Près du 1/3 des gens à qui on pose la question sont persuadés qu’ils pourraient faire atterrir un avion si le pilote était HS. Voilà pourquoi ils ont…<!-- --> | Atlantico.fr
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Des pilotes d'avion d'essai de l'Airbus A321 LR au Bourget.
Des pilotes d'avion d'essai de l'Airbus A321 LR au Bourget.
© ERIC PIERMONT / AFP

Effet de surconfiance

Ce phénomène qui touche jusqu’à près d’un homme sur deux s’appelle l’effet Dunning Kruger et il est étudié par des universitaires spécialisés en psychologie. Qu’en pensent les pilotes ?

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Gilles Rosenberger

Gilles Rosenberger

Ingénieur, pilote privé 

35 ans d’expérience dans l’industrie aéronautique 

Cofondateur de la startup Faraday dédiée à la proposition électrique et hybride pour aéronefs 

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Atlantico : Des chercheurs néo-zélandais ont demandé à 780 personnes si elles pouvaient faire atterrir un petit avion « aussi bien qu'un pilote » ou « sans mourir » si le membre d’équipage était dans l’incapacité de le faire. 1/3 des participants ont répondu qu’ils s’en sentaient capables. Est-il vraiment possible de faire atterrir un avion, sans aucune formation ? 

Gilles Rosenberger : On peut le dire d’emblée : une personne sans formation et livrée à elle-même n’a absolument aucune chance de s’en sortir, peu importe le modèle et la taille de l’avion. Premièrement, il faut bien se rendre compte que si le pilote fait un malaise, il y a déjà un effet de sidération chez les passagers. Pendant cette période, il ne faut surtout pas que l’avion parte en vrille, auquel cas il serait impossible de le redresser. 

Si vous vous retrouvez dans une situation où vous devez prendre les commandes d’un avion, la première chose à faire serait d’entrer en contact avec la tour de contrôle, puis avec un instructeur. Si le passager arrive à garder son calme, qu’il parvient à utiliser la radio, qu’il a une bonne altitude, que l’avion est stable, que les conditions météorologiques sont optimales (qu’il n’y ait pas de « vent de travers ») et que le pilote applique à la perfection les recommandations de l’instructeur, alors il existe une infime possibilité qu’il se pose sans risquer un accident mortel. La liste est longue !   

L’avis des pilotes est sans appel : pour un non initié, il est quasiment impossible de poser un avion sans risquer le crash. Comment expliquer qu’une personne sur trois s’en croit capable, selon cette étude ?

Pascal Neveu : Sur environ 20.000 adultes interrogés aux États-Unis, près d'un tiers ont déclaré qu'ils étaient « assez confiants » ou « très confiants » de pouvoir faire atterrir un avion de ligne en toute sécurité en cas d'urgence, en ne comptant que sur l'assistance du contrôle du trafic aérien.

Ils ont certainement du trop regarder « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? » ou d’autres films/séries qui composent plus de 40 scenarios qui fascinent car déclenchant des décharges d’adrénaline, mais nous renvoyant aussi à la notion de vie et de mort.

Les voyageurs ne le savent pas, le personnel naviguant angoisse (je me rappelle d’un chef de cabine hyper flippé à mes côtés), car statistiquement 90% des crashs d’avion ont lieu dès les 10 premières minutes après décollage, et nous avons à l’Aéroport de Paris des sacs mortuaires… l’équivalent de 2 A380 se percutant, soit plus de 1000 passagers.

Un proche ami pilote toute l’organisation médicale et de sécurité d’un de nos plus gros terminal parisien.

Lui racontant cette interview, il me confiait « s’ils savaient piloter un avion ! Un 4 places ou un jet, c’est possible si on les guide avec la tour, mais un airbus, la probabilité est quasi nulle ! »

Quelles sont les étapes d’un atterrissage ? Les procédures à respecter ?

Gilles Rosenberger : Dans une situation tout à fait normale, il faut déjà choisir l’aéroport sur lequel vous souhaitez vous poser. Cet aéroport doit avoir des conditions météorologiques acceptables, c’est à dire sans brouillard et avec un vent qui n’est pas trop violent. À proximité de l’aéroport, il faut ensuite entrer en contact avec le contrôle aérien, qui accompagne les pilotes et donne les instructions, comme le numéro de la piste d’atterrissage. On rentre donc dans le « circuit de l’aéroport », à environ 300 mètres au-dessus du sol. Il faut d’abord longer la piste dans le sens contraire à celui dans lequel on veut se poser, ce qu’on appelle la « branche vent arrière ». Ensuite, lors de la « finale », on commence à perdre de l’altitude. À proximité immédiate de la piste, on fait un « arrondi », ce qui signifie qu’on recadre légèrement l’avion pour perdre de la vitesse avant de se poser délicatement. Mais avant cela, sans rentrer dans les détails techniques, il faut déjà sortir le train (les roues de l’avion), les volets (qui permettent de voler moins vite sans perdre de portance), se présenter aux autres avions et aux contrôleurs … Typiquement, on annonce « Fox Golf Kilo Papa Charlie, en vent arrière pour la piste 32 », ce qui permet à toutes les personnes qui écoutent de savoir qui je suis et ce que je fais. Vous l’aurez compris, les procédures et les actions manuelles sont extrêmement nombreuses. 

