L'Afghanistan est d'abord un corridor belligène. Depuis la nuit des temps, des caravanes bien obigées de passer par là se faisaient rançonner ou piller. Les Afghans ont le côté farouche à la fois des peuples des zones désertiques et de ceux des régions escarpées. De là découle une grande résilience. Des militaires français racontent avoir croisé en Afghanistan des villageois leur souriant à l'aller puis leur tirant dessus au retour après avoir "déterré des Kalashnikov dans une termitière". On rapporte aussi que bien avant de tuer Ben Laden, les Américains auraient eu la possibilité de le capturer. Dans les montagnes, les chefs tribaux étaient disposés à le livrer. Mais ils se seraient ravisés en se sentant insultés par des Américains incapables de respecter leur coutume : en l'occurance le protocole qui prévoit de palabrer en buvant le thé, interminablement. On comprend pourquoi actuellement les talibans n'ont même pas besoin de livrer une guerre : tout se décide par accords tacites. S'il avait fallu que les Afghans se fassent la guerre à chaque différend tribal, ils n'auraient jamais pu survivre dans l'environnement géographiquement hostile où ils habitent.
On touche du doigt une autre caractéristique de la suprématie néo-talibane. Ils réussissent à générer l’illusion qu’ils disent la justice, qu’ils sont les garants de l'équité et qu’ils remplissent une fonction essentielle traditionnellement dévolue au conseil de village et aux tribunaux islamiques : l'entretien des infrastructures et la résolution des litiges. Daesh aussi en Syrie s’était consolidé en rétablissant l’électricité et mettant sur pied des structures hospitalières. Quant à la résolution des litiges, cela peut concerner la délimitation d'un lopin de terre ou le mouton qui y broute. On se réunit, on palabre, on écoute les positions en présence puis le chef rend un jugement de Salomon. Dans des cas graves, la justice est plus expéditive. Les talibans s'étaient taillé une réputation et avaient frappé les esprits en pendant le violeur d'une jeune fille au canon d'un char.
Ce faisant, le légendaire néo-taliban assume une fonction de type religieuse d'initiation à une société secrète. C'est la menace proférée par un personnage d'Hergé dans l'album "Tintin et le temple du soleil" : "Tu sais ce qu'il en coûte de désobéir aux ordres de qui tu sais". Autrement dit, la dichotomie résistants versus traîtres est portée à son paroxysme. Simultanément, l'élite au pouvoir dans la capitale est corrompue. Car elle sait que tôt ou tard, elle n'aura d'autre choix que de fuir dans les fourgons de l'étranger. Cela pousse à ponctionner par avance la cassette de l'Etat, pour pouvoir filer avec un butin, après une réddition négociée. Les néo-talibans s'emparent du pouvoir facilement car ils aparaissent comme la seule force capable de maintenir l'ordre sans s'entretuer. Une force attractive, à la fois moderne, révolutionnaire et protectrice des traditions les plus rétrogrades.
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