Radicalisation chez les adolescents : avons-nous besoin de psychologues… ou d’un choc politique ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Des jeunes mobilisés dans les rues de Paris en soutien à Gaza.
Des jeunes mobilisés dans les rues de Paris en soutien à Gaza.
©DIMITAR DILKOFF AFP

Terrain propice ?

S’il arrive que des adolescents ou jeunes adultes se radicalisent sans aucun lien avec leur environnement familial, nous avons trop longtemps laissé prospérer le terreau culturel qui nourrit le développement d’une haine politico-religieuse.

Michaël Prazan

Michaël Prazan

Michaël Prazan est un écrivain et réalisateur français. Il a notamment écrit L’Écriture génocidaire : l’antisémitisme en style et en discours (Calmann-Lévy, essai, 2005), Une histoire du terrorisme (Flammarion, 2012), Frères Musulmans : enquête sur la dernière idéologie totalitaire (Grasset, 2014).

Voir la bio »

Atlantico : La radicalisation des adolescents : c'est un simple problème psychologique ou dans le contexte que nous connaissons (guerre Hamas-Israël) cela va-t-il plus loin? 

Michaël Prazan : L’adolescence est un moment de grande fragilité. On passe nécessairement par un problème de définition personnelle, une forme de quête identitaire. Et les adolescents sont, pour ces mêmes raisons - et aussi du fait de l’influence qu’ils exerceront dans leur milieu, qu’il soit familial ou relationnel -, les proies privilégiées des prédicateurs et autres recruteurs de l’islamisme. Ces derniers ont passé des décennies à labourer le terrain des banlieues. Ils ont récemment démultiplié leur influence grâce aux réseaux sociaux, diffusant bien entendu un antisémitisme violent et en fédérant autour de la question du voile et de la Palestine. L’effet de groupe, la contagion par capillarité, la banalisation des fake news et d’autres facteurs plus ou moins extérieurs, ont produit ce que nous observons aujourd’hui. Mais une autre question doit aussi être posée, particulièrement en ce qui concerne les plus jeunes : quelle éducation leurs parents leur donnent-ils ?

Y a-t-il un terrain propice en France pour le développement de cette radicalité? 

A partir du moment où il y a une forte communauté musulmane, et la France n’est pas le seul pays dans ce cas, il y a un terreau. Mais nous avions les moyens d’anticiper un peu mieux ce qu’il se produit dans nos sociétés. Il fallait d’abord s’intéresser davantage au phénomène et aux prédations dont ces populations étaient l’objet, émettre des pare feux plus efficaces que de placer les Frères musulmans au centre du CFCM et leur confier la formation des imams. Affirmer plus clairement les mises en conformité nécessaires avec la laïcité, l’égalité homme femme, l’antisémitisme, et tant d’autres choses qui fabriquent le sentiment d’appartenance à la nation. En réalité, tout le monde a évité d’y regarder de trop près, et cette indifférence a une responsabilité dans l’éclosion d’une contre société dont les valeurs sont opposées aux nôtres. Nous n’aurions sans doute pas pu l’éviter complètement, mais nous aurions dû faire preuve de davantage de lucidité et de fermeté pour le limiter.

Pour en venir à bout, avons-nous besoin de psychologues et de médecins scolaires comme l'affirme le député LFI, Alexis Corbière ? ou Avons-nous besoin d'un choc politique? 

L’une des naïvetés que j’évoquais précédemment a été de croire que l’islamisme était une espèce de maladie. La « déradicalisation », ça ne marche pas et cela peut même être contre-productif. J’ai dans mon entourage l’exemple d’une amie, d’origine portugaise, totalement athée, dont la fille a eu le cerveau retourné par une de ses camarades de classe, elle-même membre d’une famille radicalisée et surveillée par les renseignements français. Mon amie est allée voir l’une des psy en charge de cette question dans un hôpital parisien. La psy a bien sûr rejeté la faute sur sa mère (c’est le logiciel psy), avant d’inciter la jeune fille à se convertir auprès d’un immam ouvertement frériste. Pourquoi ne pas l’envoyer directement en Syrie ? Après son refus de convertir sa fille, mon amie a été harcelée par la psy qui a même évoqué qu’on pourrait lui retirer sa fille. C’est le monde à l’envers ! Il faudrait songer à le remettre un peu plus droit, comme tente de le faire Gabriel Attal lorsqu’il fait exclure les harceleurs et non leurs victimes. J’ajoute que la psy en question se vante de ne jamais avoir ouvert un Coran. En fait, elle ne sait pas de quoi il est question. L’islamisme n’est pas une maladie, c’est une idéologie. On n’en sort pas par une espèce de thérapie.

Les élites françaises font-elles le bon diagnostic sur la radicalité des adolescents français?

J’ignore quel est leur diagnostic et je ne mets pas sur le même plan Louis Boyard et Elisabeth Badinter.

Le gouvernement ne fait que réagir face à des situations qui ont longtemps germiné et dont il n’est pas responsable. Cela vaut pour la radicalisation comme pour le harcèlement – pour rester dans le domaine scolaire. Je ne lui jette pas la pierre, si ce n’est sur ses errements illisibles au Ministère de l’éducation, un poste clef si l’on veut durablement lutter contre la radicalité et retrouver un peu de cohésion. Nous devons être plus réactifs et plus efficaces dans la détection des élèves en voie de radicalisation. Si l’on a encore une marge de progression dans ce domaine, reste à trouver un dispositif à mettre derrière. Séparer ces adolescents de leur milieu est certainement nécessaire, bien que difficile à appliquer. Mais il faut aussi créer des structures pour les accueillir. Quant à la génération radicalisée, ou qui adhère à ses principes (ce jeune sur deux qui se déclare mettre la charia au-dessus des lois de la République), on ne peut guère que gérer comme on peut. Et, de ce point de vue, des gouvernements de François Hollande à ceux d’Emmanuel Macron, tant sur le plan sécuritaire que du renseignement ; s’il y a eu des ratés, je ne pense pas que nous avons démérité. On a longtemps été trop négligents, même si, à force de répétitions, et notamment après le 7 octobre dernier, comme avec l’assassinat de Dominique Bernard, l’enseignant d’Arras, une prise de conscience a peut-être eu lieu.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !