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Les candidatures à la tête de Sciences Po pourraient concerner des personnalités engagées à gauche.
Les candidatures à la tête de Sciences Po pourraient concerner des personnalités engagées à gauche.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Candidatures

Des personnalités politiques comme Najat Vallaud-Belkacem, Clément Beaune, Rima Abdul-Malak pourraient être candidats au poste de directeur de Sciences Po. Qui protégera Sciences Po de ces personnalités nettement engagées à gauche et dans une forme de progressisme qui piétine si souvent rigueur et liberté universitaires ?

Jean-Philippe Denis

Jean-Philippe Denis

 

Jean-Philippe Denis est Professeur des universités, agrégé des facultés, au sein de l'Université Paris-Saclay.

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Alain d'Iribarne

Alain d'Iribarne

Alain d'Iribarne est ancien directeur du département scientifique des SHS du CNRS et ancien administrateur de la FMSH. 

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Atlantico : Selon le site L'Informé, l'ex-ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem "pense à se positionner" pour candidater à la tête de Sciences Po. D’autres noms circulent, notamment Clément Beaune, Rima Abdul-Malak, Aurélien Rousseau et Jeanne Lazarus. En quoi ces candidatures politiques sont-elles révélatrices d’un « mal français » ?

Jean-Philippe Denis : Cette situation est tout à fait révélatrice du « mal français ». Cela confine à l'absurde. Sciences Po prétend être une université. Or, il n’est pas imaginable d’avoir un président d'université qui ne serait pas docteur. Or, dans le personnel politique français, il n’y a quand même pas beaucoup de docteurs. Sauf erreur de ma part, Najat Vallaud-Belkacem n'est pas docteur. Tel est donc le drame de Sciences Po depuis de nombreuses années, pour ne pas dire des décennies. Richard Descoings n'était pas docteur, Frédéric Mion n'était pas docteur, Mathias Vicherat n'est pas docteur. Cela pose un problème au-delà même de la question de la politisation. Cette situation ne permet pas à Sciences Po, malgré la volonté affichée en façade, d’être une université de rang international. Les candidats à la présidence de Sciences Po n'ont aucune connaissance de ce qu'est réellement le monde académique. Ils se retrouvent totalement complexés dès qu'ils prennent leurs fonctions. Ils se retrouvent face à des présidents d'université qui, eux, sont tous évidemment docteurs et ont une parfaite connaissance de leur champ institutionnel et académique. Les présidents de Sciences Po en viennent à assumer des responsabilités pour lesquelles ils sont totalement incompétents en réalité. Cette situation est désastreuse car Sciences Po est une belle institution qui remonte à Emile Boutmy, pour reconstruire une élite française après la défaite de 1870. Sciences Po mériterait mieux que de servir de paillasson pour les ambitions d'apparatchiks aux dents longues ou de politiques en mal de lumière, ce qu’est devenu Sciences Po.

Alain d'Iribarne : Les candidatures politiques actuelles à la directions de Sciences sont moins révélatrices d'un mal français que d'une situation fortement dégradée dans sa gouvernance sous de multiples facteurs, sachant que la question du contrôle politique des établissements constitutifs de l'enseignement supérieur,- dont les Universités-, s'est toujours posée en France comme partout dans le monde. Sans évoquer les pays ouvertement non démocratiques comme la Russie ou la Chine, on peut citer par exemple la Turquie d'Erdôgan ou pour l'UE, la Hongrie de Orban. Pour la France on connait les Université de "gauche" et celles de "droite" etc.. On connait les luttes pour la présidence de Nanterre, de Jussieu ou de Vincennes, sans oublier Censier ou Assas. Et c'est pour ces raisons qu'il y a en principe un formalisme institutionnel qui, sous des formes diverses, est destiné à limiter les interférences trop évidentes de l'idéologique et du politique dans l'accès aux présidences. Dans la majorité des cas le jeu est feutré sous la forme de luttes d'influences.
Au regard de cette remarque générale en ce qui concerne Science Po Paris, il faut revenir à sa situation tout à fait singulière du point de vue institutionnel. Il faut en effet bien avoir en mémoire qu'à la sortie de la seconde guerre mondiale, en 1945, le Gouvernement Provisoire de la République décide de créer une Fondation ( la FNSP) et un Institut d'Etude Politiques ( l'IEP), qui reprennent l'héritage de l'Ecole libre des sciences politiques avec une architecture institutonnelle singulière pour une Fondation reconnue d'utilité publique de droit privé. Elle est en effet constituée par une intrication des deux institutions: la Fondation étant à la fois propriétaire du patrimoine et gestionnaire administrative et financière de l'IEP , tandis que le Directeur de l'IEP est en même temps Administrateur de la Fondation qui, elle, a un Conseil d'administration.
L'essentiel ici est que si le Présidant du CA de la FNSP est élu par le CA parmi ses membres, le directeur de l'IEP est nommé pour un mandat de cinq ans par le Ministre en charge de l'enseignement et de la recherche sur proposition du CA, sachant que ce CA est composé de 25 membres ,-élus, nommés, membres de droit-, répartis en 9 collèges , cette répartition étant destinée à créer à la fois un équilibre des pouvoirs et une excellence des enseignements. Il y a là un point essentiel car c'est bien le politique qui a formellement le dernier mot, mais ce dernier est obligé de suivre l'avis du CA. C'est donc au sein de cet ensemble que sont menées toutes les tractations scientifico-idéologico-poltiques liées à la nomination du Directeur-Administrateur, avec un résultat qui dépend largment des rapports de force existant au moment de la procédure de domination.
De ce point de vue, l'ensemble institutionnel constitué par la combinaison CA de la FNSP/Direction de l'IEP, se trouve considérablement afaibli, le fonctionnement de ce bel édifice institutionnel historiquement bien huilé ayant fait l'objet d'une profonde déstabilisation en trois étapes; le suicide dans un hôtel de New York de son Directeur, Richard Descoings en 2012; la démission forcée en 2021 du président de son CA, Olivier Duhamel, suite à des accusations de pédophilie, la démission de son directeur récemment nommé, Matias Vicherat, suite à des accusations de violences conjugales. En conséquence c'est tout l'édifice institutionnel , bien que réformé en 2015 qui est l'objet de remise en cause, principalement avec des accusations d'opacité, d'entre soit et d'absence de fonctionnement démocratique, les contestataires réclamant un administrateur " démocratiquement élu" par les élèves et les personnels de façon à leur permettre de prendre le pouvoir comme cela a pu être fait avec la création des Universités avec Edgard Faure après Mai 1968.
Cependant, en attendant une éventuelle réforme de ce qui sera certainement demandée ( exigée?), lors de la prochaine mendature, il est certain que dans la situation actuelle, le raport de force institutionnel a glissé en faveur du pouvoir politique et que compte tenu de la faiblesse politique de la Ministre actuelle, il s'est déplacé en faveur de l'Elysée. Compte tenu des pratiques présidentielles actuelles, le choix du nouveau Directeur de l'IEP-Paris, encore plus qu'avant, sera donc dans les mains du Président de la république.

En quoi les candidatures de Najat Vallaud-Belkacem et de personnalités engagées à gauche sont-elles le dernier exemple en date de l’emprise du wokisme au sein de Sciences Po ?

Jean-Philippe Denis :A l'évidence, il s’agit là de l’un des problèmes de Sciences Po. Gouvernée par le mimétisme du « big is beautiful », l’internationalisation pour faire « grossir » les effectifs de Sciences Po a été menée à à marche forcée et mal conduite. C’est ainsi que les débats des campus américains ont été importés dans le contexte institutionnel français, lequel n'a pourtant rien à voir. Avec plus de 50 % des étudiants de Sciences Po étrangers, les directions successives de Sciences Po ont été complètement débordées par la question du « wokisme » - si tant est que ce concept signifie réellement quelque chose - et du « progressisme ». L’institution de fait paye cash de ne pas avoir su tenir ferme sur ses valeurs et porter vers l’étranger une certaine idée de la République et de ce que signifie former des élites. Au contraire, les directeurs ont laissé se développer et enfler des débats qui ne se comprennent pourtant que dans une société communautarisée comme le sont les USA. Ici, le fait d’avoir eu à la tête de Sciences Po des Directeurs non-académiques a gravement renforcé ce phénomène : ils n’ont rien compris à ce qui se passait avec la montée en puissance de ces débats et ce n’est assurément pas l’ENA qui leur a donné l’infrastructure intellectuelle qui leur aurait permis non seulement de voir ces dynamiques se développer mais plus encore de les canaliser avant qu’elles n’en viennent à mettre à terre l’identité même de Sciences Po. Bien au contraire, à force d’avoir fait de Sciences Po une sorte d'objet politique en soi, cherchant à devenir une grande organisation d’enseignement supérieur d’excellence à l’international à marche forcée, Sciences Po s’est isolée toujours davantage sur la scène nationale et elle s’est trouvée être traversée par tous les débats, y compris les plus politiques et les plus clivants. Il y a dans la situation de Sciences Po actuellement quelque chose qui n’est pas sans rappeler les enseignements des fables de La Fontaine : Sciences Po, la grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf américain depuis le mandat Descoings en paye le prix. Et Sciences Po n’a choisi pour tête que des énarques dont on connaît précisément la fascination pour le rêve américain, oubliant toutefois que là-bas les fortunes se défont souvent en une nuit.  

Ce que rappelle la situation de Sciences Po aujourd’hui, c’est d’abord assurément que le politique et le scientifique ne font pas aisément bon ménage, ce que l’on sait depuis Max Weber au moins ! Si des politiques sont nommés sans discernement à la tête d'institutions qui se veulent authentiquement scientifiques, alors les problèmes ne peuvent qu'enfler et certainement pas dégonfler ou se résoudre.

Alain d'Iribarne : On sait que l'enseignement supérieur et la recherche académique française sont pris dans le vaste mouvement idéologico/politique en provenance des Universités d'Amérique du Nord ( les USA rattrapés par le Canada), qui est entrain de diffuser sur un modèle épidémiologique. On l'appellera woke pour simplifier.
L'essentiel ici, est qu'on est confronté à un de ces mouvements idéologico/politiques qui au nom de la liberté académique entant imposer sa vision du monde comme seule base légitime pour les enseignements et la recherche. Avec cette perspective, ce mouvement s'est engagé dans une entreprise de prise de contrôle institutionnel, en partant de façon très classique des étudiants, en remontant dans les départements et en s'attaquant aux Présidences avec les résultats qu'on a vu par exemple pour Harvard. L'objectif est de prendre le contrôle de la tête de l'institution et d'y installer un pouvoir sans partage sachant que tous ceux et celles qui prétendraient s'y opposer sont disqualifiés par essence. Tout cela est parfaitement bien connu de ceux, - théoriciens ou praticiens-, qui s'intéressent aux fonctionnement des institutions.
Pour la France, le mouvement fonctionne avec du retard, suivant une stratégie bien faite de conquête qui consiste à cibler les institutions potentiellement les plus poreuses : les ex Universités à dominantes SHS et les Ecoles bien connues à la tête des combats idéologiques de "progrès" ,- léninisme, stalinisme, maoisme.. -, comme l'ENS Ulm ou l'EHESS sans oublier bien évidement tout ce qui relève du département scientifique des SHS du CNRS Il suffit tout simplement de faire de l'entrisme aujourd'hui comme hier.
Ainsi s'explique pourquoi, dans ce vaste mouvement, on voit apparaître un peu partout des candidatures à des postes de directions ou de responsabilités dans les institutions de l'Ensignement supérieur/recherche. Ces candidats sont soit ouvertement portés par ce mouvement, soient de façon plus subtile incités à se porter quandidats, soit plus simplement, se sentent idéologico/compatibles et tentent leur chance.
De ce point de vue, pour l'IEP-Paris, aujourd'hui comme hier, le profil des candidatures au poste de Directeur/adlministrateur, sera intéressant à regarder avec attention en relation avec l'aire du temps, sachant que le plus intéressant sera de savoir qui est le cheval de qui dans la course à la direction et, en fonction des rapports de force, qui sera dans le peloton final. Là où les choses sérieuses commencent.
Ceci dit, il faut faire attention à ne pas sur évaluer ce genre d'exercice quand on voit l'importance des écarts qui peuvent exister entre les profils apparents et les profils réels ainsi que tous les jeux de billards qui se font autour des candidatures.

