Le programme économique du FN : cet obscur objet du désir des électeurs<!-- --> | Atlantico.fr
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"L’extrême droite propose la régression, mais la régression dans une plus grande égalité."
"L’extrême droite propose la régression, mais la régression dans une plus grande égalité."
©Reuters

Economie populaire

Très critiquée dans les médias depuis plusieurs mois pour la faiblesse de ses propositions économiques, Marine Le Pen a pourtant su en faire de véritables éléments d’adhésion populaire.

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou est économiste et essayiste, fondateur du cabinet de conseil Asterès. Il a publié en septembre 2015 Le Grand Refoulement : stop à la démission démocratique, chez Plon. Il enseigne à l'Université de Paris II Assas et est le fondateur du Cercle de Bélem qui regroupe des intellectuels progressistes et libéraux européens

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La conjugaison de la mondialisation et du progrès technique génère, partout dans le monde développé, un accroissement des inégalités. Celles-ci se lisent dans la distribution des salaires, et non pas seulement des revenus ou des patrimoines. Autrement dit, ces inégalités (que j’ai décrites dans Le Chagrin des Classes Moyennes, Lattès, 2011) sont endogènes à l’économie capitaliste. Pour lutter contre, il existe deux postures : celles des partis de Gouvernement qui consistent à vouloir donner sa chance à chacun pour rendre ces inégalités acceptables ou même les réduire partiellement (par exemple en mettant en place une grande politique d’éducation) ; celle des partis contestataires qui consiste à refuser les causes de ces inégalités, à savoir le progrès et les échanges mondialisés. L’extrême droite européenne se situe typiquement dans ce type de pensée

Une analyse superficielle considère que l’extrême-droite fait de bons scores là où le chômage est élevé. C’est pour cette raison que Marine Le Pen aurait enregistré au premier tour d’excellents résultats dans le Nord et l’Est, là où l’hémorragie d’emplois industriels est la plus forte. Mais cette observation n’épuise pas la question. En effet, Marine Le Pen a aussi reçu de très nombreux suffrages dans des départements ruraux comme la Lozère dans lesquels le chômage est quasi inexistant, souvent en raison du recul démographique. En outre, l’extrême droite est forte aussi dans des pays à faible taux de chômage (comme les Pays-Bas). Enfin, le chômage devrait aussi générer une montée de l’extrême-gauche (dont une partie souhaite interdire les licenciements), ce qui n’est pas le cas. Preuve qu’une explication économique plus globale de la montée de l’extrême-droite est nécessaire.

L’extrême droite enregistre de bons scores électoraux car son obsession antimondialiste, se traduisant par une critique systématique du libre-échange et de l’Europe, tape sur un point sensible. Son programme est à la fois réactionnaire et cohérent. Pour l’extrême-droite, l’essentiel de nos maux - chômage, insécurité, pauvreté - a deux sources : la mondialisation et l’immigration. L’obsession anti-immigrationniste ne repose sur aucun fondement économique. Au contraire, les économistes ont depuis longtemps montré que l’immigration constituait un facteur de croissance économique, et cette théorie a été largement validée par l’histoire. En revanche, l’instauration d’un protectionnisme européen voire français constituerait en effet un réducteur d’inégalités. Mais cette politique ne serait acceptable que si l’on veut bien en payer le prix : un appauvrissement généralisé lié à l’augmentation du prix des produits importés (ce sont les consommateurs et les entreprises qui paient les droits de douane) et une forte contraction des débouchés qui s’offrent à nos entreprises. En effet, il est naïf de penser que le protectionnisme ne réduit que les importations. Les mesures de rétorsion adoptées par les pays tiers se traduisent aussi par une diminution des exportations. Finalement, le protectionnisme génère l’autarcie. L’économie se contracte, et tout finit par se réduire : la croissance, les profits, les salaires, les investissements… On n’est pas très loin des effets de la décroissance, délétères pour le corps social.

Mais c’est vrai, le protectionnisme affaiblit les pressions concurrentielles, et n’incite donc pas les entreprises à incorporer dans leur processus de production des nouveaux procédés technologiques. L’extrême droite propose la régression, mais la régression dans une plus grande égalité. Mais dans un pays où l’on se méfie plus qu’ailleurs du marché (dont la mondialisation est la traduction à l’échelle de la planète), ces thèses reçoivent une forte audience. Et, si les partis de Gouvernement refusent de revoir leur logiciel intellectuel pour ressouder le corps social en parlant formation, décentralisation, combat contre les rentes, entreprenariat populaire, réforme de l’Etat-Providence…., l’extrême-droite a encore un très bel avenir.

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