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Reconnaissance du “sexe neutre” : la brèche dans la distinction masculin féminin dans laquelle les tenants de la théorie du genre risquent de se ruer
©Flickr

Hermaphrodisme

Récemment reconnue devant les tribunaux, la notion de sexe neutre interroge. Tant au niveau de l'individu que de la société, ce "sexe neutre" peut avoir de très lourdes conséquences.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Quelles sont les implications de la reconnaissance du "sexe neutre" sur la construction de la personnalité d’un individu ? 

Michelle Boiron : Il serait intéressant de pouvoir reposer la question à Coluche qui il y a plus de 30 ans à la question « Quel sexe ? » répondait : « ENORME ». Quand on connait les mécanismes du déclenchement du rire dans notre cerveau, on peut comprendre l’hilarité qu’a déclenchée cette réponse!  Les dérives culturelles de la société ne prêtent plus à rire.  Le sujet est de taille. Et la virilité questionnée.

Avant d’aborder la construction de la personnalité, il me parait primordial de penser le sexe dans sa fonctionnalité. Or précisément donner au corps d’un nourrisson la possibilité de devenir un être sexué impose, s’il est né hermaphrodite, de choisir à sa place un sexe féminin ou masculin dans les tous premiers mois de la vie. Rappelons que ce sont des bébés qui n’ont pas d’identité biologique claire et des organes sexuels indéterminés. L’impératif culturel, la société, la médecine se proposaient, jusqu’alors de décider, en place du nourrisson, quelle chirurgie corrective était la mieux adaptée pour rendre cohérent des organes sexuels indéterminés, féminins ou masculins. Le monde technique médical et biologique le permet.

A partir du moment où l'on se pose la question de savoir si un sexe neutre peut bien évoluer sous-entend que la décision d’un sexe neutre a déjà été prise pour lui,  par les parents et la société. Il ne restera donc qu’à expliquer à l’enfant lorsqu’il sera capable de l’entendre qu’en réalité, il n’a rien été décidé pour lui ! Que du neutre.   

Lui laisser la responsabilité de la décision à l’âge où il pourrait la prendre est un leurre. C’est nier les limites de la chirurgie corrective et des possibilités d’évolution d’un corps né infirme et de le laisser se développer de manière anarchique sans lui laisser aucune chance future d’une fonctionnalité sexuée. L’approche scientifique du problème ne donne évidemment pas la solution de l’adaptation. Les conséquences sur le psychisme de l’enfant et de l’adulte en devenir sont aussi fonction du regard que les autres auront porté sur lui. Quel regard  posera-t-’on sur le neutre demain ?

L’ambivalence psychique que génère le fait d’être né dans un corps où les attributs sexuels sont indéterminés nécessite une adaptation ENORME. Néanmoins et comme le souligne le chirurgien urologue Michel Schouman : « Si on ne fait rien, on ne risque pas de se tromper !». Si le risque est assumé d’essayer de rendre l’appareil génital le plus conforme à un homme ou à une femme, la position de ceux qui l’ont pris devra être claire cohérente et soutenue tout au long  d’une trajectoire qui n’est pas facile ni pour ceux qui décident, ni pour ceux qui subissent. Il ne suffit pas de passer d’hermaphrodite à sexe NEUTRE, en d’autre terme de  nommer autrement une anomalie pour que les conflits psychiques soient résolus et les malformations physiques corrigées.

Personnellement, comment aborderez-vous cette notion avec les patients concernés afin qu’elle soit la moins lourde possible à intégrer psychologiquement ?

« Aspirons-nous à vivre dans ce monde d’anges désincarnés, ou plutôt ne s’incarnant jamais, entraînés dans le labyrinthe des possibles ? » Bérenice Levet, dans la Théorie du genre.

Si l’on a en consultation une personne que la société a reconnue comme « sexe neutre », cela n’en fait pas pour autant un individu « neutre » bien au contraire. Il aura été stigmatisé « neutre », et aura subit un formatage inscrit dans le nouveau monde que la théorie du genre semble vouloir créer. Il aura vraisemblablement parcouru un chemin, et sera soit en accord, soit en révolte, par rapport avec sa dite neutralité ! 

Il ne subira évidemment pas les mêmes répercussions psychologiques que la personne dont le sexe aura été assigné dès les premiers mois de sa vie.

Comment être en cohérence avec un sexe neutre ? Cela exige de la société une définition claire. Etre reconnu « neutre » pour avoir le choix ou être reconnu « neutre » pour le rester ? Accompagner une personne qu’on aura laissé en « standby » jusqu’à l’âge de la puberté avec une simple étiquette « NEUTRE », sera difficile et demandera plus que la « neutralité » bienveillante du thérapeute qui le prendra en charge.