Qui protégera Sciences Po de ces personnalités toutes nettement engagées à gauche et dans une forme de progressisme qui piétine si souvent rigueur et liberté universitaires ? Qui pourrait sauver Sciences Po d’une nouvelle présidence trop politique ?

Jean-Philippe Denis :Je ne rentre pas dans le débat droite/gauche qui me semble vicié et qui ne m’intéresse pas. Le principal critère devrait concerner le profil des candidats. Il ne devrait pas être possible d’imaginer un futur directeur ou une future directrice de Sciences Po qui ne serait pas titulaire d’un doctorat, qui n’aurait donc pas de culture du monde académique. Je préside actuellement le concours d'agrégation du supérieur pour le recrutement de professeurs des universités en sciences de gestion et du management. Le premier des critères pour concourir au concours d'agrégation, c’est qu'il faut être docteur. Idem donc pour diriger Sciences Po. Point. Fermez le banc. A défaut, le risque d’aller dans le mur est trop grand pour les directeurs de Sciences Po, lesquels n’ont aucune légitimité pour animer le corps professoral de l’Institution, ni pour la représenter à l’extérieur. C’est tellement évident qu’il est étonnant qu’il soit nécessaire de le rappeler : présider sans titre académique au destin d’une institution scientifique, au surplus quand elle se prétend « université », au surplus « d’excellence », cela revient à imaginer pouvoir mener à bonne destination un 38 tonnes alors même qu’on n’a jamais passé le permis de conduire… ni même pris une leçon de conduite ou pratiqué une forme de conduite accompagnée ! Il faut maintenant tirer les leçons de tous ces scandales tous plus glauques les uns que les autres qui ont émaillé l’histoire récente de Sciences Po : à force de recruter des énarques et de leur confier la mission impossible de gérer l’ingérable, c’est-à-dire une institution académique sans rien connaître au champ académique, c’est le crash assuré. Le fait d’exiger que les candidats soient a minima docteurs serait déjà une révolution puisque le dernier docteur qui a dirigé Sciences Po était Alain Lancelot, entre 1987 et 1996. Se retrouver dans une telle situation ingérable a été source de grands complexes pour Richard Descoings, puis Frédéric Mion, puis Mathias Vicherat. On voit où on en est rendus : Mathias Vicherat s’est vu attaqué au pénal pour avoir porté de manière abusive le 27 juin 2023 la robe aux trois hermines des présidents d'université lors de la cérémonie de remise du doctorat honoris causa à Angela Merkel pour honorer son engagement en faveur de la construction européenne. Mathias Vicherat assurément ne devait pas porter cette robe, puisque cela constituait un abus de titre. Rappelons au passage qu’Angela Merkel, elle, était Docteure bien avant ce Doctorat Honoris Causa !

