Pourquoi les détracteurs du traité de libre échange Europe-Afrique prennent les Africains pour des cons<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Pourquoi les détracteurs du traité de libre échange Europe-Afrique prennent les Africains pour des cons
©

Condescendance refoulée

Ils ont été nombreux à y voir un baiser "baiser de la mort" ou un "libre-échange à sens unique", sans se rendre compte que leurs critiques révélaient en réalité une forme de condescendance à l'endroit des Africains, qui ne seraient pas capables d'assurer leurs propres intérêts vis-à-vis des Européens "prédateurs".

Hervé Guyader

Hervé Guyader

Hervé Guyader est avocat au Barreau de Paris, Docteur en Droit et Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International.

Voir la bio »

Quand il n’est pas question du traité transatlantique, les militants altermondialistes de tous bords se déploient pour critiquer l’ensemble des traités commerciaux internationaux, et le principe même de libre-échange. L’accord conclu avec le Canada est ruineux pour les citoyens européens. L’accord conclu avec Singapour, pourtant salué comme le fut celui signé avec la Corée du Sud en 2011, ne profiterait qu’à quelques grands groupes internationaux.

Voici qu’il en est de même avec l’Accord de Partenariat Economique signé entre l’Europe et l’Afrique. Cette fois, ce ne sont pas les citoyens européens qui vont être broyés par cet acte infâme ; ce sont les populations africaines. Voilà, en un trait de plume restauré le citoyen européen au rang de colon comparé à son homologue africain.

Il y a dans ce propos un relan de commisération foncièrement raciste à considérer que le grand (Capital) blanc est tellement supérieur au petit noir qui n’aura rien à gagner dans ces affaires – compliquées – de libre-échange.

Il est tout de même assez surprenant de voir que quand le Grand capital spoliateur américain est absent du débat, comme en l’espèce où il n’est question que d’Europe et d’Afrique, l’ennemi reste incarné par les grands groupes internationaux. Le Grand capital, l’odieuse finance est donc américaine, maintenant européenne, demain sûrement asiatique... Goûtons notre plaisir, rien qu’un instant, de voir notre Europe, habituellement présentée comme à bout de souffle, engluée par une crise infinie, briller de mille feux étincelants comparée à la pauvre petite Afrique.

L’Afrique n’est pas parfaite, souffre de bien des maux. Son histoire plus que millénaire reste très jeune économiquement, juridiquement, politiquement… Mais elle dispose de tellement de forces qu’il est condescendant de sous-estimer.

L’APE ne consiste pas pour les Européens à spolier chaque grain d’or, chaque diamant et chaque goute de pétrole (pour ne citer que les exemples les plus saillants), mais à établir les bases d’un commerce international régulé entre Afrique et Europe.

Certes, la notion même de commerce suppose circulations monétaires, enrichissements ; autant de concepts qui peuvent rebuter ceux qui rêvent d’une vie de troc et d’élevage.

Malheureusement, la mondialisation est en marche (depuis bien des années), le commerce international une réalité. Deux possibilités existent. L’une consiste à rester prostré et laisser le monde avancer. L’autre consiste à y participer. Le combat peut être rude, c’est le propre du commerce de récompenser le fort, l’audacieux, le créatif, l’aventurier. Autant de qualités dont l’Afrique, pas moins que l’Europe, dispose pleinement.

L’APE est une chance pour l’Afrique en lui permettant d’exporter librement en Europe ses productions, l’Europe étant son premier marché. La facilitation du commerce extérieur africain ne peut pas ne pas être bénéfique pour ses populations pour autant qu’il soit normé.

Nul ne peut contester l’opportunité qui se présente de réguler le commerce entre Europe et Afrique dont l’état actuel n’est guère glorieux, alimenté par les désirs d’enrichissement de quelques potentats locaux au mépris des conséquences humaines autant qu’environnementales. Mettre un terme à ces contrats négociés sans vergogne par quelques grands groupes avec certains chefs d’Etat africains suppose de bénéficier d’un cadre contraignant que seul un accord international peut offrir.

Les thèmes potentiellement couverts par l'APE vont, en effet, très au-delà du commerce des marchandises et concernent les services et l'investissement, mais surtout des notions absolument fondamentales telles que le développement durable, la mise en place de dispositifs de concurrence, la facilitation des échanges et la transparence des marchés publics. Il serait possible de rajouter les droits de l’homme ou les dispositions anti-corruption.

Sauf à être ivre d’une idéologie marxiste, nul ne conteste que l’APE et une chance pour l’Afrique de s’élever au rang de puissance commerciale, de se débarrasser de quelques mauvaises pratiques et d’améliorer foncièrement le sort de ses populations.

Il suffit, pour ce faire, de le corréler avec des exigences de régulation et de gouvernance qui sont déjà présentes dans le corpus du droit OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) dont le contenu s’enrichit jour après jour, notamment grâce aux travaux menés par la Francophonie.

Cessons de considérer avec commisération le continent africain et permettons-lui de s’élever au rang de puissance qu’il mérite.

D’autres (Chinois) ne s’embarasseront pas autant.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !