Quand la science permet de dissiper les craintes pour la santé liées à la 5G et aux ondes électromagnétiques<!-- --> | Atlantico.fr
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Le logo 5G est représenté lors du lancement du réseau de données mobiles 5G de Vodafone à Londres le 3 juillet 2019.
Le logo 5G est représenté lors du lancement du réseau de données mobiles 5G de Vodafone à Londres le 3 juillet 2019.
©Tolga Akmen / AFP

Bonnes feuilles

Raphaël Chevrier publie « Qu’en dit la science ? Vaccins, 5G, PMA, numérique, génome... pour y voir enfin clair ! » aux éditions Buchet Chastel. Raphaël Chevrier nous donne les arguments afin de peser le pour et le contre sur les grands sujets d'aujourd'hui. 5G, modifications génétiques, fin de vie, intelligence artificielle... grâce à son éclairage scientifique tout devient clair. Extrait 2/2.

Raphaël Chevrier

Raphaël Chevrier

Raphaël Chevrier est docteur en physique et également chroniqueur pour la presse scientifique. Après Ça alors ! (La Librairie Vuibert, 2018), et Comment avoir un avis sans raconter n'importe quoi ?, il a publié Qu’en dit la science ? Vaccins, 5G, PMA, numérique, génome... pour y voir enfin clair ! aux éditions Buchet Chastel.

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« Mais comment réduire les ondes wifi autour de votre bébé ? » C’est la publicité sur les réseaux sociaux d’une célèbre marque de vêtements pour enfants qui propose, depuis l’été 2019, une collection de bonnets et de couvertures de naissance « anti-ondes », tricotés d’un mélange de coton bio et de fil d’argent. Promettant, « selon une étude en laboratoire », de bloquer 99,5 % des ondes de 800 MHz à 5,8  GHz, la marque entend protéger les nourrissons des rayonnements électromagnétiques que nous recevons en permanence de nos téléphones portables et de tout autre dispositif utilisant une connexion wifi. Accusée de provoquer inutilement de la crainte auprès des jeunes parents avec de la pseudoscience à des fins marketing, l’entreprise invoque le « principe de précaution », ajoutant sa petite touche à une nouvelle mode sanitaire en adéquation avec nos sociétés ultra-connectées.

Bonnets, leggings, couvre-nuques, gants, tee-shirts, sous-vêtements, tentes… on ne compte plus les produits censés au quotidien protéger le commun des mortels des ondes, et souvent vendus à des prix exorbitants. N’hésitant pas à brandir des « études scientifiques » particulièrement alarmistes, paroles d’experts à l’appui, les fabricants de ces collections vestimentaires singulières se jouent-ils de notre aspiration à vivre en bonne santé et le plus longtemps possible ? Que dit la science des effets à court et long termes des ondes électromagnétiques ?

(…)

Les craintes liées à l’utilisation des téléphones portables ne sont pas nouvelles. Dès leur mise en circulation, on s’interroge sur leur capacité à augmenter les risques d’apparition de tumeurs cérébrales. Certes, les téléphones cellulaires émettent des ondes radio à très faible puissance, cent mille fois moindres qu’une antenne émettrice d’ondes radio FM. Mais leur proximité avec le corps humain – nos smartphones sont généralement glissés dans une poche proche des parties génitales ou collés contre l’oreille pendant un coup de fil – en font la principale source d’exposition aux radiofréquences pour les individus.

Comme le rappelle l’OMS, « un grand nombre d’études ont été menées au cours des deux dernières décennies pour déterminer si les téléphones portables représentent un risque potentiel pour la santé. À ce jour, il n’a jamais été établi que le téléphone portable puisse être à l’origine d’un effet nocif pour la santé ». Plus généralement, l’OMS indique avoir lancé dès 1996 le « Projet international pour l’étude des champs électromagnétiques » (« International EMF Project ») visant à faire un point régulier sur les connaissances scientifiques à ce sujet.

Au cours des trente dernières années, plus de vingt-cinq mille articles scientifiques ont été publiés sur les effets biologiques et sur les applications médicales des rayonnements non ionisants, ce qui est considérable. S’appuyant sur un examen approfondi de cette littérature scientifique, « plus complète que celles que l’on possède sur la plupart des produits chimiques », l’OMS affirme que « les données actuelles ne confirment en aucun cas l’existence d’effets sanitaires résultant d’une exposition à des champs électromagnétiques de faible intensité ». Pour sa part, l’ANSES évoque une « absence d’effet avéré à court terme […] pour les différentes sources d’exposition, les téléphones mobiles étant parmi les plus présentes en nombre et en intensité ».

Publiée en 2010 dans l’International Journal of Epidemiology, l’étude épidémiologique « Interphone », la plus ambitieuse jamais entreprise sur les effets sanitaires du portable, a mobilisé un budget de 19 millions d’euros, des scientifiques issus de treize pays et quatorze mille volontaires, utilisateurs ou non de téléphones mobiles. Malgré des difficultés à se mettre d’accord sur l’interprétation des résultats, en raison de biais méthodologiques inhérents à ce type d’étude de grande ampleur, les chercheurs concluent qu’aucune augmentation du risque de gliome ou de méningiome n’a pu être associée à plus de dix années d’utilisation du téléphone cellulaire par des adultes.

Certaines publications, minoritaires en nombre mais souvent mises en avant dans les médias, évoquent une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, sur le long terme, pour les utilisateurs intensifs de téléphone portable. Or, ces données concernent généralement des niveaux d’exposition très supérieurs à ceux de la vie courante et elles souffrent, elles aussi, de biais méthodologiques qui compliquent leur interprétation.

En effet, comment savoir si le risque accru est uniquement lié à la téléphonie portable ? La majoration du nombre de cancers du cerveau (par ailleurs modérée ces trente dernières années) est-elle à mettre sur le compte de l’essor de cette téléphonie ou bien d’une amélioration avérée des méthodes de diagnostic ? Devant l’absence de preuve irréfutable de l’innocuité des smartphones, le Centre international de recherche sur le cancer classe, depuis 2011, les radiofréquences comprises entre 30 kHz et 300  GHz dans la catégorie des « cancérogènes possibles pour l’homme », ou « peut-être cancérogènes », avec « indications limitées ou insuffisantes de cancérogénicité chez l’homme et chez l’animal », au même titre que trois cent onze divers agents tels que… les cornichons macérés dans du vinaigre, la moutarde à l’uracile ou le café.

En droite ligne avec ces conclusions en demi-teinte, l’OMS ajoute que « notre connaissance des effets biologiques de ces champs [électromagnétiques] comporte encore certaines lacunes et la recherche doit se poursuivre pour les combler ». Elle pointe ici du doigt les doutes qui subsistent sur les effets à long terme de ces expositions. Devant ces incertitudes et par principe de précaution, l’ANSES recommande l’utilisation des kits mains libres, de privilégier l’acquisition de téléphones affichant les DAS les plus faibles ou encore de réduire l’exposition des enfants en incitant à un usage modéré du téléphone mobile par les plus jeunes.

L’expertise de l’ANSES reconnaît, « avec des niveaux de preuve limités », certains effets biologiques au niveau du sommeil, de la fertilité (des animaux mâles) ou des performances cognitives, chez l’homme comme chez l’animal. Elle n’a cependant « pu établir un lien de causalité entre les effets biologiques décrits sur des modèles cellulaires, animaux ou chez l’homme, et d’éventuels effets sanitaires qui en résulteraient. […] Compte tenu de ces éléments, il n’apparaît pas fondé […] de proposer de nouvelles valeurs limites d’exposition pour la population générale ».

La 5G

Ces résultats, si rassurants soient-ils, ne suffisent pas à calmer les inquiétudes liées aux radiofréquences, qui ont pris une dimension supplémentaire avec la perspective du déploiement en France du nouveau réseau de télécommunications 5G. Promettant un débit jusqu’à dix fois plus élevé que la 4G, la technologie 5G utilisera une bande de fréquence plus haute : 3,5 GHz pour la couverture en téléphonie mobile, puis, les années suivantes, 26 GHz essentiellement pour la communication entre objets connectés. Grâce à ces plus grandes capacités de transfert de données mobiles, en quantité et en vitesse, la 5G vise à développer des services innovants dans de multiples domaines comme la santé, les médias, les transports ou encore les industries du futur.

Cependant, on l’a vu, plus la fréquence est haute, plus la portée des ondes est courte. Les ondes se propagent moins loin et sont facilement stoppées par des obstacles (les arbres, les murs d’habitations). C’est pourquoi le déploiement de la 5G nécessite l’installation de nombreuses antennes-relais, sources d’un surcroît d’inquiétude dans l’opinion publique. Depuis quelque temps, des associations et groupes ouvertement hostiles à la 5G fleurissent sur les réseaux sociaux. La plupart s’appuient sur une récente pétition signée par plus de 150000 personnes et alignant de très nombreuses approximations, voire de fausses informations.

Brouillant subtilement les pistes avec un appel plus officiel signé par une centaine de scientifiques à un moratoire sur la 5G au nom du simple principe de précaution (le « 5G Appeal » envoyé le 13 septembre 2017 à la Commission européenne), ses auteurs demandent l’arrêt immédiat du déploiement « sur Terre et dans l’espace » de la 5G. Anxiogène, le texte assure se fonder sur « plus de 10000 études scientifiques » pour dresser la liste des effets néfastes de la 5G sur la santé : palpitations cardiaques, difficultés d’apprentissage et pertes de mémoire, dommages neurologiques, infertilité et altération de la qualité du sperme, dégradation du développement des cellules souches, fausses couches, maladies cardiovasculaires, obésité et diabète, cancers etc.

Largement triées sur le volet afin d’aller dans leur sens, les études mises en avant par les auteurs sont généralement fortement critiquées par la communauté scientifique. C’est le cas du rapport BioInitiative, publié en 2007, mais dont la qualité scientifique est sérieusement remise en cause par diverses institutions. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) indique notamment que « les différents chapitres du rapport sont de rédaction et de qualité inégales. Certains articles ne présentent pas les données scientifiques disponibles de manière équilibrée, n’analysent pas la qualité des articles cités ou reflètent les opinions ou convictions personnelles de leurs auteurs. »

Saisie par les ministères de la Santé, de l’Environnement et de l’Économie, l’ANSES a publié fin janvier 2020 un premier compte rendu préliminaire, qui propose notamment un état des lieux de la littérature scientifique sur la 5G. Elle demeure restreinte, en ce qui concerne les effets biologiques et sanitaires liés aux fréquences autour de 3,5 GHz. Rien de surprenant, puisque la technologie 5G demeure encore essentiellement expérimentale. De fait, la communauté scientifique manque de recul sur l’ensemble des effets de ces fréquences. C’est pourquoi « les experts évalueront la possibilité d’extrapoler des travaux d’expertise antérieurs de l’Agence sur les impacts sanitaires des diverses technologies de communication existantes (3G, 4G, wifi…) qui utilisent des fréquences proches de la bande 3,5 GHz, de 0,8 à 2,45 GHz ». En ce qui concerne les fréquences plus élevées, comprises entre 20 et 60 GHz, les données existent et c’est sur leur base que l’évaluation aura lieu.

En somme, il n’y a aucune raison fondamentale pour que les champs électriques des ondes émises par la 5G soient plus nocifs que ceux des autres radiofréquences : c’est surtout leur schéma de déploiement et l’exposition subséquente de la population qui pose question. Ainsi l’ANSES souligne la « nécessité de disposer du maximum d’informations techniques de la part des industriels impliqués afin d’être capable de définir des scénarios d’exposition des populations, en collaboration avec l’Agence nationale des fréquences (ANFR), et d’évaluer l’impact sanitaire éventuel. »

Devant cette absence d’étude, de nombreuses associations s’indignent d’un déploiement « précipité » du nouveau réseau 5G, oubliant un peu vite que le sujet n’est pas si nouveau, et que des données relativement rassurantes sont déjà disponibles sur les technologies antérieures de télécommunication. La Belge Céline Fremault, alors ministre chargée de l’Environnement au gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, est d’ailleurs devenue malgré elle l’égérie du mouvement anti-5G suite à sa déclaration de mars  2019 : « Force est de constater qu’il est impensable pour moi de permettre l’arrivée de cette technologie si je ne peux assurer le respect des normes protégeant les citoyens. 5G ou pas. Les Bruxellois ne sont pas des souris de laboratoire dont je peux vendre la santé au prix du profit. On ne peut laisser planer de doute. »

Immédiatement interprétés comme une opposition franche et massive de Bruxelles à l’installation de la 5G, ces propos méritent de petits éclaircissements. Loin d’interdire la 5G pour des raisons de santé, la ministre soulève simplement la question légitime du cadre législatif dans lequel le réseau sera bel et bien mis en place. En effet, il y est notamment envisagé d’assouplir les valeurs limites d’exposition dans la région. Comme souvent, dans ce type de débat mêlant science, politique et enjeux industriels, le diable se cache dans les détails.

La courbe de la discorde

En 2000, le district scolaire du comté de Broward, en Floride, envisage d’équiper ses deux cent cinquante mille élèves d’ordinateurs portables connectés à un nouveau réseau wifi. Ses responsables reçoivent alors un rapport alarmant. Bill P.  Curry, consultant et physicien mandaté par le District, estime que la technologie sans fil est susceptible de présenter « un grave danger pour la santé ».

Pour appuyer ses propos, le physicien dévoile une courbe, titrée « Absorption des micro-ondes par les tissus du cerveau » et obtenue par exposition de cellules à des ondes électromagnétiques variées. Le graphique montre comment la dose de radiation absorbée par les tissus augmente à mesure que les signaux utilisés dans les technologies sans fil montent en fréquence. Principale source de ses « préoccupations », cet effet pourrait participer à l’apparition du cancer du cerveau, dont très peu réchappent. Cette courbe, de nombreuses associations l’ont reprise et utilisée devant les cours de justice ou dans les médias pour protester contre l’avènement grandissant des technologies sans fil qui présentent selon elles un danger pour la santé publique, en particulier chez les enfants, spécialement vulnérables en raison de leur cortex en plein développement.

La communauté scientifique, quant à elle, juge très sévèrement la courbe de Curry, l’accusant d’interpréter des résultats obtenus en laboratoire, dans des conditions très éloignées de la réalité. En effet, tous les organes logés à l’intérieur du corps humain sont protégés des agressions extérieures par une couche de peau plus ou moins épaisse et, en ce qui concerne l’encéphale, par la paroi osseuse du crâne. L’épiderme et la boîte crânienne agissent ainsi comme une barrière contre les ondes, notamment celles émises par le Soleil, et dont les fréquences sont beaucoup plus élevées que celles des ondes radio. Curry a donc interprété ses données comme si notre matière grise reposait absurdement à l’air libre et était soumise à tous les rayonnements, qu’ils soient naturels ou d’origine anthropique. 

Extrait du livre de Raphaël Chevrier, « Qu’en dit la science ? Vaccins, 5G, PMA, numérique, génome... pour y voir enfin clair ! », publié aux éditions Buchet Chastel.

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