Voilà comment cette situation conduit les directeurs de Sciences Po dans des situations très délicates et à un échec programmé. Mais cet échec est aussi contenu dans la procédure de nomination elle-même. Dans le cadre de la dernière élection du directeur de Sciences Po, un cabinet était censé accompagner ce processus. Le cabinet de recrutement Russel Reynolds Associates, lequel devait procéder à une expertise psychologique des candidats qui étaient « finalistes ». On a vu ce que cela a donné. Mais surtout on le sait bien, ce cabinet était aux ordres du politique, et en particulier de l’Elysée. Il fallait un énarque pour préserver l’entre-soi et la logique de l’honneur « à la française ». Les énarques ne supportent toujours pas l’idée de perdre les rênes de Sciences Po. Pourtat si Emmanuel Macron croit vraiment à l’Europe, alors qu’il en respecte les règles en nommant à la tête de Sciences Po des intendants qui soient au moins présentables au plan académique en dehors des seuls salons du triangle d’or parisien.

Souhaitons donc qu’une remise en cause complète du processus de recrutement et de nomination soit effectuée. La situation actuelle et les tendances de ces dernières années ont conduit à une catastrophe pour Sciences Po, pour sa réputation, pour l’image de cette institution et pour les diplômés. L'hypothèse Najat Vallaud-Belkacem ou d’autres personnalités politiques confine à l'absurde. Le simple fait que l’ancienne Ministre puisse imaginer se porter candidate à la fonction en dit très long sur notre modèle et les drames de l’institution Sciences Po : si Mme Valaud-Belkacem cherche une évolution professionnelle, elle serait selon moi plus avisée de suivre les traces d’un Arnaud Montebourg (parti étudier à l’INSEAD) ou d’une Marlène Schiappa (rentrée récemment en formation à l’emlyon business school) et pourquoi pas d’envisager de combler ses lacunes académiques en s’engageant dans une thèse de Doctorat si vraiment diriger une institution académique la tente ! Ce serait un signe d’humilité bienvenu pour éviter à une nouvelle grenouille d’imploser en plein vol à force de vouloir, comme Sciences Po, se faire aussi grosse que le bœuf. Je le redis donc avec force : il faut que Sciences Po cesse de devenir un paillasson sur lequel on vient essuyer ses ambitions ou un simple ring de boxe des rivalités entre anciens d’une école qu’ils n’ont aucune légitimité aujourd’hui à diriger.

Alain d'Iribarne : Si on veut bien suivre les développements précédents, alors on peut comprendre pourquoi, compte tenu du grand affaiblissement de son système de régulation institutionnel, on peut craindre que la nomination d'un nouveau directeur de Science Po Paris ne soit pas à la hauteur de ce qu'on peut légitimement attendre en raison de la place prépondérante que pourra prendre l'idéologico-politique tenté de favoriser une logique " disruptive" , sous couvers de modernité. De ce point de vue, compte tenu de ce qu'on a pu voir comme errements dans la nominations des Ministres de l'Education nationale, on peut être légitiment inquiét.
Toutefois, le problème principal n'est pas de savoir si la personne qui sera nomée sera de droite ou de gauche. Il est de savoir si ses qualités de rigueures intellecturelles, morales et de courages seront à la hauteur de la tâche qui l'attend, ce qui n'est pas évident dans le paysage universitaire actuel. L'important est donc que les chercheurs eux-mêmes se mettent à la recherche de tels profiles. Qu'ils arrivent à les convaincre de candidater et qu'ils veilles à ce qu'ils soient bien incorporés dans le processus formel de sélection, ce qui n'est pas évident non plus quand on connait le niveau de dévoiement que peuvent connaître les procédures formelles et le grand art de la manoeuvre que peuvent avoir des vieux routiers du système.
Il est donc évident que pour cette procédure, les milieux scientifiques attachés à la rigueure évoquée devront être non seulement très vigilants, mais en plus actifs dans un triple système d'action: formel dans le cadre des procédures; informel dans le même cadre avec les activations des réseaux d'influence: médiatique avec les divers agora. Sur le fond il y a là; "business as usual", sauf que la pièce qui se joue évolue et que les enjeux sont importants en raison de la place que tient l'IEP-Paris, moins dans la recherche que dans la formation de la petite olgarchie , -nos élites?-, qui gouverne la France.

