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Protectionnisme : Trump n’ira pas prendre le risque de déclencher une guerre commerciale
©NICHOLAS KAMM / AFP

Atlantico Business

Les opinions publiques sont plutôt favorables aux mesures protectionnistes alors que les économistes y sont unanimement opposés.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le protectionnisme est sans doute le seul outil de politique économique où il existe une fracture ouverte entre les responsables politiques et les économistes. Entre les opinions publiques et les chercheurs.

Les politiques se laisseront facilement aller à mettre des barrières douanières, ils y pensent en permanence quand ils font campagne et acceptent de passer à l’acte une fois élus pour répondre à la demande parfois pressante des certaines corporations qui ont du poids.

En revanche, bien malins ou très pervers ceux qui pourront trouver des économistes chercheurs qui seraient prêts à défendre le protectionnisme. Pour les économistes et pas seulement pour tous les libéraux disciples de Bastiat, le protectionnisme est une imposture intellectuelle qui ne sert qu’à favoriser des groupes d’intérêt aux dépens du plus grand nombre et du bien public. En clair et en bref, tous les économistes y sont opposés, d’une part pour des raisons morales parce que c’est l’expression de la loi du plus fort et d’autre part, pour des raisons économiques puisque le droit de douane pénalise le consommateur du pays qui se protège.

Comme il l’avait promis dans sa campagne présidentielle, Donald Trump a publiquement annoncé qu‘il allait augmenter les droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium. Il travaille aussi à une augmentation des droits de douane sur les importations de voitures et notamment les voitures allemandes.

En vingt-quatre heures, la Chine a fait savoir qu‘elle pourrait répondre par des mesures de fermeture de son propre marché intérieur et l’Europe a fait dire qu‘elle répliquerait avec rapidité et fermeté.

Les marchés financiers sont un peu nerveux, les valeurs qui pourraient être touchées par d’éventuels embargos. Les banques européennes, les constructeurs automobile et les sidérurgistes européens ont cédé du terrain à la bourse, mais tout le monde essaie de minimiser l’ampleur de cette menace.

Pour beaucoup, Donald Trump ne peut pas prendre le risque de déclencher une guerre commerciale mondiale. Il a, comme souvent, poussé un coup de communication à l’adresse de son électorat. Il sait trop bien que des augmentations de tarifs douaniers se traduiraient par des augmentations de prix et que c’est le consommateur qui en ferait les frais, sans doute la classe moyenne américaine, celle-là même qui a voté pour lui.

Alors, il ne faut pas être naïf. Des mesures protectionnistes ont toujours été utilisées par les gouvernements pour protéger les industries stratégiques ou naissantes. Les américains comme les chinois savent très bien en abuser. Ces mécanismes passent le plus souvent par des barrières non tarifaires (normes techniques ou sanitaires, ou alors par le jeu des monnaies).

La baisse du dollar est une arme de destruction massive pour tout le monde, d’autant que les autres pays de la planète peuvent difficilement s’en défendre.

Le dumping social ou fiscal est aussi, quoi qu’on dise, une arme de protection et personne n’hésite.  Les perfusions de fonds publics sur certains secteurs sont également très efficaces et difficiles à contrecarrer de l’extérieur.

Ceci dit, l’arme fatale, la plus efficace et surtout la plus spectaculaire pour impressionner une opinion publique qui se sent menacée par la concurrence, c’est le droit de douane. C’est aussi la plus dangereuse parce qu’elle est très bruyante et très visible. Donc elle oblige les Etats à rétorquer et à surenchérir.

Ceci béant, alors que les opinions publiques sont très sensibles à tout ce qui peut protéger leur activité, leurs emplois, le monde des affaires et les économistes considèrent que le protectionnisme en général n’est pas un facteur de progrès.

Le protectionnisme freine l’activité, la concurrence et du coup tue la croissance. Toutes les grandes crises économiques et financières sont devenues mondiales à cause des défenses protectionnistes.

Si on reprend l‘ensemble de l’histoire économique de la planète, et même l’ensemble de l’histoire de la pensée économique, le protectionnisme a été perçu et compris comme une anomalie au développement économique. De là, toutes les organisations internationales qui se sont multipliées depuis la grande crise ont eu pour objectif de favoriser le libre échange, le FMI, l‘OMC, l’Union européenne. Le libre-échange, l’abaissement des barrières douanières ont été la règle qui s’est diffusée un peu partout sur la planète.

Les économistes dont la mission est d’expliquer les mécanismes de créations de richesse, ont tous, à très peu d’exceptions près, combattu les mesures de protectionnisme, très souvent contre l’avis des responsables politiques. C’est le seul sujet sur lequel il y a une fracture aussi ouverte entre les économistes et les politiques.

Les auteurs mercantilistes nous ont expliqué que la richesse d’une nation dépendait du stock de métaux précieux qu’il pouvait détenir, ils ont donc prôné la conquête de ressources rares et la protection de leur réserve.

Au 17ème siècle, Colbert a initié avec les manufactures un développement d’une industrie nationale pour ne pas dépendre de l’extérieur.

Plus tard, on trouve quelques rares auteurs qui vont défendre les mécanismes de protection. Paul Bairoche, dans les annéeS 1840, pense que la Grande Bretagne et la France du 19ème siècle doivent protéger leur décollage et limiter leur commerce extérieur. Napoléon III sera contre.

En Prusse, on va inventer le protectionnisme éducatif pour protéger les secteurs naissants.

Plus récemment, le mouvement altermondialiste s’opposera à la concurrence internationale qui favorise évidemment la spécialisation, au détriment des travailleurs nationaux, mais disons que le mouvement a rapidement abandonné des positions très radicale dans ce domaine. Certains ont relayé les thèses de Friedrich List mais pour limiter le protectionnisme aux secteurs naissants. D’autres ont préconisé le commerce équitable. Mais tout cela est resté assez marginal.

Des économiques très écoutés par les non libéraux comme Joseph Stiglitz ou Tobin (l’inventeur de la taxe) ont toujours été violemment critiques contre les différentes formes de protectionnisme.

La lutte contre le protectionnisme a transgressé les clivages idéologiques qui séparaient la droite de la gauche dans la mesure où tout le monde finit par reconnaître que les grands bénéficiaires du protectionnisme sont les groupes d’intérêt et les lobbies qui les réclament.
Mais en dépit de ces évidences, les responsables politiques fragilisés par la montée du populisme, lui-même alimenté par les populations dé
classées par les effets de la mondialisation ou de la modernité, ont rarement résisté à une demande de protection dont il savait pourtant, qu’à terme, elle était toxique. 

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