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Pourquoi le succès d’Emmanuel Macron est plus difficile à expliquer que ce qu’en exposent les deux graphiques de la fondation Jean Jaurès ?
©PATRICK KOVARIK / AFP

Pas si simple.

La fondation Jean Jaurès a publié mercredi 15 mars deux graphiques visant à expliquer le succès d'Emmanuel Macron. Une étude qui positionne pourtant l'ancien ministre de l'Economie comme un candidat centre-droit, ce qui pourrait à termes poser problème à son électorat de gauche.

Virginie Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Atlantico : On voit qu'il y a clairement une polarisation dans le premier graphique de la fondation jean jaures. Hamon proche de JLM(1.5 et 2.8) et un Fillon proche de MLP (8.1 et 9.1), Macron étant à 5.2 qu'est-ce que ça vous inspire ces résultats ? Corroborez vous la conclusion comme quoi Emmanuel Macron est le candidat qui est là au bon endroit et au bon moment ?

Virginie Martin : Cette étude ne prend en compte que le positionnement des candidats et de leurs électeurs sur une échelle très large, de 1 à 10 (contre traditionnellement de 1 à 7). Pour ce qui est du positionnement central, ce n'est pas nouveau : en 1995, 65% des gens se placent sur 3/4/5. Dans ces échelles d'identification, les gens se placent toujours un peu dans ce qu'on appelle le centre mais aussi le marais. La notion de marais n'est pas prise en compte dans l'étude. Le marais une chose plus indéfinie politiquement où les gens vont quand ils n'ont pas d'identification partisane forte : c'est une zone politique qui est peu politisée et encourage souvent l'abstention. Mais cas le "marais" vote, il se tourne généralement vers le grand centre plutôt que vers les extrêmes. 

Cet autopositionnement est résolument classique, on ne peut même pas dire que c'est encore plus évident aujourd'hui.

Maintenant, il est clair que le positionnement des candidats, au jour où nous parlons, n'est pas apparu ex nihilo. Or cette étude semble découvrir certaines positions comme si elles étaient surprennantes. Aujourd'hui c'est ainsi qu'on perçoit les candidats, mais les choses peuvent rapidement évoluer : la partie droite du PS a lâché Benoît Hamon, et s'il y avait eu quelqu'un comme Manuel Valls, forcément il aurait été perçu différemment. Si la primaire et son résultat avait été respecté par toutes les franges du PS, on n'aurait pas autant caricaturé le positionnement de Benoît Hamon. Si ce positionnement avait été respecté, il serait certainement classé autour de 4 voire plus. Forcément une fois que toute la droite du PS le lâche, son navire se positionne à 2.8. Après on peut dire qu'il est perçu comme cela parce qu'il était frondeur. Mais si la primaire avait été respectée le frondeur aurait été perçu de manière moins radicale. Surtout que son programme ne l'est pas particulièrement. 

N'oublions pas non plus qu'aujourd'hui le fils politique de Hollande semble être Macron. Forcément, cela marginalise Hamon. Si à quelques jours de la présidentielle le chef de l'Etat dit que le candidat naturel du PS c'est Benoît Hamon, car il a été désigné par la primaire, tout d'un coup il prendra tout l'espace de gauche.

Dans cette étude ils disent qu'il y a toujours eu des logiques électorales. On ne peut pas savoir. Est-ce que Martine Aubry aurait perdu en 2007 ? Ségolène Royal était-elle un choix électoral ou identitaire ?

A droite il n'y a pas de recul non plus. Avec seulement 4 primaires au total (3 à gauche 1 à droite) il n'y a pas assez de recul pour en tirer des lois générales.

On pourrait presque conclure le contraire de cette étude. Que les gens n'ayant pas de positionnement identitaire fort se mettent au milieu et que dans ce milieu il y a une rencontre avec Macron qui est considéré comme centre droit alors qu'il est supposé séduire à gauche.  Jusqu'à quand ce positionnement de centre droit ne va pas poser problème à son électorat de gauche ?

Le candidat d' "En Marche !" ne bénéficie pas forcément d'un statut de candidat au bon endroit au bon moment. Il profite surtout d'une défection du PS et du non-respect de la primaire.

Pour autant, est-ce que tout est acquis pour Emmanuel Macron au vu de la volatilité du vote et des réserves plus conséquentes d'électeurs qu'il y a à droite (qui sont également plus sûrs de leurs vote) ?

Virginie Martin :D'abord je ne comprends pas bien ce positionnement de Fillon. Il me semble que c'est moins sur ses positions économiques que sur ses positions sociétales qu'il a été perçu de cette manière et sur l'image traditionnaliste qu'il renvoie.

Depuis la fin des primaires, on a vu des montagnes russes, où un débat télévisé seulement peut renverser complètement une tendance qui semblait établie. Valls, Montebourg étaient pressentis, au final rien ne s'est passé comme prévu… Cela ne tient à rien, l'électorat est très volatile, très éphémère et le phénomène n'épargne pas Emmanuel Macron.

Là où tout va se jouer seront donc les débats. D'abord il va falloir que les journalistes aillent chercher les candidats. Pas seulement sur des détails mais bien sur le souffle de leurs campagnes. Ensuite il va falloir que ça débatte vraiment, qu'il y ait des confrontations entre candidats. On est frustrés de ne pas en avoir eu pour l'instant. On n'a vu personne face à personne. François Fillon n'est pas allé chez Ruquier, Macron pareil, Mélenchon/Hamon eux y sont allés et Marine Le Pen s'est rendue chez Pujadas… Pour l'instant on a très peu vu Macron dans une position compliquée ; il a énormément fait une campagne sur la séduction mais avec le moins de confrontations possibles.

Ce qui va faire bouger les lignes, c'est l'évolution de Macron dans les débats. Peut-être va-t-il continuer sur sa lancée, c'est-à-dire dans l'esquive et la séduction (ce qui lui réussit très bien jusqu'à maintenant)? C'est en tout cas pour cela qu'il faut que le débat politique prenne de l'ampleur, pour que l'on soit enfin dans la confrontation des programmes. Je pense que Macron sera habile et aura la capacité de continuer l'esquive au centre mais il a aussi des politiciens rodés au combat face à lui. Le Pen sait jouer de tout cela, Fillon et Mélenchon aussi… Est-ce que ce style peut plaire ou est-ce qu'il ne sera pas suffisant ? Cela reste à voir.

Ensuite, la solidité du vote rentre également en compte. On ne note avec cette étude, on voit aussi que l'on peut avoir des gros problèmes au deuxième tour. SI on prend l'hypothèse que les candidats se sont radicalisés, Macron n'a que des faibles réserves de voix. Ou peut-il aller chercher ce qu'il lui manque dans le cadre d'un deuxième tour ? C'est difficile à voir.

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