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Pourquoi Les Républicains pourraient vite redevenir une menace pour Emmanuel Macron
©BORIS HORVAT / AFP

Ligne droite

La rhétorique qui veut que la droitisation de Laurent Wauquiez affaiblirait la droite est de plus en plus contestée : entre les députés LREM qui le trouvent dangereux, Patrick Buisson qui parle du danger de la "centrisation" de la droite et Marine Le Pen qui propose une alliance à LR, tout semble montrer que la stratégie menée par Laurent Wauquiez est payante.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Maxime  Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l'immigration, l'intégration des populations d'origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l'intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog  personnel

 

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Atlantico : Selon RTL, un député "En Marche" aurait déclaré Laurent Wauquiez va devenir redoutable", prévoyant ainsi une éclipse du premier opposant actuel à Emmanuel Macron, Jean Luc Mélenchon, au profit du probable prochain président des LR. Alors qu'Alain Juppé et les constructifs marquent de plus en plus leurs distances, dans quelle mesure et à quelles conditions Laurent Wauquiez peut-il devenir une force prête à bénéficier de l'alternance pour les élections intermédiaires, comme pour la prochaine présidentielle ? 

Maxime Tandonnet : Les conditions pour que LR bénéficie des élections intermédiaires et de la prochaine présidentielle sont nombreuses et aujourd'hui, loin d'être réunies. Il faut que les leaders de LR prennent conscience de l'immense insatisfaction des Français envers leur classe politique. Malgré les séismes de 2017, il n'est pas du tout certain que cela soit le cas. Une grande majorité des Français ne supporte plus la politique telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, le narcissisme, la mégalomanie, les guerres de chefs, l'obsession de leur destin présidentiel par des hommes ou femmes qui se prennent pour des sauveurs providentiels. Cinq ans, c'est très loin. On peut seulement imaginer que d'ici là, les Français ressentiront une profonde allergie instinctive envers le culte de la personnalité, et le sentiment de la confiscation de l'intérêt général au profit d'une vanité exubérante. Les Français qui accepteront encore de croire en la politique seront attirés par la modestie, la simplicité, la seule volonté désintéressée de l'action au service du bien commun. LR doit redécouvrir un principe simple: les hommes politiques, les dirigeants du pays, ne sont rien d'autre que les humbles serviteurs de la nation. Ils sont au service du pays, et non l'inverse. C'est le débat d'idées au service de la France qui doit s'imposer contre l'obsession présidentialiste et les boursouflures d'ego qui rongent depuis trop longtemps l'univers politique. Si les LR ont la lucidité de s'en rendre compte, tous les espoirs sont permis pour eux.  Sans doute faut-il un leader, un coordonnateur, un  catalyseur d'énergie, un arbitre,mais il doit prouver, à travers tous ses faits et gestes et paroles, qu'il est simplement au service d'une cause commune et que son destin personnel n'a aucune importance. Si le futur président de LR donne le sentiment qu'il est obsédé par la présidentielle, quatre ans et demi à l'avance, un nouveau désastre sera au rendez-vous. Il faut bien voir qu'entre M. Macron et un candidat de même profil, même style, les Français, en désespoir de cause, préfèreront l'original à la copie et rééliront celui-ci sans problème en 2022. 

Erwan Le Noan : Laurent Wauquiez a probablement remarqué que, dans un très grand nombre de démocraties occidentales, les gouvernements qui mènent (et les partis qui proposent) des politiques réformistes centrées uniquement sur un discours économiques sont balayés (ou déstabilisés) aux élections par des mouvements populistes. C’est arrivé aux Etats-Unis, en Autriche, en Allemagne, en Tchécoslovaquie, en Grande-Bretagne, etc. Bref, les sujets politiques qui font les élections sont aujourd’hui d’ordre « identitaire » : ils interrogent la volonté de « vivre ensemble », la façon de guider le « collectif », qu’il s’agisse du sujet « islam » ou de celui des inégalités.

Si LR ne parvient pas à investir ces sujets, c’est le Front National qui les récupèrera probablement (car Emmanuel Macron n’en parle pas du tout). Le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon est, on le voit bien aujourd’hui, très mal  à l’aise sur ces sujets (voir la députée Obono).

Laurent Wauquiez a donc probablement identifié le thème politique à traiter. La difficulté qu’il a pour réussir, c’est qu’il doit bâtir une majorité sur ces sujets. Or, on voit bien que les LR sont divisés (sur l’expression de leurs positions, plutôt que sur le fond de leurs positions d’ailleurs à maints égards).

En outre, Laurent Wauquiez en reste aujourd’hui à l’identification (parfois polémique) du sujet, mais on ne voit pas bien à ce stade quelles solutions il propose pour l’avenir, pour construire une société apaisée sur les sujets identitaires …

Patrick Buisson affirme dans un entretien dimanche donné à Valeurs Actuelles que le danger qui menace la droite n'est pas sa droitisation mais sa "centrisation". Une victoire de Wauquiez n'aurait-elle pas le mérite pour LR de mettre définitivement fin à cette tentation centriste? Une fois les centristes partis, Wauquiez ne donnera-t-il pas enfin à la droite une ligne capable de vraiment s'opposer à Emmanuel Macron ?

Erwan Le Noan : D’un point de vue tactique, le risque de la droite est celui de la réduction continue de sa base électorale : soit parce qu’elle sera happée par le mouvement du président Macron, soit parce qu’elle sera concurrencée par le Front national qui s’adresse plus facilement aujourd’hui aux milieux populaires par exemple.

Le but d’un parti n’est pas vraiment de « s’opposer », mais de remporter les élections. Pour cela la droite a besoin d’aller bien au-delà de la base d’un Laurent Wauquiez au sein des LR : si les « centristes » sortent du parti, il faudra quand même construire une coalition avec eux pour les prochaines échéances électorales.

Au demeurant, la question n’est celle de la centrisation ni de la droitisation, c’est celui de la doctrine politique de la droite : est-elle libérale-conservatrice ? étatiste-souverainiste ? Qui est capable de dire où se situe la droite idéologiquement aujourd’hui ?

Enfin, derrière ces débats tacticiens, il y a un enjeu démocratique dont on ne semble pas prendre toute la mesure : si les classes moyennes et les milieux populaires quittent les partis de gouvernement pour les partis populistes et extrémistes, la préservation d’une société démocratique apaisée sera sérieusement écornée.

Marine Le Pen a proposé une alliance à Laurent Wauquiez lors d'un entretien donné à RTL-Le Figaro-LCI. Ne s'agit-il pas d'un signe de méfiance de la part de la dirigeante du Front National, qui attends son refus pour rassurer ses électeurs certainement tentés par la ligne du potentiel prochain président de LR ?

Erwan Le Noan : Marine Le Pen n’a aucun intérêt à avoir, aux marges d’un FN bien fragilisé, un parti LR fort qui soit capable de parler aux catégories populaires. Elle cherche à préserver sa base électorale et à affaiblir le parti de droite. En faisant cette déclaration, elle parvient à un double objectif : ramener dans le débat l’idée (repoussoir pour les centristes) que le FN et LR version Wauquiez puissent avoir des points de convergence (fut-ce de s’adresser à un électoral identique) ; montrer à ses sympathisants qu’en réalité Laurent Wauquiez n’a rien en commun avec eux et qu’il est bien l’héritier des partis de droite qu’ils abhorrent et qui ont toujours combattu le FN.

Les LR, en perdant les tenants de la ligne Alain Juppé et les constructifs pro-européens, sont régulièrement présentés comme un parti "droitier", perdant ses attraits sociologiques ? En quoi cet "à priori" peut-il être contestable ? 