Combien de temps dure la formation de pilote ? Faut-il avoir un certain nombre d'heures de vol ?

Gilles Rosenberger : Tous les pilotes passent par le brevet de pilote privé. Pour l’obtenir, il faut environ entre 45 et 60 heures de vol avec un instructeur. Le pilote amateur moyen met environ 2 ans pour obtenir ce brevet, contre 4 mois pour un élève d’école de pilotage qui veut en faire son métier. Pour devenir pilote de ligne, c’est une autre affaire : il faut passer le Commercial Pilote License, qui comprend 200/300 heures théoriques puis au moins 500 heures de pilotage. 

L’effet Dunning Kruger est un biais cognitif par lequel les moins qualifiés dans un domaine pourraient surestimer leurs compétences. Que sait-on à ce sujet ? Explique-t-il à lui seul les résultats de cette étude ?

Pascal Neveu : L’étude est très intéressante mais totalement contestée.

Pour rappel, en 1995, aux États-Unis, un individu attaqua deux banques, le visage recouvert de jus de citron. Arrêté, il a raconté, avec aplomb, qu'il pensait devenir invisible,  selon le principe de l'encre invisible ! Les psychologues David Dunning et Justin Kruger Spar ont tenté de comprendre la raison de ces propos et de son assurance orale.

Ils sont parvenus à plusieurs hypothèses :

- La personne incompétente tend à surestimer son niveau de compétence

- La personne incompétente ne parvient pas à reconnaître la compétence de ceux qui la possèdent véritablement

- La personne incompétente ne parvient pas à se rendre compte de son degré d’incompétence

- Si une formation de ces personnes mène à une amélioration significative de leur compétence, elles pourront alors reconnaître et accepter leurs lacunes antérieures

Mais des recherches suggèrent que l'effet peut en fait être illusoire.

L'effet affirme que la plupart des gens ont trop confiance en leurs capacités et que les personnes les moins compétentes sont les plus confiantes.

Des études montrent que les personnes incompétentes s'estiment plus compétentes sur un sujet que les compétents sur un même sujet !

En fait les personnes incompétentes pensent qu’elles sont bien meilleures qu’elles ne le sont en réalité. En fait ils veulent faire le bien et le bon.

Une étude sur 780 personnes démontre que la fabulation reste une illusion. «  Je me sens tout puissant et surpuissant car je dois sauver le monde ! »

Cette étude nous révèle un autre fait surprenant : un homme sur deux pense être en mesure de faire atterrir un avion, contre une femme sur cinq. Qu’est ce que cela nous révèle sur les différences entre les sexes ? Les hommes ont-ils tendance à se faire davantage confiance ? Se croient-ils naturellement plus aptes à conduire ou à piloter ?

Pascal Neveu : Vous parlez à un Freudien… donc bien évidemment je vais vous répondre spontanément.

L’homme a besoin de tenir le manche ! Regardez un homme au volant, les passages de vitesse, le frein…

Transposez-le dans un avion. Tout est dit !

Entre la puissance du décollage, être hors sol, puis l’atterrissage réussi qui vaut parfois sur certaines compagnies des applaudissements… le mâle se rassure.

Il faut plus de 1500 heures de vols afin d’acquérir les  compétences reconnues… Et les simulateurs de vol ne parviennent pas à assurer le bon maintien d’un engin qui est soumis à tant de turbulences climatiques, et de techniques plus spécifiques qu’un permis de voiture.

Mais ce qui est intéressant à travers une étude c’est que les hommes sont les plus confants… MAIS si on interroge la  « moitié  de confiance » nous sommes à 50 %, même si ce sont les hommes qui dépassent les femmes 3 plus s’il fallait tenir le manche !

Ayant beaucoup pris l’avion, j’ai autant salué les commandants femmes et hommes….

Et je rappelle une chose… On a un pilote et un co-pilote… sans compter le système automatique…

Donc la probabilité de devoir prendre le pilotage… est nulle !

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