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Que perd Montreuil en perdant Dominique Voynet ? Ce que voter pour un petit parti apporte ou non au niveau local
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Ça aide ?

A l'approche des municipales, les petits partis tentent de renouer avec le devant de la scène. Souvent symboliques, ces candidatures peuvent néanmoins trouver leur utilité dans le relai local entre politique et société civile.

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico : Alors que les élections municipales se rapprochent, la question du poids des partis locaux vient logiquement à se poser. Le plus souvent reléguées à des candidatures symboliques, ces structures restent le plus souvent condamnées à la marginalité politique. Même si la possibilité d'une victoire est souvent exclue pour ces formations, peut-on dire que la faible adhésion qu'elles recueillent obtient malgré tout une certaine valeur politique ?

Jean-Luc Bœuf : La question des représentations locales pour les élections locales est un phénomène ancien. Lorsque l'on analyse les résultats des élections municipales de 1977, 1983, 1989, 1995, 2001 et 2008, on constate que la classification politique "droite-gauche" s'effectue de façon légèrement différente que pour les élections législatives. En effet, la comptabilisation des "divers gauche" et des "divers droite" y revêt une importance très significative. Ceci est le reflet de la multitude des petites formations qui, si elles ne présentent pas des candidats sur l'ensemble du territoire, sont
néanmoins, au moment de la comptabilisation des suffrages par le ministère de l'Intérieur, classées. La faible comptabilisation en voix de ces petites formations revêt alors une importance particulière.

Pour les élections municipales de mars 2014, il va falloir prendre en considération l'implantation politique du Front national qui, pour la première fois, va peser directement sur les scrutins locaux autrement que pour les élections des années 1980 et 1990 où ses résultats ont pu être comptabilisés parmi les "divers droite".

Parallèlement, quelle peut-être l'intérêt pour l'électeur ? Faut-il y voir un vote de contestation ou un véritable engagement ?

L'intérêt est à regarder des deux côtés. Du côté tout d'abord de l'offre politique, la présence de ces "petites" candidatures est la traduction de la possibilité, aux élections locales, de "tenter sa chance" sur un territoire restreint géographiquement, celui de la commune. Rappelons que la surface moyenne dune commune est d'un peu plus de 15 kilomètres carrés, soit un quadrilatère de 4 kilomètres de côté. Ces petites formations cherchent donc à se positionner, voire à rebondir sur un problème local (un aménagement significatif de centre-ville, la disparition d'une entreprise emblématique, etc.). C'est ici qu'il convient de regarder le deuxième côté, à savoir celui de l'électeur. Ce dernier aura ainsi la possibilité de voir ses contraintes locales exprimées, si ce n'est résolues. Il peut bien sur s'agir d'un vote de contestation à l'égard des grands partis. L'engagement véritable est très souvent le cas d'un faible nombre de personnes.

Peut-on expliquer cette faible représentativité locale par le jacobinisme de la vie politique française ? La décentralisation a-t-elle eu un impact en ce sens ?

La lutte des jacobins et des girondins est aussi ancienne que la vie politique telle qu'elle s'exerce depuis la Révolution française ! En parlant des élections locales, et pour être plus complet, il faudrait remonter à ce que les médiévistes appellent "l'éveil des libertés communales", à partir du XIIe siècle, alors que les villes dites "franches" se multiplient, sous le regard tantôt complaisant tantôt critique de la monarchie en construction. En effet, tant que l'établissement d'une ville franche permet à la royauté de contrebalancer l'influence des provinces ou d'un seigneur local, les monarques y trouvent avantage. En revanche, si les libertés communales peuvent menacer l'autorité royale qui - rappelons-le - est en construction tout au long du millénaire capétien, le pouvoir central se fait beaucoup moins accommodant... La décentralisation "version 1982" a eu de ce fait très peu d'influence ! Pour la bonne raison que, cent ans avant la loi du 2 mars 1982, la loi du 5 avril 1884 pose déjà les bases de la vie locale en indiquant que "le conseil municipal règle, par ses délibérations, les affaires de la commune". Dès lors, les élections locales sous la IIIe République montrent déjà une réelle vitalité que le pouvoir préfectoral - tout autant représentant de l'État qu'exécutif du département - peut néanmoins contrôler tout à loisir.

Peut-on dire que ces candidatures participent malgré tout à la richesse du tissu démocratique français ou restent elles finalement assez peu "utiles" politiquement parlant ?

Naturellement, ces candidatures participent à la vitalité démocratique française locale. Même si les états majors politiques des
principaux partis se concentrent sur les résultats dans les villes de plus de 30.000 habitants (soit environ 150 communes), les résultats sont analysés de près "d'en bas" et "d'en haut". D'en bas parce que les résultats obtenus au premier tour des élections municipales conditionnent me maintien ou la fusion sur d'autres listes (rappelons que les conditions sont moins sévères que pour les élections législatives). D'en haut, dans la perspective des élections sénatoriales, considérées depuis la IIIe République comme la traduction de l'ensemble des élections municipales, en raison de la présence des "grands électeurs", eu-mêmes des conseillers municipaux et maires dans leur écrasante majorité. Aucun homme politique ne vous
dira que des candidatures ne sont pas "utiles", même avec un faible nombre de voix... Les candidats se précipitent généralement pour indiquer que telle ou telle candidature "exprime le besoin de telle catégorie de citoyen ou tel sujet soit traité"

Quels sont les pays européens ou la politique locale reste la plus active ? Pourrions-nous nous inspirer à la marge de tels modèles ?

La comparaison avec les autres pays européens est toujours possible. Mais les enseignements sont tellement liés à la thèse que l'on veut démontrer ! Que de fois n'a t on entendu que "la France avait autant de communes que toute l'Europe réunie". Ce genre d'assertions n'a qu'un intérêt limité. Car l'une des raisons de la richesse de la vie politique locale est à rechercher dans le fonctionnement de notre société. A la différence de l'Allemagne - exemple ô combien souvent brandi ! - la France a une vitalité syndicale et des partis politiques au niveau national bien moindre. Et bien, dans ce cas, la vie politique communale permet de maintenir ce lien social. Tous les élus, de quelque tendance politique qu'ils soient, vous le diront en rentrant de leurs permanences : dans nos sociétés, ouvertes, désenchantées et désacralisées, la figure du maire demeure ce point d'accroche vers qui l'on se tourne. Sans rendez-vous. Sans internet. Sans procédures. Sans fiche de coût de gestion et de "modernisation de l'action publique". Car justement, notre quarteron dans les territoires, composé du contribuable, de l'usager, du citoyen et de l'électeur, voit, année après année, les dégâts de la disparition successive de tous les services publics et entreprises sur le territoire de sa commune. Et, un dimanche tous les six ans, l'électeur peut se prononcer pour un homme ou une femme appelé à le représenter. Il y met ses espoirs et ses attentes.

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