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Pour relocaliser ses industries, la France va découvrir qu’il ne suffit pas d’être souverainiste mais compétitive et attractive
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

Si Emmanuel Macron veut relocaliser les industries jugées essentielles dans le pays, il n’a pas d’autre choix que de revenir sur le terrain de l’attractivité économique et la compétitivité, comme au tout début de son mandat.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pas de masques, pas de tests, pas d’équipements médicaux. On ne reviendra jamais assez sur le triste constat que le pouvoir a essayé d’ignorer au début de l’épidémie. Mais il fallait se rendre à l‘évidence. La France était complètement dépendante de ses quelques fournisseurs étrangers et notamment chinois pour assurer ses approvisionnent en masques, en tests et plus généralement en produit essentiels à l’état sanitaire qui se retrouvait en risque. La catastrophe économique et sociale provoquée par l’épidémie du coronavirus a mis en évidence la pauvreté de nos équipement industriels. Du haut en bas de l’Etat, on s’est aperçu que la France, puissance économique mondiale, était sans doute un pays formidable, champion du monde des industries touristiques et gastronomiques, start-up nation en puissance, mais un pays qui avait perdu les équipements industriels de base pour satisfaire des besoins essentiels de protection et d’hygiène.

Dans le discours, l’exécutif a promis qu’il fallait nécessairement restaurer un appareil industriel, prendre de la distance avec l’euphorie de la mondialisation et dans les faits, il a entrepris de rapatrier certaines fabrications stratégiques comme celles des équipements médicaux et des produits pharmaceutiques afin de s’affranchir de nos fournisseurs.

Si le plan de soutien à l’économie à plus de 100 milliards d’euros a rassuré, il était surtout destiné à l’urgence et au soutien aux entreprises déjà présentes sur le territoire. Il s’agissait de financer des mesures comme le chômage partiel ou le fonds de solidarité aux indépendants et aux entreprises, de mobiliser des ressources pour garantir les prêts aux entreprises ou de s’équiper en urgence en matériel sanitaire. Il a fallu aussi répondre à la grogne sociale et accorder des primes de revalorisation au personnel soignant.

Mais, pour donner un second souffle à l’économie, pour éponger un taux de chômage qui va exploser dès l’automne, l’économie va avoir besoin d’un véritable plan de relance de l’économie. De débloquer la consommation et favoriser les investissements. D’un côté, se lancer dans les activités nouvelles mais de l’autre, rapatrier des productions dans des secteurs stratégiques. Facile à dire, parce que les relocalisations ne se décident pas d’un claquement de doigt. Pour relocaliser une industrie, encore faut-il que l’industriel ou l’investisseur y ait intérêt. Parce que s’il est parti dans les pays émergents, ce n’est évidemment pas par hasard. 

Aujourd’hui, il s’agit de sécuriser les chaines de valeur, qui sont éclatées dans le monde et surtout en Asie.  L’idée serait par la même occasion de recréer des bassins d’emplois industriels en France. Mais pour engendrer ces relocalisations, il faudra bien plus que les 600 millions d’euros de Sanofi pour la construction d’une nouvelle usine de vaccin. Il faudrait une vague d’investissements.

Comme en début de son mandat, Emmanuel Macron va devoir réinventer l’attractivité de l’économie française. Découvrir les moyens d’une nouvelle compétitivité. Les beaux discours sur la nécessité d’une souveraineté française dans le domaine du médicament ou du numérique ne suffiront pas à faire venir les acteurs économiques. Il leur faudra des actes, des avantages relatifs et il faudra, pour le président de la République et plus que jamais, adopter de nouveau le discours « Choose France », son credo depuis le début de mandat, tout en l’adaptant à la nouvelle situation économique. Les moyens existent, encore faut-il qu’ils soient acceptés par le marché.

La TVA sociale qui reviendrait à taxer plus fortement les produits importés de l’étranger est parfaitement envisageable, à condition de ne pas provoquer des mesures de rétorsion. Qu‘on le veuille ou non, la TVA sociale sur les produits importés revient à mettre une barrière protectionniste. Et donc à prendre le risque d’une mesure de rétorsion sur les produits exportés.

Avec la TVA sociale, le taux de TVA augmenterait pour tous les produits. Mais en contrepartie, les cotisations patronales baissent, pour les entreprises en France. Pour les produits français – ou européens, le résultat serait assez indolore puisqu’il y aura un effet de compensation. Pour les produits provenant des pays à faible cout de main d’œuvre, cela entrainerait une hausse des prix. D’où le risque pour eux de perdre une part de leurs activités. Les recettes de cette TVA seraient destinées à financer les dépenses de protection sociale, d’où son nom de « sociale ».

Ce mécanisme de compensation résoudrait le problème de l’écart de prix entre le « made in France » et les produits chinois. Car, quoiqu’on en dise, le prix reste aujourd’hui le premier critère d’achat et incite bien souvent le consommateur à choisir pour le produit qui fera le moins de mal à son porte-monnaie. C’est le même comportement qu’adoptent les entreprises, qui se tournent systématiquement, dans le cadre de leurs achats de BtoB, vers l’international pour aller chercher la compétitivité. Un moyen de faire changer les comportement, mais la TVA sociale impliquerait une conséquence sur le pouvoir d’achat et il faudrait alors, pour l’exécutif, fournir un gros travail d’explications auprès de l’opinion.

La deuxième piste, pour privilégier le retour des entreprises et de leurs fabrications, serait d’alléger le poids des impôts et des charges. Si le coût du travail joue un rôle dans les délocalisations, le prix de revient est aussi plus élevé en France à cause des impôts dits de production, qui pèsent deux fois plus que l’impôt sur les sociétés.

Ces impôts de production, qui s’appliquent avant même que l’entreprise ne dégage un chiffre d’affaires, sont en France, particulièrement élevés.  Ils sont déconnectés du résultat dégagé par l’entreprise mais calculés sur d’autres critères : chiffre d’affaires, masse salariale, importance du foncier et il en existerait plus de 900 différents, dont les plus connus cotisation foncière des entreprises, contribution sociale de solidarité des sociétés et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Une troisième piste serait de revenir vers la taxe carbone ou de prendre en compte les coûts externes sur l’environnement. L’une des composantes du prix de revient des produits importés (ou pas) se cache dans le transport et dans le coût de l’émission de CO2. La fixation d’un prix à payer sur le carbone émis à la production ou au transport inciterait les investisseurs à opter pour des fonctions de production plus rationnelles, et moins consommatrices d’énergie.

La boite à outils anti-délocalisations est principalement remplie d’expédients. Le cœur de l’attractivité industrielle se situe au niveau de la compétitivité du produit. Et cette compétitivité ne dépend que de deux facteurs :

Le premier est la qualité de l’offre et le montant de la valeur ajoutée. L’innovation technologique. La puissance des grands pays industriels dépend avant tout de leur potentiel d’innovation et de recherche.

Le deuxième facteur dépend de la combinaison entre le prix de la main d’oeuvre et des charges sociales, c’est à dire du cout du modèle social. Il est évident que le poids des dépenses publiques et sociales, qui se retrouve d’une façon ou d’une autre dans le prix de revient des produits, hypothèque la compétitivité.

Paradoxe : le poids des dépenses publiques permet de soutenir un modèle social de qualité et les contraintes environnementales prouvent la volonté de respecter l’environnement. Ces deux éléments participent aussi à l’attractivité de l’économie.

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