UMP : quelles sont les forces en présence dans le match Fillon / Copé ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Qui de François Fillon ou Jean-François Copé prendra la tête de l'UMP ? La guerre est ouverte...
Qui de François Fillon ou Jean-François Copé prendra la tête de l'UMP ? La guerre est ouverte...
©Reuters

Match nul

En affirmant qu'il "n'y a pas de leader naturel à l'UMP", François Fillon montre clairement son intention de briguer la présidence du parti. Le match est donc lancé avec Jean-François Copé. Sur quelles forces peuvent s'appuyer les deux hommes ? Etat des lieux avec Guillaume Roquette, Michaël Darmon et Carole Barjon...

Roquette Darmon et Barjon

Roquette Darmon et Barjon

Guillaume Roquette est journaliste. Il est Directeur de la rédaction de l'hebdomadaire Valeurs actuelles.

Michaël Darmon est journaliste. Il officie sur la chaîne d'information en continu i>Télé comme éditorialiste politique et intervieweur.

Carole Barjon est journaliste. Elle est Rédactrice en chef adjointe du service Politique du Nouvel Observateur.


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Atlantico : Avec des législatives qui s’annoncent un peu décevantes pour l’UMP, la recomposition de la droite s’invite donc au centre des débats. Le jeu des petites phrases entre les leaders de l’UMP  s’est installé entre Jean-François Copé et François Fillon. Selon vous, qui de ces deux hommes parait le plus à même de fédérer la droite et reconstituer une vraie force électorale à l’UMP, aujourd’hui mais aussi avec la présidentielle de 2017 en ligne de mire ?

Guillaume Roquette : C’est extrêmement difficile de savoir, justement parce que ce match est très ouvert. De toute évidence, aucun ne se détache vraiment aujourd’hui. Jean-François Copé s’appuie sur une légitimité militante, tandis que François Fillon a celle de l’opinion. On pourrait dire que pour un présidentiable, ce qui compte est d’être populaire auprès des Français. Néanmoins, il faut d’abord conquérir le parti, et sur ce point Jean-François Copé est avantagé : il a labouré l’UMP, multiplié les contacts et les liens au sein du parti de l’ex-majorité, ce qui lui procure une forte légitimité et un certain poids électoral.

Le second élément est le positionnement politique. On peut dire que Nicolas Sarkozy a conquis l’UMP, alors plus divisée, avec une posture de droite affirmée. Ce sont les attentes de la majorité des militants de l’UMP, aujourd’hui comme hier. Cet élément favorise Jean-François Copé, qui assume cette ligne de manière récurrente, alors que François Fillon, pour exister politiquement au cours du quinquennat, a régulièrement fait entendre ses différences d’avec Nicolas Sarkozy. L’un a collé à l’ancien Président, l’autre tentait d’exister par lui-même. Jean-François Copé a donc clairement le soutien de la droite populaire actuellement.

Par ailleurs, si on se place sur les sujets de fond, importants mais clivants aux yeux des électeurs, Fillon n’est pas franchement désavantagé. Trois exemples démontrent cela. Tout d’abord sur le registre de la rigueur : sur ce thème, François Fillon a une image magnifique. C’est l’homme qui disait « Je suis à la tête d’un Etat en faillite », qui lance la première réforme des retraites sous Jacques Chirac, et qui a fait savoir à plusieurs reprises depuis 2007 qu’il trouvait Nicolas Sarkozy frileux sur certains sujets (réformes économiques, autonomie des universités…).

Sur le plan politique proprement dit, l’un des sujets les plus délicats sont les relations avec l’Islam, et les risques de radicalisme islamiste. Jean-François Copé a rapidement senti que c’était un thème important pour les électeurs UMP, d’où son obstination à rappeler régulièrement qu’il est l’instigateur de la loi sur la burqa. Mais si vous regardez, au moment du débat sur l’identité nationale, le discours de François Fillon devant l’Institut Montaigne, sur ce qu’il appelle la « nécessaire assimilation » des immigrés, vous observez un discours républicain et laïc chez Fillon qui est extrêmement fort et structuré.

Je pense que François Fillon peut être rassembleur. Il a toujours pris soin, lorsqu’il était à Matignon, de pouvoir donner des gages à tous les camps. Il plait aux démocrates-chrétiens par son côté élu de province, catholique, père de famille, dont la vie personnelle apparait très calme à côté de celle de Nicolas Sarkozy. Il se présente en même temps comme le disciple de Philippe Seguin, ce qui plait bien sûr aux souverainistes.

En définitive, François Fillon choisit une ligne plus rassembleuse, alors que Jean-François Copé est dans une position plus clivante.

Michaël Darmon : Cette rivalité ne commence pas : on est en plein dedans ! Néanmoins on ne peut faire de pronostics. On peut analyser les conditions actuelles, à l’UMP, qui retracent le contexte de cet affrontement. On assiste aujourd’hui à une montée en puissance, avec des échanges de piques, puisque François Fillon affirme qu’il n’y a pas de leader naturel à l’UMP, tandis que Jean-François Copé pointait le manque de soutien de l’ancien premier ministre. Le ton est clairement monté.

Un premier constat s’impose : la position officielle d’une soi-disant unité après la présidentielle et en vue des législatives a déjà volé en éclats.

En outre, aujourd’hui François Fillon a posé, par ses phrases, un acte de candidature ferme à la présidence de l’UMP.  Il conteste la légitimité de Jean-François Copé en rappelant qu’il est nommé et non élu… il faudra donc, selon François Fillon, un nouveau leader élu par les militants. Pourquoi poser si tôt sa candidature ? Simplement parce qu’il veut répondre aux Copéistes et leur montrer sa détermination. Cette première passe d’armes vient établir un rapport de force engagé par François Fillon, ce qui est totalement nouveau.

Carole Barjon : François Fillon apparaît le mieux placé, et pas seulement en raison des derniers sondages qui le donnent largement favori pour présider aux destinées de l’opposition aussi bien auprès de l’ensemble des Français qu’auprès des sympathisants UMP. D’abord Fillon n’est pas sorti abîmé de ses cinq années passées à Matignon, au contraire, il en sort renforcé. Il apparaît comme celui qui aura mis le premier le doigt sur le problème des déficits publics et de la dette -« Je suis à  la tête d’un Etat en faillite ». Ensuite, Fillon, ancien RPR comme Copé, a une image –parfois usurpée mais qu’il a su entretenir- de gaulliste social, résultat de son engagement passé auprès de Philippe Séguin. Il rassemble donc au-delà de la droite libérale que semble incarner Jean-François Copé.

Quelles sont les forces en présence pour les deux hommes politiques ? Peut-on dire que leur entourage et réseau politiques vont jouer, dans cette course à la tête de l’UMP ?

G.R. : Probablement. D’après ce que j’ai lu, des équipes vont se présenter pour la présidence de l’UMP (on y élit le Président, le vice-président et le secrétaire général). De la même manière que les tickets dans les élections américaines, il sera intéressant de voir avec qui chacun se présente. Toutefois, il sera difficile pour eux de rassembler les leaders de demain, en ce que des politiques tels que Laurent Wauquiez, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Valérie Pécresse ont bien vu, avec la primaire socialiste, que ce type de compétition était un moyen parfait d’émerger et de se faire connaître. Il y aura alors beaucoup de candidats. Le jeu sera assez ouvert, et les réseaux compteront évidemment : Copé a réuni des anciens chiraquiens par exemple (Lemaire, Pécresse, Raffarin…). Mais ce sont plus des alliances de circonstances. Et le fait que Fillon ait été à Matignon durant cinq ans, avec ce que ça implique au niveau des réseaux avec les ministres et parlementaires, conduit à un match nul.

M.D. :Il est certain que Jean-François Copé possède déjà l’appareil. Il a travaillé méthodiquement durant cette campagne. Certaines choses ne se voient pas, mais depuis quelques temps il place ses appuis dans les différents niveaux de hiérarchie et fédérations de l’UMP : il fait un verrouillage de l’appareil politique. C’est le b.a.-ba quand on prétend diriger un parti de cette ampleur. Ce réseau-là, François Fillon ne peut se baser dessus, puisqu’il était en dehors de l’appareil politique du parti, étant à Matignon. En revanche, l’ancien premier ministre s’appuie sur ses cinq ans de gouvernement, l’aura d’un ancien ministre de Nicolas Sarkozy, d’autant plus qu’il a su manœuvrer habilement pour traverser ces cinq ans de sarkozysme sans être impacté par ses principales controverses.

