Que signifie l’élection d’un Président libertarien en Argentine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L’élection d’un Président au programme libertarien aussi radical que celui de Javier Milei doit beaucoup à la spécificité de la catastrophique situation argentine.
L’élection d’un Président au programme libertarien aussi radical que celui de Javier Milei doit beaucoup à la spécificité de la catastrophique situation argentine.
©Luis ROBAYO / AFP

Libertarianisme

L’élection d’un président libertarien, une première historique mondiale, a une portée plus importante que nous pourrions le croire pour l’avenir de la France, qui descend la même pente que celle qui a conduit l’Argentine en enfer. S’il réussit, ce qui sera difficile, son influence pourrait créer une rupture et une dynamique politiques aussi importantes que celles provoquées par Reagan et Thatcher en leur temps.

Arnaud Dassier

Arnaud Dassier

Arnaud Dassier est entrepreneur, actif en Ukraine depuis 2006, ancien élève du DEA d’études russes de Sciences Po, et marié à une femme d’origine ukrainienne.

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Qui est vraiment Javier Milei et que signifie son élection ? 

Bien évidemment, l’élection d’un Président au programme libertarien aussi radical que celui de Javier Milei doit beaucoup à la spécificité de la catastrophique situation argentine. Un pays désespéré, en faillite financière chronique, ou 40% de la population est pauvre. On l’accuse de populisme car il critique durement l’élite argentine, mais face à un bilan aussi désastreux n’est-ce pas justifié ? Une situation d’autant plus choquante que l’Argentine était un des 10 pays les plus riches du monde il y a un siècle. Mais après l’économie libérale leur avait assuré une croissance de 6% par an, les Argentins ont fait le choix funeste du Péronisme, une version locale du socialisme autoritaire qui a détruit tant d’autres pays d’Amérique latine et dont le dernier avatar est le Venezuela. La gauche péroniste a creusé sa propre tombe en choisissant comme candidat le Ministre de l’économie alors que l’inflation bat des records à plus de 140%. Après 100 ans d’échecs successifs, la gauche et la droite traditionnelles ont perdu tant de crédibilité, qu’elles ont rendu possible l’élection d’un électron libre au programme radical et au comportement parfois fantasque. Il est vrai que les Argentins n’ont plus grand chose à perdre.

Mais il faut regarder plus loin que les images clownesques que nos médias nous renvoient de Javier Milei pour mieux discréditer ses idées « ultra-libérales ». Ce terme d’ultra-libéral, si souvent employé par la gauche pour discréditer les libéraux français, pourtant très timides, peut légitimement s’appliquer à Milei qui se considère lui-même comme libertarien. La sincérité et la cohérence intellectuelle de ce professeur d’économie puisent leur source dans les économistes de l’école autrichienne qu’il a manifestement étudié de près. Malgré ses excès de langage très latins, il tient un discours très cohérent, charpenté et argumenté qui relève manifestement de convictions profondes. Du point de vue des idées, il est beaucoup plus proche de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan, que de Donald Trump. Il veut privatiser toutes les activités non régaliennes, supprimer la majorité des Ministères, fermer la banque centrale, dollariser l’économie, favoriser les cryptomonnaies, ouvrir le commerce (sauf avec les pays communistes comme la Chine), réduire drastiquement les dépenses publiques et sociales et le nombre de fonctionnaires, etc.

Mais quand la situation est d’une gravité telle qu’aucune issue ne semble possible, seul un changement de trajectoire radical peut briser le cercle vicieux de la faillite. Comme le disait Margaret Thatcher « There is no alternative ». En l’occurrence, l’Argentine était coincée dans un système politique démagogique reposant sur les dépenses sociales, les emplois publics, les déficits et la dette. Un système intenable quand la dette devient colossale. Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal. La France est prise dans le même piège ou la seule manière d’être élu est de clamer que l’on veut protéger les rentes économiques des uns et des autres, même si cela conduit de manière mécanique à une faillite collective à une échéance inconnue mais certaine.

Après un siècle de « Quoi qu’il en coute » et autre « Ça ne coute rien, c’est l’État qui paye. », les Argentins viennent d’ouvrir les yeux et de renverser la table. Combien de temps cela prendra-t-il en France ? Faudra-t-il attendre, comme en Argentine, la faillite financière du pays, et un siècle d’échecs du collectivisme ?

L’élection d’un Président libertarien est déjà en soi un premier événement signifiant pour le courant de pensée collectiviste dominant au sein duquel l’Occident navigue depuis un siècle. Globalement, depuis un siècle, les pays occidentaux n’ont fait qu’augmenter les dépenses publiques, les impôts, la bureaucratie et l’interventionnisme de plus en plus tatillon de l’État et des organisations juridiques nationales et internationales. Avec comme résultat, une croissance de plus en plus faible et des dettes croissantes. La France battant tous les records mondiaux dans tous ces domaines. Les politiques libérales conduites par Reagan et Thatcher, et d’autres, n’auront été que des reflux limités et temporaires, au sein d’un mouvement apparemment inexorable vers le collectivisme, et l’endettement irresponsable des générations futures. De ce point de vue, l’élection de Javier Milei représente une rupture symbolique importante : elle démontre qu’il est possible de gagner une élection en remettant en cause les fondements du consensus politique et idéologique qui domine l’Occident depuis un siècle. Nul doute que cela devrait libérer la parole et encourager certains à être plus audacieux dans leurs idées et discours politiques. Le succès des réformes radicales du Président Argentin serait évidemment beaucoup plus impactant encore, évitant de renvoyer la signification de son élection à un simple feu de paille isolé.

Peut-il réussir ?

Mener des réformes radicales, en remettant en cause des rentes centenaires, ne sera pas facile. Mais n’est-ce-pas ce qui se disait aussi de Thatcher et de Reagan quand ils ont été élus. En Argentine, le Président est aussi le chef du Gouvernement, il n’y a pas de Premier Ministre. Javier Milei n’a pas de majorité au Parlement. Il devra donc gouverner avec le parti de la droite traditionnelle qui a eu beaucoup de mal à lui apporter son soutien entre les deux tours de l’élection. Il a néanmoins été élu avec 56% des voix, ce qui est un record dans l’histoire politique argentine. Sa légitimité est d’autant plus forte qu’il n’a pas caché ses propositions radicales. Il a reçu un mandat clair des Argentins pour mener sa politique. Cela devrait faire réfléchir les parlementaires qui souhaitent être réélus.

Après avoir permis son élection, ses convictions radicales permettront peut-être à Javier Milei de réussir son mandat comme elles ont assuré les succès de Reagan et Thatcher, dont l’impact positif est désormais reconnu, après qu’ils aient été initialement moqués et durement critiqués. Javier Milei a quatre années devant lui. S’il applique son remède de cheval à l’Argentine, les deux ou trois premières années seront sans aucun doute très difficiles, comme elles l’ont été en Angleterre ou aux Etats-Unis, mais le rebond qui devrait suivre pourrait lui permettre d’être réélu. Alors, une transformation en profondeur et un redressement durable de l’Argentine deviendront possibles.

Un exemple pour la France ?

Un tel succès pourrait avoir des conséquences politiques importantes. En montrant qu’une autre politique est possible, en rupture avec l’étatisme bureaucratique en vogue depuis un siècle, et dont l’Europe et la France sont devenus les champions mondiaux, elle pourrait ouvrir la voie à un nouveau chapitre de l’Histoire politique et économique. C’est pourquoi, dans les années qui viennent, vous allez voir tous les conformistes -experts télévisuels, « responsables » politiques, artistes et médias- critiquer la politique et annoncer l’échec du lion argentin. Pour ceux qui espèrent une rupture avec le collectivisme, il va être passionnant de suivre l’Argentine libertarienne de Javier Milei.

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