La position qui consiste à se positionner  contre le choix qui aurait été pris par les parents et la médecine n’en demeure pas moins une démarche active qui est étayée par une pulsion de vie qui fait que l’on se bat pour ou contre. L’acceptation et la reconnaissance du sexe neutre est à mon sens plus passive.

Quels dangers y-a t-il à faire un amalgame de la  récente notion de « sexe neutre » avec celle de la théorie du genre ?

Aujourd’hui l’idée d’un sexe NEUTRE a été reconnue en France. C’est considérable. En pleine ère de la théorie du genre, on ne peut imaginer que c’est un pur hasard qu’on s’intéresse enfin aux hermaphrodites et que l’on dévoile leur souffrance. 1 enfant sur 2000 nait hermaphrodite.
Que pensent les tenants de la théorie du genre, par exemple Judith Butler de ce sexe neutre, eux pour qui il existe plus que deux sexes ? Qu’est-ce que l’on entend par sexe NEUTRE ?

C’est une position différente qui conduit à neutraliser ou à exacerber ce qui nous a été donné à la naissance que de le supprimer purement et simplement en ne corrigeant pas l’anomalie sexuelle constatée. On ne mesure pas ce que représente pour des parents de voir leur nourrisson avec à la fois un pénis, un vagin et pas de testicules ? Alors postuler qu’ils ont le fantasme d’un sexe choisi contre le nourrisson et pas en adéquation avec ce qu’il est, est un supposé impensable. Qui sait à ce stade-là qui il est ? C’est un risque pris en leur âme et conscience à 50% si l’on veut bien valider qu’il n’y a que deux sexes : féminin ou masculin !

La méconnaissance des réalités biologiques, psychiques, hormonales, entre les personnes transsexuelles et les hermaphrodites peut conduire à faire des amalgames.  Les transsexuels revendiquent  une reconnaissance sexuée ; ils peuvent dans certains cas avoir été des hermaphrodites de naissance, mais c’est  aussi en majorité des hommes et des femmes qui ne vivent pas de cohérence physique avec leur identité de genre.

La société a, au XXème siècle, stigmatisé les « transsexuels »  tout d’abord comme souffrant d’un trouble psychique pour aujourd’hui les définir comme souffrant d’un trouble d’identité sexuelle. Les transsexuels ne veulent pas changer de genre mais de sexe. Précisément cela sous-entend qu’ils en revendiquent UN. Le sexe neutre, n’est pas un choix mais une constatation, un renoncement à palier une erreur de la nature que les moyens chirurgicaux peuvent rectifier.

Ne pas décider, c’est prendre le risque de barrer la sexualité. Attribuer un sexe, c’est certes prendre un risque d’ambivalence mais c’est aussi assumer une responsabilité adulte. Expliquer, accompagner, aider l’autre à grandir avec le choix qui a été fait pour lui n’est pas une décision facile. C’est vivre dans une grande souffrance. Des témoignages poignant d’hermaphrodites qui ont été élevés et accompagnés dans l’amour de leurs parents et soutenus peuvent aussi vivre une ambivalence toute leur vie.  

Ce qui est problématique c’est la fonctionnalité de ce sexe Neutre qui risque d’être anéanti sans aucune cohérence physique et que le psychisme se devrait d’absorber. Comment expliquer qu’on leur a laissé la liberté de choisir pour ne pas leur imposer un sexe ? Sachant que le choix est réduit car c’est vers le sexe féminin que les opérations s’orientent. En effet il est techniquement plus facile de fabriquer  un vagin qu’un pénis.

Le risque est de permettre, à terme la destruction du masculin et du féminin et de pencher vers une uniformité qui renoncerait à l’altérité. La neutralité à ce stade n’est pas forcément le signe d’une bienveillance.

Pour terminer, se pose la grande question de la reproduction. Pour le moment, la nature ne nous a pas encore donné d’autres modes d’emploi pour donner la vie que deux sexes différents, même si les progrès de la médecine tendent à nous conduire sur une voie où la gestation pourra se faire en dehors de ces deux  corps, certes toujours complémentaires, mais où l’acte sexuel sera contourné. De l’utérus artificiel à la fabrication de spermes en laboratoire, le féminin et le masculin sont malmenés et l’hétérosexualité naturelle remise en cause.  

La sexualité dont le moteur était la reproduction a été tellement contournée maitrisée au profit de la jouissance pure, qu’aujourd’hui l’idée de programmer un acte sexuel pour fabriquer un enfant devient une prise de tête, et le sexe ne suit plus.

De l’’augmentation des FIVS de confort par absence de sexualité entre homme et femme à un sexe neutre, il n’y a qu’un pas. Restons vigilants.

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