Aujourd’hui, il semblerait que François Fillon ait une légère longueur d’avance, mais le match reste globalement équilibré, de par les forces sur lesquelles s’appuient les deux hommes. On ne peut savoir ce qui sera vraiment déterminant : où sera la droite à la rentrée ? Combien de députés l’UMP va-t-elle obtenir aux législatives ?

C.B. : Copé est un formidable organisateur, un grand professionnel qui ne laisse pas grand-chose au hasard, une mécanique très bien huilée. Mais il a les défauts de ses qualités. Il lui manque –pour le moment- ce petit quelque chose qui fait les numéros un. Il reste un techno.

Fillon a pour lui d’être désormais un homme d’expérience sans être pour autant trop âgé. Il est structuré intellectuellement, il est posé, calme, sobre, ce à quoi aspirent les Français de droite. Il a longtemps eu la réputation –méritée- de mener sa carrière dans l’ombre des grands hommes, d’être trop prudent voire pusillanime, de manquer d’audace, bref d’être un éternel numéro deux. On a le sentiment que ses cinq ans à Matignon, passés à « encaisser » les humiliations et à tenir la boutique, lui ont tanné le cuir et lui ont donné le goût de la revanche. Manifestement, il s’estime aujourd’hui en mesure de prendre des risques, condition essentielle pour devenir un numéro un.

Les scores des candidats UMP aux législatives peuvent-ils influer sur la place à venir de ces deux hommes, dans le sens où Jean-François Copé, étant à la tête de l’UMP, portera forcément la responsabilité d’une défaite ?

G.R. :Certainement, de même que la défaite plus qu’honorable de Nicolas Sarkozy a validé le positionnement de Jean-François Copé et son investissement dans la campagne présidentielle. L’étroite défaite de Nicolas Sarkozy l’a donc renforcé. Une victoire de l’UMP aux élections législatives serait un formidable atout pour Jean-François Copé. En cas d’une défaite relativement serrée, on reste à un match nul. En revanche, en cas de large défaite de l’UMP, François Fillon et son entourage auraient évidemment la tentation de dénigrer la gestion du parti par Jean-François Copé.

Enfin le dernier élément majeur à prendre en compte est le score de l’un et l’autre aux législatives. Dans ce but, la décision de François Fillon de se présenter dans une circonscription plus facile est un calcul habile, puisque dans le même temps Jean-François Copé devra livrer une bataille autrement plus délicate à Meaux.

M.D. : Non, pas directement. Néanmoins, en fonction de qui sort vainqueur des législatives, ils peuvent perdre des soutiens, si leurs appuis respectifs perdent des plumes dans leurs circonscriptions.

N’oubliez pas non plus que la présidence de l’UMP va se jouer lors de primaires. Il y aura donc d’autres candidats. A la primaire de 1999 pour la présidence du RPR, l’issue en avait surpris plus d’un. Il y aura des candidatures-surprise, d’autres plus ou moins attendues (Nathalie Kosciusko-Morizet ? Dominique de Villepin ? Valérie Pécresse ?), mais une campagne est une compétition. Les militants peuvent aussi s’affranchir de l’appareil établi.

C. B.Il est probable que si le score des élections législatives était catastrophique, le secrétaire général de l’UMP en paierait le premier, après Sarkozy, le prix. Mais si la défaite –je n’envisage pas de victoire- est honorable, les torts ou le bénéfice d’avoir limité la casse seront partagés entre tous.

Pourrait-on imaginer une guerre ouverte entre les deux protagonistes, pouvant conduire à une fracture au sein de l’UMP ?

G.R. : Pour l’instant François Fillon n’a pas montré un tel tempérament. C’est un homme déterminé, mais qui n’a jamais été dans l’affrontement ouvert, que ce soit avec Nicolas Sarkozy ou encore, plus récemment, avec Rachida Dati. Ce serait donc peu probable.

C. B. : La guerre est ouverte !  Et elle sera très âpre. Elle créera certainement des fractures, mais je n’imagine pas de rupture ou d’explosion du parti. L’UMP est un parti de gouvernement, qui a succédé au RPR. C’est une structure solide qui résistera à terme aux secousses qui ne vont pas manquer.

Propos recueillis par Romain de Lacoste

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