Edito
Pourquoi la réforme de l’ISF peut déboucher sur une usine à gaz
Il est bien connu qu’en France on ne fait jamais simple quand on a le loisir d’agir de manière compliquée. La réforme de l’impôt sur la fortune en porte témoignage.
Il est bien connu qu’en France on ne fait jamais simple quand on a le loisir d’agir de manière compliquée. La réforme de l’impôt sur la fortune en porte témoignage. Au lieu de supprimer purement et simplement l’ISF, et de s’attacher à une reconstruction rationnelle de la fiscalité dans notre pays on a appliqué le fameux principe d’Emmanuel Macron du » en même temps » en séparant le capital financier désormais affranchi de la taxation, de l’immobilier qui resterait soumis au régime actuel dans toute sa rigueur. Au risque de multiplier les polémiques sur un sujet particulièrement sensible et qui de surcroît pourrait faire l’objet de sérieuses critiques de la part du conseil constitutionnel auquel il sera soumis.
La gauche réclame le maintien pur et simple de l’impôt qui est pour elle le symbole de la justice fiscale, tandis qu’une partie de la droite revendique son abolition totale, pour éliminer l’un des freins à la croissance de l’économie. Par son refus de trancher entre ces deux positions extrêmes, le gouvernement a choisi la difficulté, car la délimitation des frontières entre les deux sources de propriété s’avère souvent délicate et peut donner lieu à des contournements.
Première difficulté : évaluer le manque à gagner pour le trésor public. Le produit de l’impôt était évalué à cinq milliards d’euros, une somme approximative, car elle tenait compte à la fois du mécanisme du plafonnement à 75% des revenus et représentait grosso modo un milliard d’euros, mais aussi des sommes récoltées par la cellule de régularisation des avoirs fiscaux à la suite de transactions avec des évadés fiscaux repentis, dont le fonctionnement sur plusieurs années a rapporté huit milliards. Par ailleurs, il faudrait pouvoir estimer le manque à gagner qui résulte depuis la naissance de cet impôt de l’exode régulier des hommes et des biens vers d’autres cieux, en créant une hémorragie lente mais permanente, préjudiciable à la bonne santé de l’économie.
Deuxième difficulté : déterminer l’impact de l’exonération du capital mobilier : il représenterait 64% de l’assiette, contre 36% à l’immobilier, mais l’absence de caractère proportionnel en raison de la progressivité de l’impôt a un impact sur le rendement difficile à évaluer avec précision. Dans ce contexte, la réforme projetée pourrait faire perdre trois milliards par an au fisc, alors que le rendement de l’immobilier pur ne dépasserait pas 850 millions selon les dernières estimations les plus crédibles. Encore que ce dernier chiffre pourrait même être revu à la baisse, dans bien des cas. Qu’adviendra-t-il par exemple des actifs fonciers détenus par des sociétés qui étaient jusqu’ici exonérées de l’ISF ? Quel sera le sort des foncières cotées en Bourse ? Comment seront évalués les actifs liquides des entreprises à prépondérance immobilière ? Le gouvernement devra établir des garde-fous pour éviter une certaine évasion engendrée par d’inévitables tentatives de contournement du nouveau système.
Dans les milieux d’affaires, la prudence reste de mise. On suit pas à pas l’impact dans l’opinion des transformations déjà amorcées à commencer par le code du travail. On redoute aussi l’influence des grêves des routiers notamment , de l’agitation étudiante à venir dans un pays prompt à réclamer des réformes, mais qui refuse généralement celles qu’on lui propose, ce qui peut à tout moment, comme on l’a vu à plusieurs reprises dans le passé interrompre le processus de rénovation pour revenir à l’éternel statu quoi. Et l’ISF n’échappe pas au doute que certains éprouvent encore sur son sort.
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