cas : l’opposition reste, au niveau national, encore affaiblie sur le premier point et totalement absente sur le second (sauf à considérer que livrer quelques mots clés régulièrement en pâture au débat public est constitutif d’une vision de la France). Il reste encore deux ans pour y travailler avant 2017 !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !