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Cyrus Vance : le destin de celui 
qui a finalement libéré DSK
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Affaire DSK

Le procureur Cyrus Vance a tranché : les charges retenues contre Dominique Strauss-Kahn sont toutes abandonnées. Mais qui est donc cet homme dont une partie de la carrière se joue sur cette affaire ?

Atlantico : Cyrus Vance est accusé d'avoir privilégié son ambition politique aux dépens de la procédure. Qu’en est-il selon vous ? 

Anne Deysine : Cyrus Vance est un procureur élu. Il pense forcément à sa réélection. Dans cette affaire, il était entre Charybde et Scylla. S’il abandonnait les poursuites il se mettait à dos une bonne partie de la population new-yorkaise, notamment toutes les communautés africaines ou musulmanes de femmes qui l’accuseront d’avoir voulu protéger un homme blanc et puissant. S’il continuait, il risquait aussi de se discréditer, et cela, en dépensant l’argent du contribuable

Pour lui la meilleure solution aurait été de continuer de tenter de réduire les charges. Il y avait quand même des éléments de preuves contre Dominique Strauss-Kahn : l’ADN retrouvé sur la femme de chambre, les traces de blessures sur elle et des griffures dans son dos à lui. En réduisant les charges, on passait alors d’une qualification de « crime » à « délit ». Il aurait plus facilement pu obtenir une condamnation sur ces charges réduites.

Comment expliquer les stratégies radicalement opposées du procureur Cyrus Vance et de l’avocat de Nafissatou Diallo, Kenneth Thompson ?

C’est très simple, les deux hommes ont des intérêts totalement opposés. Vance voulait une condamnation pénale, Thompson voulait de l’argent. Dans le système américain, il touche un pourcentage sur les dommages et intérêts obtenus par ses clients, c’est ce que l’on appelle le "Pacte de quota litis".

Qui est Cyrus Vance, comment est-il devenu ce qu'il est maintenant ?

Cyrus Vance est né dans la sphère politico-médiatique. Son père, Cyrus Vance Senior, était Secrétaire d’État dans l’administration de Jimmy Carter. Il était quelqu’un de très charismatique, voire un peu envahissant. Le fils est parti tôt, faire sa carrière d’avocat en Californie. Ce n’est que très récemment qu’il a intégré le bureau du procureur de New-York. Quand Robert M. Morgenthau, son mentor, est parti à la retraite, il a décidé de se présenter à sa succession.

Morgenthau était un vrai personnage. Il a été réélu sept fois de suite au poste de procureur de la ville de New-York. Il s’est particulièrement attaqué aux criminels en col blanc, il était très concerné par la protection des femmes. Morgenthau est même à l’origine de la création de la fameuse unité de défense des femmes victimes de violence (Sex Crimes Unit). Cela explique l’intérêt particulier de Cyrus Vance pour ce type d’affaires. En partant à la retraite, Morgenthau a mis tout son poids dans la balance pour faire gagner la candidature de Cyrus Vance. Son énorme popularité a permis à Vance de devenir le nouveau procureur de New-York en novembre 2009.

Mis à part, l’affaire DSK, quels ont été les plus gros dossiers de Cyrus Vance ?

Cyrus Vance a déjà connu un gros échec qui est intervenu quelques jours avant le début de l’affaire DSK. Des officiers de police New-Yorkais, en service, étaient accusés d’avoir violé une femme saoule après l’avoir aidé à regagner son appartement. Les policiers s’en sont sortis indemnes.

Mais Cyrus Vance n’a pas connu que des échecs. A la même période, au mois de juin, le bureau du procureur a réussi à mettre à jour un gros réseau de pédopornographie. Sur cette affaire, Il a obtenu la condamnation de vingt-cinq adultes pour des crimes allant de la détention d’images pédophiles à l’agression sexuel sur enfants.


Le poste de procureur de New-York est-il un tremplin pour briguer des fonctions politiques plus importantes ?

Il est certain que le poste de procureur peut être un tremplin considérable au niveau politique et médiatique. C’est un des postes clés pour accéder au poste de gouverneur ou à la mairie de New-York.

Le plus connu à avoir fait ce chemin, c’est assurément Rudy Giuliani. Il a commencé au bureau du procureur pour finir maire de New-York, vingt ans après. D’autres figures du monde politique américain comme Mario Cuomo ou Eliot Spitzer ont eu un parcours similaire.

Cyrus Vance n’en est pas encore là. Je ne pense pas que l’affaire DSK lui coûtera sa réélection mais elle ne lui apportera certainement pas ce ballon d’oxygène politique qu’il espérait. Pour le moment, il risque de faire profil bas, d’essayer d’abord de se sortir de ce pétrin, ensuite il devrait déjà se faire réélire au poste de procureur. Ses ambitions politiques, s’il en a, sont loin d’être assurées.


Où se place Cyrus Vance sur l’échiquier politique américain ? Quelles sont les réactions des médias libéraux et conservateurs à son sujet ?

Cyrus Vance est plutôt démocrate. Il a commencé par remporter la primaire démocrate puis a remporté l’élection générale au poste de procureur. Pour bien comprendre, il est important de savoir que l’élection générale n’était pas partisane. Fort du soutien de son mentor, Robert M. Morgenthau, il n’a pas eu à combattre de candidat républicain.

Les médias de droite comme de gauche l’ont tous accusé de préférer les puissants au détriment des minorités, qui plus est féminines. Cependant, les médias de gauche sont particulièrement inquiets. La justice américaine étant basée sur une culture du précèdent (jurisprudence), la décision de ne pas poursuivre les charges contre Dominique Strauss-Kahn peut fragiliser la parole des femmes qui, dans le futur, peuvent se dire victimes de viol.

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