Maxime Tandonnet C'est de la propagande à l'état pur et du mensonge avéré. La question n'est pas d'être plus ou moins "gaucher" ou "droitier". Elle est de cesser cette dérive scandaleuse de la vie politique qui consiste, depuis trop longtemps, à se moquer des citoyens, des électeurs. Pourquoi l'affaire des "sans dents" a-t-elle fait tellement de mal? Parce qu'elle reflète le mépris phénoménal d'une petite caste dirigeante, de l'extrême gauche à l'extrême droite, envers les Français. Pourquoi croyez vous que plus de 50% des Français se sont abstenus lors des dernières élections législatives, un record historique absolu, dans l'histoire de la République qui souligne, dans l'indifférence générale, l'effondrement de la démocratie française? Parce que les électeurs, les citoyens en ont assez d'être puérilisés et manipulés depuis trop longtemps: fausses réformes qualifiées de "transformation profonde"; annonces sans lendemain; postures mégalomanes; dissimulation des réalités et des statistiques; polémiques stériles permanentes; abrutissement collectif à travers l'obsession des grandes épreuves sportives; destruction de l'intelligence collective par l'abêtissement télévisuel et le saccage de l'éducation nationale;  mépris viscéral des dirigeants pour les sentiments et des idées du peuple sur les grands sujets du moment: l'économie, l'Europe, la Nation, la sécurité, les frontières. Qui aurait l'idée de consulter la nation sur l'un de ces grands sujets? Personne! Les milieux de la France dirigeante ou influente, de l'extrême droite à l'extrême gauche, vivent aujourd'hui dans la conviction que les citoyens sont dans l'obscurantisme et qu'ils doivent être éclairés par les prétendues élites détenant le sens de l'histoire et la connaissance du bien et du mal.  C'est pourquoi ces dernières utilisent le mot "populiste", dérivé de peuple, comme épouvantail destiné à maudire toute pensée dissidente. L'immense chance des LR, par delà le clivage droite/gauche, c'est justement de réinventer en profondeur une politique qui serait fondée, non plus sur le mépris des citoyens, mais sur le respect qui leur est dû, une politique et un discours de vérité s'adressant à l'intelligence des Français. Ces derniers savent très bien que nul ne dispose d'une baguette magique mais ils attendent d'être traités en adultes, considérés et écoutés par leurs représentants. 

Quel est le potentiel, pour les LR, de redevenir un grand parti, une hypothèse qui suppose de pouvoir être unede pouvoir être une force attractive aussi bien pour des électeurs LREM que FN ? Au regard de ces deux électorats, quelles pourraient être les conditions de leur ralliement aux LR ?  

Maxime Tandonnet Il me semble qu'il est considérable. Le parti socialiste est en pleine désintégration, d'ailleurs pour une raison simple: sa frange modérée, ou sociale-démocrate s'est largement reconvertie en LREM. Le FN est lui aussi en grande difficulté après un pic atteint en 2014-2017. Dans l'avenir, soit il repartira, soit il poursuivra son affaiblissement si LR parvient à offrir une perspective aux Français qui ont voté FN ces dernières années par dépit et non par conviction. Mais il me semble que LR ne doit en aucun cas chercher à s'inspirer d'autres partis, que ce soit LREM ou le FN. Par exemple, sur la conception même de la politique, qui caractérise aussi bien LREM que le FN, avec le culte de la personnalité, ou le culte du chef comme principe fondateur, le LR a la possibilité de s'en démarquer radicalement et de dire: en démocratie, ce n'est pas le destin personnel ou présidentiel, d'un prétendu sauveur ou d'une prétendue sauveuse qui compte aujourd'hui, mais le seul débat d'idées au service de la Nation. Quelle réforme pour l'Europe conforme aux principes des démocraties nationales? Quelle politique migratoire et de protection des frontières? Commente restaurer l'autorité de l'Etat, l'unité de la nation contre le communautarisme islamiste? Et la sécurité des citoyens? Comment relever le défi du terrorisme islamiste? Comment sauver l'école et l'intelligence française? Mais surtout, comment réinventer la démocratie française, le pouvoir du peuple? La question fondamentale, pour les LR, n'est pas de se donner un chef, mais de rouvrir le débat d'idées en France. A cette condition, il est certain qu'un mouvement venu des profondeurs de la nation et transcendant tous les clivages et les partis bénéficiera à la seule véritable opposition républicaine. 

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