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Olivier Dussopt prend la parole à l'Assemblée nationale lors des débats sur la réforme des retraites.
Olivier Dussopt prend la parole à l'Assemblée nationale lors des débats sur la réforme des retraites.
©Ludovic Marin / AFP

Institutions

Derrière l’arbre de la réforme des retraites, se cache la forêt d’un système représentatif à bout de souffle dont les Français implorent la rénovation totale. Il y a urgence à agir.

Jad Zahab

Jad Zahab, essayiste, est diplômé de l'école des affaires publiques de Sciences Po Paris. Militant associatif engagé en faveur de la participation des jeunes à la vie politique, il est sensible aux sujets liés à l'immigration, aux valeurs de la République, à la refondation du pacte social et à la lutte contre les inégalités, marqueurs de son engagement. Il intervient régulièrement dans les médias pour analyser l'actualité politique et sociale. Il est entre autres l’auteur de "Retrouver la république" (Cherche Midi Éditeur). 

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Les retraites feront-elles imploser notre système institutionnel ? Dans un contexte économique difficile où l’inflation galope, où le coût matières premières pour se chauffer ou se déplacer a atteint des niveaux historiquement hauts, tous les ingrédients sont réunis pour que le conflit dure. Le totem de la retraite à 64 ans est certes l’étincelle, mais ce serait une erreur de croire les Français opposés au Gouvernement uniquement mus par la contestation de ce projet. Ils veulent qu’on leur rende le pouvoir. 

Si beaucoup s’émeuvent de l’injustice - pour les femmes et les carrières longues entre autres- que produirait ce projet, la réalité du mouvement de fond dans le pays consiste bien plus en une récusation de l’action politique et un rejet de l’Etat et de ses représentants, dont l’abstention électorale croissante n’a cessé de nous alerter depuis plus de vingt ans. Si la rue ne peut pas, dans un Etat de droit comme le nôtre, faire la loi, nous ne pouvons ignorer, malgré tout, qu’elle est un baromètre de l’opinion publique. Sans oublier la partie silencieuse de du pays qui consent au projet gouvernemental, force est de constater que le politique est face à un défi de taille : celui d’accoucher l’intérêt commun au service d’une société elle-même plus que jamais morcelée.

Derrière l’arbre de la réforme des retraites, se cache, en réalité, la forêt d’un système représentatif à bout de souffle dont les Français implorent la rénovation totale. Cinq ans après le mouvement des gilets jaunes, où le sentiment d’abandon avait été exprimé par beaucoup, où l’humiliation ressentie depuis trop longtemps s’était exprimée parfois à l’état brut, nous voilà revenus, aujourd’hui, au même constat : alors que se percutent la légitimité de droit d’une Assemblée nationale et d’un Sénat élus et celle, sociale, de la rue, nous ne sortirons renforcés de cette séquence qu’à la condition de la réaffirmation de leur complémentarité et non de leur concurrence. Comment ?

Les slogans scandés ces derniers jours sont sans équivoques : ils remettent en cause la légitimé de l’élection du Président de la République, contestent la représentativité du Sénat, condamnent - souvent à juste titre, d’ailleurs - la qualité et le niveau des débats à l’Assemblée nationale. L’exigence de participation directe, que certains traduisent par la demande d’un référendum législatif sur ce projet de loi ne saurait masquer le précipice au bord duquel nous nous trouvons : la contestation de la légitimité de nos institutions, si elle n’est pas rapidement enrayée, préfigure d’un régime démocratique coupé des citoyens, incapable de maintenir la paix sociale, responsable de sa propre paralysie voire de son autodestruction.

Dès lors, il y a urgence à agir. Peu importe, au regard des enjeux, l’issue du débat sur le projet de réforme des retraites, le temps est enfin venu d’affronter l’immense tâche de rénovation et même, de réinvention démocratique qui nous attend. Loin des chicaneries politiciennes, nous devons repenser les modes de délibération collective et les conditions de la représentation d’un peuple qui en manque cruellement. 

Le passage au septennat doit donner au chef de l’Etat les moyens du temps long. La dissolution citoyenne de l’Assemblée nationale, en lieu et place de celle, présidentielle, actuellement dans notre Constitution, doit remettre la société au centre de l’échiquier politique et parlementaire : à raison d’une fois tout au plus par mandat présidentiel, sous réserve de rassembler un dixième du corps électoral, les Français doivent pouvoir ôter à leurs représentants la confiance accordée, s’ils l’estiment rompue. De même, ils doivent pouvoir, à l’échelle d’une circonscription législative, convoquer une élection partielle. Enfin, outre l’introduction d’une dose de proportionnelle - avec prime majoritaire - dans les modalités d’élection de l’Assemblée nationale, le temps est venu d’élire le Sénat au scrutin universel direct. Les grands électeurs appartiennent au passé. 

Nous commettrions une erreur magistrale – ne sommes-nous pas déjà si naïfs ?- si nous refusions d’affronter la raison structurelle à l’origine des maux de la société, que cristallise la contestation actuelle dans le pays. En refusant, ces dernières années, de répondre à la crise démocratique majeure qui nous guette, nous l’avons, à défaut ou à dessein, faite prospérer. Nous n’avons plus le temps d’attendre.

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