Pourquoi la Chine n’a aucun intérêt à ce que la situation dégénère à Hong Kong (mais Pékin a-t-il compris le piège financier ?) <!-- --> | Atlantico.fr
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Un manifestant du mouvement "Occupy Central with Love and Peace" à Hong Kong.
Un manifestant du mouvement "Occupy Central with Love and Peace" à Hong Kong.
©Reuters

3% du PIB

A Hong Kong, les manifestants du mouvement Occupy Central with Love and Peace réclament depuis le 27 septembre l'annulation d'une réforme, jugée antidémocratique, qui modifie le mode de scrutin pour désigner le dirigeant du territoire.

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio est président de l'institut de recherche Asia Centre.

Ancien élève de l'École normale supérieure et de l'Université de Pékin, il enseigne par ailleurs à l'IEP Lyon, à l'Ecole Centrale Paris, à HEC ParisTech, à l'École des Mines Paris Tech et à Lille I.

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Atlantico : Plusieurs analyses économiques prétendent que Hong Kong est de moins en moins important dans l'économie chinoise (le territoire ne représente "plus" que 3% du PIB, un chiffre en baisse chaque année). Cette analyse est-elle conforme à la réalité économique dans les faits ? Quelle est la vraie place de Hong Kong dans l'économie chinoise ?

Jean-François Di Méglio : Si on s’en tient aux chiffres précis, la croissance réelle de la Chine depuis trente ans et les limites géographiques, démographiques et même économiques de Hong Kong stricto sensu valident la dilution du territoire dans l’ensemble chinois. Le PIB de Hong Kong tout seul est désormais une fraction (largement moins de 10%) de celui de la Chine, qui a dépassé celui du Japon et les 8000 milliards de dollars. Cependant, le marché boursier de Hong Kong, son marché immobilier et ses plus-values latentes, le marché financier, avec la présence de banques étrangères nombreuses dont l’activité n’est pas forcément reportée dans les chiffres hong kongais font de cette place, en dehors du PIB matériel créé par ce qui lui reste d’industries non délocalisées et d’activités portuaires (deuxième port pour le trafic de containers dans le monde) un endroit-clé des économies régionales. Ces activités font aussi de la confiance établie dans le système juridique et comptable de Hong Kong la principale valeur "invisible" du territoire. Sa place est donc considérable, c’est une ouverture, un "sas", un exutoire aussi pour le résultat de l’enrichissement créé en Chine continentale. C’est difficile à mesurer, mais fondamental

Que pourrait-il se passer pour l'ensemble de l'économie chinoise si la crise politique débouchait sur un ralentissement économique de Hong Kong ?

Le premier marché touché serait le marché boursier, pouls réagissant en temps réel à tous les soubresauts. Mais on pourrait toujours dire qu’une purge boursière, même s’il n’y a pas eu d’emballement récemment, ne fait jamais de dégâts catastrophiques. En revanche, des attaques sur le lien artificiel qui maintient la devise hongkongaise (le Hong Kong dollar) à une parité fixe contre la monnaie américaine (7,8 pour un dollar) sont à craindre, comme cela s’est vu en particulier en 1997. Ce lien symbolise en effet l’ouverture de Hong Kong sur autre chose que le Continent. Un ralentissement mettrait en évidence le fait que le lien le plus fort est désormais avec la Chine et donc que le "peg" (lien avec l’USD) est injustifié. Le marché immobilier, où de nombreux investisseurs du Continent ont fait monter les prix, serait lui aussi affecté et ceci est sans doute le plus grand risque, car la contagion pourrait se propager dans un marché immobilier chinois réellement en proie à une flambée des prix, certes inégalement répartie selon les régions et les provinces, mais décalée par rapport à la réalité de la croissance et des besoins en équipement. 

Pourquoi la Chine, malgré les risques économiques, garde-t-elle pour l'instant une position de fermeté face à un territoire où son influence n'ira que grandissante avec les années, jusqu'à la rétrocession définitive en 2047 ? Pourquoi risquer de tout perdre en provoquant une crise politique ou économique ?

C’est sans doute une part difficile à expliquer de maladresse et d’incompréhension. Malgré la célébration tranquille mais émue des incidents de Tian AN Men chaque année début juin à Hong Kong, c’est un endroit qui ne se caractérisait pas dans l’histoire par une haute conscience politique, et Pékin est un peu pris à revers, même si l’explication par la douce irresponsabilité des milieux étudiants est possible. Le durcissement indéniable du régime de Pékin à l’intérieur rend aussi plus improbable la tolérance, même dans un lieu qui bénéficie de la règle"un pays, deux systèmes" jusqu’en 2047, vis-à-vis de tout mouvement spontané et massif. Enfin, l’une des explications pourrait être la relative "déception" de voir que justement la génération qui a grandi après la rétrocession, et donc qui, dans la perspective d’une intégration après 50 ans, devait être celle qui cimenterait le retour de Hong Kong à la Chine est celle qui fait problème.

De nombreux officiels et proches du gouvernement chinois ont eux-mêmes des intérêts économiques personnels à Hong Kong. Cela peut-il tempérer la position chinoise ? Y a-t-il un débat en Chine sur la position à tenir ?

Nul ne peut dire en temps réel l’ampleur et la teneur des débats au sein de la direction du Parti et des équipes dirigeantes. Mais il y a toujours débat, c’est la règle dans ce régime, même si le système installé depuis 2012 est beaucoup plus homogène et aligné sur les positions du Président Xi, attaché au développement économique et préoccupé par tout ce qui lui fait obstacle. Mais effectivement, les intérêts personnels jouent : sans doute pas directement dans le sens d’une modération motivée par la protection de ces seuls intérêts, mais parce que l’existence de ces intérêts permet de mieux toucher concrètement les esprits et de faire évoluer le "logiciel" étatique.

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