Pouvoir d’achat : mais pourquoi donc Michel-Edouard Leclerc veut-il tuer les grandes marques de produits alimentaires ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Michel-Edouard Leclerc a réussi à convaincre les autres grands patrons de la grande distribution de faire une campagne contre les grandes marques de produits alimentaires.
Michel-Edouard Leclerc a réussi à convaincre les autres grands patrons de la grande distribution de faire une campagne contre les grandes marques de produits alimentaires.
©Martin BUREAU / AFP

Atlantico Business

Coca-Cola, Procter, Unilever, Danone, Nutella, sont dans le collimateur de la grande distribution qui les considère comme les premiers responsables (et coupables) de l’inflation et des problèmes de pouvoir d’achat.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout arrive . Même les champions de la concurrence sont capables de demander au gouvernement de lui rogner les ailes quand elle s’exerce contre la grande distribution. Michel-Edouard Leclerc a réussi à convaincre les autres grands patrons de la grande distribution (Intermarché, Système U et les autres …) de monter au créneau et de faire une campagne contre les grandes marques de produits alimentaires pour cause d’inflation chronique et spectaculaire.  Sans oublier les fournisseurs d’énergie.

Michel-Edouard Leclerc a réussi à faire convoquer les industriels par le ministre de l’économie pour qu’il les oblige à baisser leurs prix - sous-entendu parce que les fautifs de la hausse, ce sont eux : les Coca cola, les Danone, les Nestlé, les Nutella. Etc… D’ailleurs si vous ne regardez pas leurs marges à la loupe, regardez-leur (sur)profits, et les dividendes qu’ils distribuent…

 Toute cela dans la foulée du projet du ministre du budget qui découvre que la fraude fiscale est le fait des riches et des gros . C’est la mode, c’est très payant politiquement, les dirigeants de la grande distribution se sont dit mais c’est bien sûr : « les industriels fournisseurs font des surprofits et enrichissent les riches ». Au moment où les prix internationaux font semblant de baisser.

Si on reste au ras des chiffres, ce débat est un peu ridicule, mais il marque que la question de l’inflation explosive sur certains produits est devenue un objet politique d’autant plus facile qu’il se plait principalement dans ce climat d’inculture et d’incompréhension des mécanismes les plus élémentaires de la création de richesses.

1er point : entre une demande gonflée par le rattrapage de l’après covid et une offre bloquée en partie par les effets de la guerre en Ukraine, les prix de l’énergie (pétrole, gaz, électricité) les prix des matières premières et des produits alimentaires de base (blé) ont explosé (plus de 20% en moyenne sur un an).

2e point : De telles hausses s’avéraient insupportables et le gouvernement n’a pas pu s’empêcher de trouver des solutions pour tenter d’amortir le choc. Il faisait le job sans illusions . Entre les chèques alimentaires et énergie distribués , les ristournes quasi obligatoires , l’administration a surtout convoqué les acteurs ( producteurs , industriels et distributeurs ) pour qu’ils s’expliquent et consentent des efforts sur leurs marges. L’exercice n’a pas été facile parce que toutes ces professions sont partenaires et concurrentes entre elles .  Alors Bercy a réussi à leur faire signer des accords de modération de marges donc de prix mais c’est un jeu de dupes que tout cela.  Les accords et négociations sont encadrés par la loi. Mais tout le monde sait que le seul moyen de réguler les prix à la consommation est de laisser jouer la concurrence . Le juge de paix c’est le consommateur . Il achète ou il n’achète pas .

3e point : On constate qu’en dépit de toutes les procédures, l’inflation sur les produits alimentaires et l’énergie n’ont pas bougé. Alors que les prix à l’international se sont tassés. Notamment d’ailleurs sur l’énergie. Or au détail , les prix ne baissent pas .

Résultat, tous les acteurs se rejettent la responsabilités et Michel Edouard Leclerc dont la surface médiatique est la plus puissante accuse les fournisseurs et les grandes marques commerciales de se « goinfrer » en maintenant leurs prix de vente … dans la foulée, le comble est qu’il reproche au consommateur de continuer à acheter du Coca cola, des yaourts Danone, des Mado, de lait Nestlé. Et du Nutella . etc. etc. . Notons au passage qu’il hiérarchise les grandes marques.  Quand il accable les plus connues, il absout Lactalis (devenu numéro un des produits laitiers) alors que L’actais n’est vraiment pas l’entreprise la plus transparente sur les chiffres puisqu’elle ne les publie pas (sur les contrats d’achat, les marges opérationnelles comme sur les conditions de travail ou le respect des objectifs de RSE), mais passons, Michel Edouard Leclerc n’a sans doute pas oublié ses racines bretonnes.  

En fait, les grands distributeurs ont fait un travail gigantesque pour moderniser les systèmes de distribution en France mais ils n’ont plus de gisement de croissance. La densité des équipements est optimum , il suffit de visiter  les zones commerciales de toutes les villes moyennes de France, ils ont  déjà tué beaucoup de centre-ville. Et pour cause , ils ont fondé leurs succès sur l’usage de l’automobile. Mais ils se doutent bien que les formes de mobilité vont évoluer. Ils ont essayé d’accompagner (ou de rattraper) les habitudes du consommateur en proposant du bio, puis des produits de proximité, de l’économie d’énergie (on rêve !)  Mais ils ont continué d’actionner leur arme la plus puissante dans une société de consommation de masse : le prix . Toutes les grandes enseignes peuvent se targuer d’être les moins chères. Et ça peut être vrai sur certains segments ou à certaines périodes .

Le problème aujourd’hui, c’est que l’offre de prix le plus attractif ne marche pas. Depuis presqu’un an.  Et ce qui inquiète les dirigeants d’hyper , c’est que le consommateur est têtu. Borné même.

Le consommateur a freiné la consommation de produits bio, il a réduit les volumes sur les produits de base, y compris les génériques … Mais, et c’est là que les hypermarchés ne se sont trompés : les consommateurs sont en gros restés fidèles aux grandes marques en dépit des prix que Michel-Edouard Leclerc trouve exorbitants.

A l’entendre, on comprend que les consommateurs ne devraient pas les acheter. Peut-être, mais ils continuent d’être fidèle au Nutella, à la Danette ou à l’eau d’Évian. N’en parlons pas des bonbons Haribo . Ils font ce qu’ils veulent.

Les dirigeants d’hypermarché ne comprennent plus ce comportement .... Ils ne comprennent pas qu’une grande marque est un facteur de confiance et de garantie et que cette assurance se paie . C’est une assurance de qualité, de transparence sur l’origine et même de contribution à la santé et aux responsabilités environnementales.  Les grandes marques représentent 65 % des chiffres d’affaires dans la grande distribution.

Les consommateurs achètent ce qu ils veulent , où ils veulent et quand ils le veulent. Ils sont lucides, déterminés, y compris dans leurs achats d’impulsion. C’est une forme de rationalité que la grande distribution a du mal à intégrer.

C’est extraordinaire cette manie francaise de penser que les consommateurs sont en permanence des gogos de la publicité. Ce serait tellement simple de leur distribuer quotidiennement un menu unique et tout préparé … tellement simple et tellement triste . 

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