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Pourquoi le flux de migrants en provenance de Syrie va inéluctablement et fortement s’accentuer ces prochains mois
©Reuters

Et plus d'un million

Le bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a enregistré 4.2 millions de Syriens arrivés en Europe jusqu'à présent, mais ce chiffre sous-estime le nombre réel de réfugiés d'au moins 20%. En outre, selon une étude publiée par le chercheur français Fabrice Balanche pour l'Institut de Washington, l'Europe pourrait s'attendre à recevoir, d'ici les prochains moins, deux fois plus de réfugiés qu'en 2015.

Fabrice Balanche

Fabrice Balanche

Fabrice Balanche est Visiting Fellow au Washington Institute et ancien directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à la Maison de l’Orient.

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Atlantico : Vous venez de publier une étude sur les flux migratoires syriens. Vous avez étudié dans un premier temps les flux internes, et dans un second temps les mouvements externes, qui toucheront l’Europe. Quelles ont été les conclusions de vos analyses ?

Fabrice Balanche : Le but de mon étude était d’identifier les populations qu’il restait en Syrie dans les différentes zones. J’en suis arrivé à la conclusion qu’il restait environ 16 millions d’habitants en Syrie sur les 21,3 de la population habituelle. Cela fait 5,3 millions de réfugiés. 

Dans toutes les zones, la situation économique est dramatique. Au bout de cinq années de guerre, la population en a marre et ne voit pas d’issues. Ajouté à ce contexte peu encourageant pour les Syriens, l’Allemagne leur a largement fait comprendre qu’ils étaient les bienvenus. Ils affluent donc vers l’Europe. Certains Syriens n’étaient pas exposés particulièrement : ils avaient un métier et de l’argent mais ont néanmoins décidé de tout claquer pour venir vers l’Europe.

Pouvons-nous chiffrer le nombre de réfugiés que nous serions susceptibles d’accueillir en Europe ?

Il s’agit d’un exercice difficile. Depuis un an, nous avons un million de réfugiés qui sont arrivés en Europe. Seulement, parmi eux il n’y en a réellement que 500 000 de Syriens. Les autres sont des Afghans, des Irakiens, ou des Libanais qui se font passer pour des Syriens en achetant des faux papiers en Turquie. 

Cela va avoir un effet boule de neige. Car parmi les réfugiés Syriens, il y a beaucoup de pères qui ont laissé leurs familles en Syrie. Ils la feront venir, une fois qu’ils auront obtenu leur visa. Car les réfugiés peuvent bénéficier du regroupement familial proposé dans la charte des Droits de l’Homme depuis 2003. Ils vont donc venir avec leurs femmes, leurs enfants. A ces derniers, il faudra ajouter les enfants des enfants, dans les années à venir. Cela aura un vrai effet boule de Neige inquiétant.

Concrètement, que pouvons-nous faire ? L’Europe est-elle préparée à ce scénario ?

L’Allemagne est déjà revenue sur ses déclarations très optimistes du début de crise. Aujourd’hui, le pays freine complètement l’accueil. Les Allemands hébergent déjà un million de réfugiés chez eux. L’année prochaine, ils auront peut-être encore un million de réfugiés en plus. Il est évident qu’ils n’arriveront pas à les absorber. Ils sont d’ores et déjà confrontés à de gros problèmes d’intégration. Les réfugiés sont arrivés pensant trouver un eldorado. Sauf, que ce n’est pas le cas. Certains veulent trouver un travail, sauf qu’il n’y en a pas forcément, et quand bien même il pourrait y en avoir, les emplois ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils pouvaient imaginer. Celui par exemple qui avait obtenu un diplôme d’ingénieur en Syrie, n’aura pas forcement la même valeur que celui en Allemagne, il sera donc déclassé. Le rythme de travail n’est en outre pas le même. Ce n’est pas l’eldorado espéré.

L’Europe essaye donc de retenir les réfugiés au Liban, en Jordanie et en Turquie. Elle fournit de l’aide à ces pays. Nous payons par exemple Erdogan pour qu’il garde des réfugiés en échange de 3 milliards d’euros, nous allons supprimer les Visa pour les Turcs, qui vont pouvoir revenir librement en Europe. Nous avons ouvert de nouveaux chapitres afin que la Turquie puisse intégrer l’Union Européenne. Erdogan nous fait du chantage, et cela marche, le Liban nous fait du chantage, et cela marche aussi. Nous payons. Car finalement donner 3 milliards d’euros à la Turquie pour garder 2 millions de réfugiés Syriens ça revient moins cher que si nous avons ne serait-ce que 500 000 réfugiés Syriens qui arrivent en Europe. Le coût de l’entretien et de l'intégration est énorme.

Mesure t-on l'ampleur de ce qui va arriver dans les prochaines mois ? Quelles solutions s’offrent à nous ?

Si l’Europe ne se barricade pas, il s’agit d’un million de réfugiés par an minimum que nous verrons arriver. 10 millions de Syrien se déplacent et la situation de la Syrie ne va pas s’améliorer tout de suite. En outre, il y a des risques de contamination du conflit au Liban en Jordanie, en Irak. Les flux de réfugiés vont donc s’accroitre.

A ces derniers, il faudra ajouter les yéménites du Yémen, trop souvent oubliés. Le pays est en guerre civile, bombardé par l’Arabie Saoudite, les émirats… On ne parle que peu du Yémen, mais ce qu’il se passe là bas aujourd’hui est pire que la Syrie. Pour le moment, nous les voyons peu, car le Yemen est géographiquement loin. Mais à moyen terme, nous allons les voir arriver. D’autres flux viendront d’Afghanistan…

L’Europe va devoir se barricader. Dans un premier temps, il va falloir acheter la tranquillité pour gagner du temps et permettre de faire des murs, des barbelés mais surtout de réformer le droit et Schengen, car nous ne pouvons plus jamais être dans cette situation.

Pour l’instant l’Allemagne absorbe… mais elle va vite être saturée. Si c’est le cas, les réfugiés vont déborder dans les pays voisins, donc aussi en France.

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