Quand les astrophysiciens indiens détectent l'apparition d’une inquiétante vulnérabilité de la Terre aux tempêtes solaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette observation de GRAPE-3 confirme donc ce que d’autres études, notamment via des satellites spécifiques, avaient montré, à savoir que les éruptions solaires qui atteignent la Terre peuvent affaiblir le champ magnétique terrestre.
Cette observation de GRAPE-3 confirme donc ce que d’autres études, notamment via des satellites spécifiques, avaient montré, à savoir que les éruptions solaires qui atteignent la Terre peuvent affaiblir le champ magnétique terrestre.
©Reuters

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En juin 2015, une puissante éruption solaire fendait le champ magnétique terrestre pendant près de deux heures. Cet événement n'a pas eu de conséquences particulières, mais une tempête plus forte pourrait être dévastatrice.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : La récente analyse des données du détecteur indien GRAPE-3 semble révéler une faille conséquente dans le bouclier magnétique de la Terre, entre les 18 et 21 juin 2015, au point de le fissurer pendant environ deux heures. Qu'est-ce que de telles informations traduisent de l'état du champ magnétique de la planète ? Dans quelle mesure est-il encore capable de résister aux tempêtes et éruptions solaires ?

Olivier Sanguy : L’observatoire GRAPE-3 (Gamma Ray Astronomy PeV EnergieS 3rd establishment) en Inde a été conçu pour mesurer les muons qui sont des particules énergétiques qui résultent du bombardement des rayonnements cosmiques qui atteignent notre atmosphère. Etant donné que ces rayonnement cosmiques sont en grande partie déviés par la magnétosphère terrestre, lorsque GRAPE-3 détecte plus de muons, cela signifie que le champ magnétique qui protège notre planète a connu une « faiblesse » et donc laissé passer plus de ces radiations potentiellement néfastes au vivant. Cette observation de GRAPE-3 confirme donc ce que d’autres études, notamment via des satellites spécifiques, avaient montré, à savoir que les éruptions solaires qui atteignent la Terre peuvent affaiblir le champ magnétique terrestre. Une fois le champ magnétique de la Terre affaibli par une éruption solaire, il laisse logiquement passer plus de rayonnements cosmiques. On sait aussi, avec les 3 satellites Swarm de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), que de 2000 à 2015, ce champ a connu des baisses allant jusqu'à 3,5 %, mais pas uniformément sur le globe. D'autres régions ont vu un accroissement de 2 %, par exemple au-dessus de l’Asie. Le champ magnétique terrestre résulte de l’effet de « dynamo » de son  noyau de fer liquide en rotation et on suppose que des variations dans les flux de ce noyau provoquent des baisses ou des hausses localisées. Le mécanisme est ici différent de celui induit par les éruptions solaires, mais il montre que la dynamique de ce champ protecteur est complexe. Toutefois, pour le moment, le champ magnétique ne montre pas de faiblesses laissant penser qu’il deviendra une « passoire » permanente !

En 1859, la tempête solaire la plus violente à avoir frappé la Terre avait lieu. Faute de réseau électrique et de communication très développé, elle n'avait pas eu une très grande incidence. Dans un monde où l'électricité et les technologies ont pris une importance aussi considérable qu'aujourd'hui, quel pourrait l'impact ? Notre réseau technologique et électrique est-il assez protégé ?

C’est plus exactement la tempête solaire la plus forte qui est la mieux documentée. Il y en a eu sans doute d’autres, mais on ne disposait pas avant d’observations suffisamment coordonnées pour faire le travail accompli en 1859. Fin août et début septembre 1859, 2 fortes éruptions solaires, séparées par seulement 17 heures, ont frappé la Terre et provoqué un repli important et temporaire, mais pas total loin de là, du champ magnétique terrestre. Plus de particules chargées venant du Soleil et aussi plus de rayonnements cosmiques ont alors atteint l’atmosphère, provoquant des aurores polaires spectaculaires. L’anecdote veut que l’intensité était telle qu’on pouvait lire un journal la nuit à Panama alors qu’il s’agit là d’une latitude très éloignée du pôle Nord. De telles aurores engendrent aussi des surcharges électriques sur les réseaux terrestres et en 1859 les télégraphes furent très affectés. On estime qu’un tel événement se produit environ tous les 150 ans. On constate donc qu’on est dans une période où il est possible qu’il s’en produise un à nouveau. Si on n’a pas à craindre des rayonnements dangereux au point d'affecter la santé, en revanche, un phénomène de cet ampleur pourrait dépasser les sécurités des réseaux électriques et de communications tels qu’il sont conçus. Les satellites sont également vulnérables à ce type d’événement. Notre société technologique reposant énormément sur ce type d’infrastructures, une série de pannes ou un dysfonctionnement à grande échelle auraient des répercussions importantes. Plusieurs études ont été menées, certaines alarmistes estimant qu’aux Etats-Unis le pourcentage de dommages causés aux transformateurs électriques seraient tels qu’il faudrait des mois ou des années pour retrouver un réseau opérationnel à pleine capacité ! En 1989, une tempête solaire a touché le réseau électrique du Canada et privé 6 millions de personnes d’électricité pendant plusieurs heures. S’il ne faut pas céder au catastrophisme, il convient de se préparer. D'ailleurs, aux Etats-Unis, le président Obama a pris fin octobre des mesures afin de, je cite, « coordonner les efforts pour préparer la nation aux événements de météo spatiale ». Par météo spatiale, comprenez bien évidemment les éruptions solaires et leur effet sur le champ magnétique terrestre.

Quelle est, aujourd'hui, notre compréhension de tels phénomènes ? Quand pourrait avoir lieu la prochaine éruption solaire ?

Le champ magnétique terrestre et les éruptions solaires sont bien compris dans leur dynamique générale, mais les scientifiques demandent, à raison, plus de moyens pour aller plus loin car ce sont des systèmes complexes avec de nombreuses interactions. Votre question « quand pourrait avoir lieu la prochaine éruption solaire ? » est centrale et elle fait d’ailleurs partie des priorités identifiées par la mesure du président Obama que j’évoquais à l’instant. On sait que le Soleil à un cycle de 11 ans et que les éruptions sont plus fortes et plus fréquentes lors du pic de ce cycle. La tempête solaire de 1859 a eu lieu lors d’un tel pic. Mais le pic attendu de 2010-2011 s’est produit avec retard en 2014 et a été au final plutôt faible, l’un des plus faibles connus. Cela montre que nous devons améliorer notre connaissance de la dynamique de notre étoile pour les tendances à moyen et long termes. Pour le court terme, on sait que plus il y a de taches solaires, plus les éruptions fortes sont possibles. La réalité est cependant plus subtile. On dispose aujourd'hui de plusieurs satellites qui scrutent l’activité du Soleil et, fort heureusement, une tempête solaire met de 30 à 72 heures à nous atteindre. Ce délai reste court et il faut améliorer les modèles pour mieux prévoir l’impact d’une tempête solaire donnée sur notre planète. On est aussi conscient que 30 à 72 heures sont insuffisantes en cas de très forte tempête solaire qui nécessiterait des mesures de prévention lourdes et donc plus longues à mettre en place.

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