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Pourquoi le procès Cahuzac pourrait ne jamais avoir lieu
©Reuters

Merci la QPC

Grâce à la demande de QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) qui vient d’être acceptée, l’ex-ministre du Budget peut souffler jusqu’en septembre 2016. Avant lui, les dirigeants d’EADS, mis en examen pour délit d’initié ont échappé au procès. Ils avaient déjà été blanchis par l’Autorité des Marchés financiers. Cahuzac se trouve dans un cas similaire puisque poursuivi deux fois pour les mêmes faits. Comme encore Guy Wildenstein dont le procès vient d’être ajourné. Est-ce à dire que l’ancien héraut de la lutte contre la fraude fiscale n’affrontera pas le Tribunal correctionnel ?

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Le procès de Jérôme Cahuzac et son ex-épouse Patricia soupçonnés d’avoir détenu des comptes à l’étranger a été suspendu jusqu’au 5 septembre prochain

  • Le Tribunal correctionnel de Paris a en effet fait droit à la demande de Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par leurs avocats.

  • Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel, on ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits. Ce qui semble être le cas pour les ex-époux Cahuzac.

Et si le procès de Jérôme Cahuzac n’avait jamais lieu ? Certes, officiellement il est reporté au 5 septembre prochain. Le temps pour que le Conseil constitutionnel réponde à la QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) que lui ont soumis les avocats de l’ancien ministre du Budget et ceux de Patricia, son ex-épouse. A priori, sans préjuger de la décision du Conseil - qui devrait être désormais présidé par Laurent Fabius -, Cahuzac poursuivi à la fois par le fisc et par la justice pénale, a tout lieu d’être confiant. D'autant qu’il a selon ses avocats, acquitté sa dette fiscale, prix à payer pour avoir détenu, entre 1992 et 2010, un compte caché en Suisse de 600 000 euros.

>>> A lire aussi : Jérôme Cahuzac : que son procès soit ajourné ou pas, le plus grand scandale du quinquennat de François Hollande demeure

En effet, selon la règle du non bis in idem, héritée du droit romain, nul ne peut être poursuivi deux fois pour les mêmes faits. C’est désormais la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg qui l’a élaborée à deux reprises en 2014. Une  jurisprudence confirmée, d’abord lors de l’affaire EADS, en mars 2015, puis tout récemment lors du procès de Guy Wildenstein, le célèbre marchand de tableaux renvoyé en correctionnelle pour une fraude fiscale évaluée à 500 millions d’euros. 

>>> A lire aussi : Procès Wildenstein, quand l’obstination d’une veuve vient à bout de celle de Bercy à étouffer une possible affaire de fraude fiscale

Dans la première, le Conseil constitutionnel a estimé que les sept dirigeants d’EADS, dont Noël Forgeard, l’ancien patron d’Airbus, déjà jugés pour délit d’initié par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) qui les avaient blanchis, ne pouvaient être poursuivis sur le plan pénal. Du coup, exit la possibilité pour les responsables de la firme aéronautique de se retrouver devant un Tribunal correctionnel. A leur grand soulagement. Et au grand contentement des avocats, dont Jean-Yves Leborgne, qui fut l’initiateur de cette QPC.

Le second procès a débouché, au début du mois de janvier sur l’ajournement du procès de Guy Wildenstein. Déjà sous le coup d’une enquête fiscale, il ne peut l’être par  la justice pénale ont fait valoir une nouvelle fois ses deux avocats, Mes Eric Dezeuze et Hervé Témime. Le Conseil constitutionnel va donc statuer dans les prochains mois sur les cas de Wildenstein et Cahuzac. Aussi, n’est-il pas absurde que ces deux-là ne remettent plus les pieds dans la 32ème chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Dans leur tête, ils doivent nécessairement penser à l’inventeur  de cette fameuse QPC qui n’est autre que Nicolas Sarkozy… (elle existe depuis le 1er mars 2010)

Lors de la première audience du procès Cahuzac, le 8 février,  le vice-procureur, Jean-Marc Toublanc opposé comme Eliane Houlette, le procureur national financier, à la demande de la QPC déposée par l’ancien ministre du Budget en a profité pour prendre à témoin l’opinion : "lorsqu’il était ministre du Budget, Jérôme Cahuzac ne s’est jamais ému du problème que poserait le fait de poursuivre un citoyen à la fois au plan fiscal et au plan pénal. Il a même renforcé le dispositif de lutte contre la fraude fiscale. Aujourd'hui que la loi s’applique à sa personne, il considère qu’elle est inconstitutionnelle. Pourquoi ne l’a-t-il pas soutenu lorsqu'il était aux commandes ?" L’estocade fera mouche. Tellement que les conseils de l’ancien ministre du Budget, Mes Jean Veil et Jean-Alain Michel, fins juristes et habitués des dossiers politico-financiers ne riront pas du tout.  Effectivement, le vice-procureur Toublanc a frappé là où cela fait mal : le problème de la fraude fiscale qui serait réprimée inégalement…  Que peut penser l’opinion publique, certes peu au fait des arcanes du droit fiscal et du droit pénal ? Eh bien, c’est simple, elle se dit : selon que vous soyez puissant et misérable…Elle regarde le sort qu’ont eu nos élus alpagués dans des scandales… Qui ne se souvient de la loi d’amnistie, opportunément votée le 7 décembre 1989- promulguée le 15 janvier 1990 - qui eut pour effet d’éviter à Christian Nucci, l’ancien Ministre (PS) de la Coopération  de François Mitterrand, impliqué dans le scandale Carrefour du Développement, le renvoi devant la Haute Cour de Justice ? Et l’on pourrait citer moult lois depuis trente ans visant à réformer le financement des campagnes électorales ou rendre plus transparente notre vie publique. Dernière en date : la loi, votée sous le quinquennat de François Hollande et créant une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) présidée par l’ancien procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal. Une loi votée dans la foulée du scandale Cahuzac qui eut également pour conséquence de créer le poste de procureur national financier.  Aujourd’hui, il se dit que 6 à 7 élus, a priori peu regardants sur la déclaration de leur patrimoine ou ayant été légers en matière de déclaration  feraient l’objet d’une enquête. Mais en vertu de la règle du non bis in idem et de la jurisprudence conjuguée de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel, qui sait si, en cas de renvoi devant un tribunal correctionnel, ils ne seraient pas tentés d’invoquer une salvatrice QPC… à condition qu’ils fassent également l’objet d’une enquête fiscale.

Or l’administration des impôts n’a pas le pouvoir – à l’inverse d’un tribunal- de prononcer une peine d’inéligibilité…Ce qui pour un député, sénateur ou élu local, régional qui souhaite poursuivre une carrière politique est embêtant. Très embêtant… De toute façon, dans le cas de Jérôme Cahuzac, le temps joue en sa faveur. Si finalement, il passait en  correctionnelle en septembre 2016, ce serait presque 4 ans après les faits. Avec l’appel et un vraisemblable pourvoi en cassation, nous serions à 5 ans. C’est bien connu, le temps a pour effet de dissoudre la sanction pénale. De la rendre presque indolore…En toute hypothèse, ce n’est pas l’ex-fringant ministre du Budget de François Hollande qui s’en plaindrait.

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