Avec les récentes polémiques à Sciences Po, la nomination d’un président plus neutre et en accord avec le monde universitaire est-il crédible ou est-ce un vœu pieux ?

Jean-Philippe Denis :Je considère que cela devrait être un impératif. Sciences Po risque véritablement de finir dans le mur. L’image et plus encore la réputation de Sciences Po sont désormais désastreuses. Sa crédibilité externe est atteinte à force de nommer des fossoyeurs de l’académie. L’exaspération est à son comble et cela ne peut plus durer. Tout le monde devrait avoir en tête la façon dont la présidente d’Harvard a été poussée à la démission. Mais aussi se souvenir de la dette de 160 millions d’euros contractée par Sciences Po pour acquérir l'Hôtel de l'Artillerie. Pour sauver Sciences Po, faute d’avoir su remettre en cause le logiciel des Sc Po – ENA, faudra-t-il encore un chèque cela sur un coin de table à l'Elysée ou à Matignon sur le dos des contribuables ? Nul doute que les institutions d’enseignement supérieur publiques qui viennent de se voir amputer d’1 milliard d’euros au nom d’un déficit à contenir apprécieront cette nouvelle marque d’ « exception culturelle » que l’Europe, assurément, ne nous envie pas.

Alain d'Iribarne :Le monde universitaire est un vaste monde composé en grandes partis de "clercs" qui n'ont rien à envier au monde des Prélats pour notre Sainte mère l'Eglise. Si on accepte une telle assertion, si on veut bien se reporter aux raisonnements précédents, et si on veut bien regarder de près les profils d'un certain nombre des membres du CA de l'IPE, alors on peut légitimement penser que dans le cadre de la procédure de sélection joueront les mécanismes de négociation biens connus où à peu près tous les coups sont permis aussi bien en coulisse que dans l'agora.
De ce point de vue on ne peut qu'être inquiet par la montée en puissance de pratiques qui visent à aller chercher dans le passé ou le présent de candidats d'éléments de langages ou de vie extraprofessionnels, - aujourd'hui mettre ses enfants dans une école privée sous contrat, se disputer en ménage, combiner un déplacement professionnel avec un déplacement privé; demain ne pas venir à l'IEP en bicyclette, avoir une résidence secondaire ou avoir un bilan carbonne castatrophique-, de façon à le discalifier en le livrant à l'opprobre sur des bases morales. De ce point de vue, sans parler des fauses nouvelles et de la puissance des rumeurs portées par les réseaux sociaux, on ne peut être qu'inquiet face à la disymétrie de technicités entre les courants porteurs d'idéologies-politiques actives et la majorité qui n'est pas acculturée à ce genre de pratiques.
Cependant, la France étant ni la Hongrie, ni les Etats-Unis, ce qui signifie qu'elle n'est pas encore grangrénée par le double arbitraire du pouvoir et d'une idéologie qui se prétend englobante alors qu'elle est totalisante, on peut légitimement espérer que dans le cadre du fonctionnement institutionnel qui régit la désignation d'un nouveau Directeur-Administrteur de l'IEP-Paris, il y a encore suffisement d'acteurs mobilisable pour parvenir de ce fameux compromis de nomination qui débouchera sur une personne de qualité à la hauteur des tâches qui l'attendent. En effet, ce ne sont pas ceux et celles qui font le plus de bruit qui ont les positions les plus fortes. D'une certaine façon, ceci peut expliquer cela.

Jean-Philippe Denis, Professeur des universités, agrégé des facultés, Université Paris-Saclay

Alain d'Iribarne, Ancien directeur du département scientifique des SHS du CNRS. Ancien administrateur de la FMSH. 

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