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Pourquoi la BCE ne doit surtout pas s’alarmer d’un retour de l’inflation
©Arne Dedert / dpa / AFP

La pire erreur à commettre

C’est l’erreur commise en 2009 notamment lorsque Jean-Claude Trichet a durci la politique monétaire en confondant hausse des prix de l’énergie et inflation. Cette décision a mené à l’étouffement de la reprise européenne. Devons-nous nous inquiéter de la situation économique de la zone euro ? Quelle doit être la position de la BCE ?

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico.fr : Avec la crise et depuis le mois d’août, la zone euro se trouve en situation déflationniste. Devons-nous nous inquiéter d’une telle situation économique ? La BCE doit-elle dès maintenant afficher une position claire à ce sujet ?

Rémi Bourgeot : Les tendances déflationnistes affectent la zone euro depuis la crise de l’euro et, en réalité malgré les débats d’économistes, depuis la crise financière mondiale. Par ailleurs ces tendances ont des racines profondes dans l’affaiblissement salarial qui a été mis en place pour des raisons de stratégie industrielle peu inspirée notamment.

De son côté la pandémie a d’abord engendré une désorganisation des chaînes de production et logistiques. Les représentations actuelles sont peut-être encore marquées par les rayons vidés du printemps dernier. Un choc à la baisse sur l’offre est naturellement porteur d’inflation. Mais cette phase semble désormais lointaine en réalité et c’est surtout l’affaissement des conditions d’emploi qui pèse, à la baisse, désormais sur les perspectives d’inflation.

La BCE a mis en place son programme d’achats massifs vers la fin de la crise de l’euro à proprement parler, début 2015, en invoquant son mandat de stabilité des prix, et donc de lutte contre la déflation aussi bien que contre l’inflation. Aujourd’hui c’est une logique plus assumée d’absorption des dettes publiques issues de la pandémie qui anime les banques centrales des pays développés. Les tendances déflationnistes ne sont qu’un symptôme parmi d’autres de développements bien plus graves sur le plan de l’affaissement économique et industriel que nous vivons.

La BCE devrait-elle se réjouir d’une pression accrue sur les prix ? Une inflation élevée pourrait-elle contribuer à rendre plus supportable la dette publique de la zone euro ?

Exactement comme en 2009, le débat économique se concentre sur la question d’une éventuelle inflation à venir sous le coup des politiques de relance budgétaire et monétaire. Les prévisions quant à un bond de l’inflation ont tendance à reposer sur une vision assez stratosphérique du marché de l’emploi, par exemple en se centrant sur les chiffres les plus généraux du chômage, qui cachent un effondrement des conditions d’emploi. Les montagnes de liquidités déversées par la BCE sur les marchés, en achetant aux banques de la dette publique, restent pour une grande part enfermées sur ces marchés et n’atteignent qu’indirectement l’économie réelle. Le quantitative easing a, au cours de la décennie écoulée, alimenté l’emballement de la bulle immobilière et la bulle des actions. Cette dernière prend désormais une dimension qui relève de la science-fiction au regard de la déconnexion entre le cours des actions et la réalité des résultats des entreprises. Et en même temps, comme au cours de la dernière crise, l’industrie financière fait coup double en développant des offres centrées sur le risque inflationniste lié à la monétisation des dettes.

En tant que telle, la voie qui a été choisi pour l’absorption des dettes publiques par la banque centrale, centrée sur l’industrie financière, est problématique de par les bulles extraordinaires qu’elle crée. L’idée que la relance monétaire, telle qu’elle est pratiquée, serait de nature progressiste est un contresens.

Quelles erreurs commises en 2009 par Jean-Claude Trichet ne doivent pas être reproduites pour ne pas étouffer la croissance européenne ?

Evidemment Trichet, sensible aux critiques allemandes, a eu une interprétation extrêmement restrictive de son mandat. Pour autant il ne suffit pas de faire l’inverse pour bien faire. L’absorption des dettes au moyen du quantitative easing est, dans une large mesure, désastreuse au regard de ses effets secondaires. Une nouvelle approche est nécessaire et il faut, pour cela, dépasser l’impasse des invectives entre purs produits des facultés d’économie.

En particulier, la monnaie numérique publique, qui constituera un lien quasi-direct entre la banque centrale et les acteurs économiques, peut permettre une action monétaire beaucoup plus efficace et ciblée, qu’il s’agisse du controversé « argent hélicoptère » ou de programmes de financement ciblés, destinés à favoriser un véritable projet de développement économique et industriel.

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