Projet de loi climat et résilience : le mauvais mix politique du gouvernement <!-- --> | Atlantico.fr
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Barbara Pompili environnement écologie projet de loi convention citoyenne pour le climat réchauffement climatique
Barbara Pompili environnement écologie projet de loi convention citoyenne pour le climat réchauffement climatique
©Ludovic MARIN / AFP

Environnement

Examiné mercredi en conseil des ministres, le très attendu projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat représente un véritable test pour la crédibilité des engagements environnementaux d'Emmanuel Macron.

Jean de Kervasdoué

Jean de Kervasdoué

Jean de Kervasdoué est un économiste de la santé français, titulaire de la chaire d'économie et de gestion des services de santé du conservatoire national des arts et métiers (CNAM)et membre de l’Académie des technologies. Il a été directeur général des hôpitaux.

Ingénieur agronome de l’Institut national agronomique Paris-Grignon il a également un MBA et un doctorat en socio-économie de l’Université de Cornell aux Etats-Unis. Il est l'auteur de Pour en finir avec les histoires d’eau. Imposture hydrologique avec Henri Voron aux Editions Plon et vient de publier Les écolos nous mentent aux éditions Albin Michel. 

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Atlantico.fr : Le gouvernement a présenté son projet de loi climat en conseil des ministres, reprenant certaines mesures de la Convention citoyenne pour le climat.

Jean de Kervasdoué : Qualifier ce projet de loi de Projet de loi « Climat » est un abus de langage et ceci pour plusieurs raisons.

Des mesures qui limiteraient sensiblement le rejet de gaz à effet de serre, à commencer par l’usage de l’énergie nucléaire, ne sont pas évoquées. Rappelons que la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a choisi de ne pas en parler. Curieux choix, mais choix explicable, sinon compréhensible, car la question du nucléaire illustre une des contradictions majeures de l’écologie politique : elle est prise entre le rejet a priori de cette source d’énergie et la volonté de limiter le rejet de gaz à effet de serre. En effet, les centrales nucléaires sont, de ce point de vue-là notamment, les plus performantes.

De même, le projet de loi souhaite à tout prix favoriser le développement des cultures qualifiées de « bio », or elles s’interdisent l’usage d’herbicides qui pourtant, en limitant les labours, réduisent le rejet de gaz à effet de serre.

Des mesures qui consistent à réduire les pertes d’énergie dans les bâtiments, louables en elles-mêmes, n’ont d’impact sur le rejet de gaz carbonique que quand le chauffage est un chauffage au fuel, au charbon ou au bois et donc pas, en France, au chauffage électrique, l’électricité étant décarbonée à plus de 90% en France.

Par ailleurs, et la ministre Barbara Pompili le reconnait, c’est un catalogue des mesures fétiches de l’écologie politique, un inventaire à la Prévert. « Ce projet de loi … ne contient pas seulement des mesures aux impacts carbone facilement mesurables, il agit aussi sur le mode de vie, avec les étiquettes climat sur les produits, l’éducation à l’environnement ou la régulation de la publicité ». Ainsi, en ce qui concerne l’alimentation des enfants, il porte une confusion regrettable entre le « bio » et le bon pour la santé. Tout ce qui est bio n’est pas nécessaire bon, et tout ce qui est bon n’est pas nécessairement bio. L’évolution des habitudes alimentaires est une question importante, et, comme beaucoup je suis un partisan des produits locaux et de saison, mais les aliments bios sont plus onéreux et se conservent moins et ne sont en rien meilleur pour la santé. Certes, la promotion du « bio » favorise les commerçants, mais elle pénalise surtout les ménages modestes. En outre, en matière de nutrition, ce qui compte c’est la manière dont les Français s’alimentent et non pas le label donné à un aliment.

Ces mesures sont-elles en capacité de résoudre les vraies problématiques liées à l’environnement en France ?

Les problèmes essentiels en matière d’environnement, en France, n’ont pas attendu ce gouvernement pour être votés. La création des parcs nationaux et régionaux, la loi sur le littoral, le traitement des déchets, la production d’une eau potable de qualité, le traitement des boues des stations d’épuration, la qualité de l’air…  Pour tous ces thèmes existe déjà une abondante législation. S’y ajoutera, et cela me semble souhaitable mais limité, des mesures réduisant l’artificialisation des sols par les zones commerciales.

A-t-on trop tendance à fixer des priorités sur des points non-essentiels et à ne pas traiter les vrais sujets en matière d’écologie ?

En dehors de la question du climat, les questions écologiques sont liées à un écosystème précis. La Beauce, n’est pas le maquis corse qui n’est pas le boccage breton. Aussi, quand je constate que ce projet de loi veut limiter partout en France l’usage de l’eau, on peut se poser des questions sur la formation écologique des écologistes. En effet, les fleuves français rejettent en mer 171 milliards de mètres cubes par an qui vont donc se perdre en mer. Faut-il, au cours de cet hiver pluvieux, économiser de l’eau dans les Landes où les fleuves débordent ?

Plus sérieusement, les importantes questions écologiques que l’Humanité doit traiter sont dans les pays du sud : le rejet d’immondices et de déchets dans la mer, la déforestation, la surpêche, la biodiversité et surtout les conséquences sur l’environnement de la natalité des pays les plus pauvres. Que faisons-nous pour eux ? Comment peut-on les aider à concilier croissance et maitrise du rejet de gaz à effet de serre ? 

Réduire la consommation d’eau en France n’a pas de sens et ne permettra jamais d’abreuver les éléphants du Zimbabwe ? Rapprocher le problème des îles Maldives et la politique française en matière de climat, comme on l’entend chaque jour, est une manipulation. 

Le gouvernement est-il incapable, pour reprendre votre livre, de faire "le véritable état des lieux de la planète" et de la France sur le plan de l’écologie ?

Oui, nous venons de l’évoquer, car les questions écologiques spécifiquement françaises ont été pour l’essentiel réglées, même si certains problèmes nécessitent des ajustements le plus souvent marginaux et locaux. Le gouvernement s’est piégé en lançant la convention citoyenne sur le climat, il essaye de s’en sortir en présentant ce projet de loi, en se voulant plus vert que les Verts, ce qui ne semble pas satisfaire Monsieur Jadot et les écologistes. La leçon donnée en la matière sous le précédent quinquennat ne semble pas avoir été retenue.

Ce projet de loi est-il une tentative de donner des gages à certains écologistes plus préoccupés par le symbole que par l’action ?

Oui, à l’évidence, mais il ne s’agit pas que de cela car ceci a un prix et l’on peut notamment se demander si ces mesures sont compatibles avec la réindustrialisation de la France. Par exemple : va-t-on favoriser le commerce en interdisant les lignes aériennes intérieures dès lors qu’existe une alternative ferroviaire en moins de quatre heures ? Ces vols ne représentent pourtant qu’un à deux centièmes du trafic aérien et cette mesure va pénaliser les provinciaux et les étrangers qui doivent se déplacer pour leur profession. 

Enfin, quel véritable impact ces mesures auront-elles sur le climat ? Vous remarquerez que quand on parle de mesures de réduction du rejet de gaz à effet de serre, on parle en pourcentage, pas en valeur absolue. Si l’on tenait les engagements de la France, ce que l’on ne fera pas avec ces mesures, il faudrait réduire nos rejets de 112 millions de tonnes CO² chaque année, soit, en 10 ans, 1,12 milliards de tonnes. Certes, la part du gaz carbonique de l’atmosphère est passée de 280 ppm (parties par million) en 1850 à 410 ppm à l’heure actuelle (près de 50 % d’accroissement) et continue de progresser, soit donc 0,041%. Cela parait peu mais pèse 3 200 milliards de tonnes. Donc la contribution potentielle française à la réduction de cette masse serait de 0,00035%. Cette règle de trois semble être le secret le mieux gardé.

Ceci ne veut pas dire qu’il ne faut pas, pour de très nombreuses raisons, limiter l’usage des énergies fossiles, notamment en France qui n’en possède pratiquement pas, cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas être exemplaire, mais veut certainement dire qu’il faut aussi se préparer au réchauffement climatique.   

Jean de Kervasdoué

Auteur, avec Henri Voron, de « Les écologistes nous mentent » - Albin Michel 2021

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