Pourquoi il est urgent de défendre les PME contre les pratiques de certains grands groupes<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Il est urgent de défendre les PME.
Il est urgent de défendre les PME.
©Flickr

Fratricide

La France est le théâtre d'un affrontement, bien trop souvent passé sous silence, entre les grands groupes et les PME, qui va même parfois jusqu'au racket du crédit d’impôt des secondes par les premiers. Une logique hiérarchique et conservatrice qui entretient l'immobilisme économique.

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry

Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe où il dirige le European Executive MBA.

Il est membre de l'équipe académique de l'Institut pour l'innovation et la compétitivité I7.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles, dont Stratégique, le manuel de stratégie le plus utilisé dans le monde francophone

Site internet : frery.com

Voir la bio »

En France peut-être encore plus qu’ailleurs, les PME et les grands groupes vivent dans des univers parallèles. Les unes, souvent familiales, peinent à investir, ont une rentabilité inférieure à la moyenne de leurs homologues européennes, hésitent à s’internationaliser, et payent les charges qui leur échoient. Les autres, cotés en Bourse, incarnent la globalisation (parmi les 500 plus grosses entreprises mondiales, on compte 32 entreprises françaises, soit autant que d’allemandes), affichent pour la plupart des bénéfices record, et excellent dans l’optimisation fiscale.

Lorsque ces deux univers se rencontrent, c’est parfois pour le meilleur (un grand groupe rachète une PME innovante ou cède une de ses filiales à ses salariés), mais aussi pour le pire. Lorsqu’un grand donneur d’ordres cherche un gain de rentabilité, il n’hésite pas à pressurer ses fournisseurs. Si nos géants industriels s’enorgueillissent de leurs usines en flux tendus, c’est souvent après avoir externalisé leurs stocks auprès de leurs sous-traitants. Récemment, la révélation d’une forme de racket au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a encore ravivé cette défiance : plusieurs grands comptes auraient exigé de leurs petits fournisseurs qu’ils leurs reversent sous forme de ristourne le crédit d’impôt auquel ils avaient droit. Face au pouvoir de négociation d’un grand groupe, la plupart des PME ne peuvent que se soumettre.

Cette dichotomie est elle irréversible ? Parmi nos gloires du CAC40, il est de bon ton d’être centenaire : douze d’entre elles sont nées avant 1900 (la plus vieille étant Saint-Gobain, fondée en 1665) et aucune n’est née après 1990. En France, à de très rares exceptions près comme Iliad – la maison mère de Free –, s’intéresser aux grandes entreprises, c’est se spécialiser en gériatrie. La situation est tout autre aux États-Unis. Si l’on compare la liste des 100 plus grosses entreprises américaines établie en 1966 avec celle de 2006, il apparaît que 66 d’entre elles n’existent plus, que 15 ne font plus partie de la liste, et que seules 19 y figurent encore. En France, vieux pays paysan, la stabilité règne : les petites entreprises sont supposées rester petites et les grandes sont supposées rester grandes. Les élites des grands corps ne s’éloignent jamais des prébendes des grands groupes, et laissent aux petits patrons leur quotidien besogneux. Les quelques-ceux qui réussissent seront traités en parvenus.

Dans nos gouvernements successifs, il ne manque jamais un ministre créatif pour suggérer que si chacune de nos PME recrutait un seul salarié supplémentaire, nous mettrions mathématiquement fin au chômage sans contester les hiérarchies. Aux États-Unis, la logique est tout autre : il s’agit de faire en sorte qu’une PME sur 10 000 recrute 10 000 salariés, en un mot qu’une petite devienne grande et bouleverse ainsi l’ordre établi.

Dans leurs rêves les plus audacieux, mes élèves entrepreneurs français imaginent qu’ils auront peut-être un jour 500 collaborateurs. Mes élèves entrepreneurs américains envisagent lucidement d’en avoir 50 000. Ce n’est pas une chimère : Amazon, fondé en 1993, compte déjà 100 000 salariés. Renault, fondé un siècle plus tôt, n’en compte que 127 000.

L’essentiel n’est pas la pérennité des grandes entreprises, source d’inerties et de conservatismes, mais bien le dynamisme de l’économie, dont les PME sont le bouillonnant creuset.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !