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Pour les chefs d’entreprise, l’Etat français, c’est pire que le cirque Bouglione…
©Reuters

Singeries politiques

Pour les chefs d’entreprise, la gouvernance française offre tous les jours un numéro de cirque avec les plus grands acrobates, les meilleurs illusionnistes, jongleurs et équilibristes. C’est Bouglione en mieux avec cette semaine un spectacle permanent. A Bruxelles, à Strasbourg, à Francfort, et bien sûr à Paris.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La semaine qui s’ouvre va nous offrir un spectacle permanent. D’abord une bonne nouvelle. On sait maintenant, grâce au smartphone d’un petit malin de l’Elysée que Julie Gayet ne quitte plus le palais présidentiel et que le président de la République doit être enfin heureux dans son couple, il a le droit et c’est une bonne nouvelle pour la stabilité future de la présidence.

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Mais c’est la seule bonne nouvelle, un peu sereine, parce que la semaine va nous offrir quelques numéros de haute voltige à haut risque.

A Bruxelles, on est toujours dans le collimateur des gérants de la copropriété européenne. Pour des raisons que l’on connait. Parce qu'on ne respecte pas le règlement de copropriété. On ne paie pas nos charges, on n’est même pas très respectueux des gardiens de l’immeuble en ne leur disant pas quand on va enfin faire le ménage sur le palier de l’euro et renvoyer l’ascenseur. Du coup à Bruxelles, les autres copropriétaires se plaignent et les syndics se fâchent.

Alors lundi, les commissaires chargés de l’euro, M Dombrovski  et surtout M Moscovici doivent présenter leur avis sur les budgets 2015 tel qu'ils ont été formulés puis modifiés à la supplique de la Commission. Normalement les deux commissaires (s'ils disent ce qu'ils pensent) devraient expliquer sérieusement que "la France se fout du monde".

Ça va être "rigolo" de voir Pierre Moscovici dans ce rôle de surveillant général d’une situation dont il est quand même un peu responsable. Le numéro de cirque est complètement inédit. Il y aura du monde à la conférence de presse. Sur le fond, les commissaires ne peuvent constater que la France non seulement n’atteint pas ses objectifs mais ne tient pas sa parole. En conséquence les commissaires devraient présenter une liste des réformes de structures à mettre en place avec un engagement d’agenda précis. Si la France n’obtempère pas, on lui dira gentiment qu’elle aura du mal à bénéficier du plan de croissance et d’investissement.  

Alors justement,  mercredi 26 novembre, Jean-Claude Junker présentera un plan d’investissement à 300 milliards devant le Parlement européen... On lui demandera comment il compte financer un tel effort. Il répondra qu’il ne demandera pas un sou aux états. Du financement communautaire et surtout du privé. A partir du moment où les projets sont structurants, ils dégageront une rentabilité. Junker réinvente le partenariat public-privé à l’échelle européenne, ce qui revient à mutualiser le risque. François Hollande qui réclamait des euros bonds devrait être content parce que c’est la même chose. Après tout ça marche au niveau national depuis le 19e siècle. On ne l’apprend pas à l’école mais la tour Eiffel au début du siècle dernier s’est retrouvée en panne de financement au 2e étage. Comme le temps pressait,  les promoteurs ont fait un appel public à l’épargne en promettant un retour sur investissement, ce qu’ils ont délivré. On ne le sait pas assez ; c’est à cette occasion que la société générale est devenue une des grandes banques de l’industrie.

Enfin bref les besoins de croissance en Europe sont bien supérieurs a ceux de la tour Eiffel qui était pratiquement terminée.

Donc mercredi, le plan de 300 milliards. On va commencer à parler du contenu et des projets. Des projets, la France en a pas mal listés et étudiés sauf que si elle ne remplit pas ses engagements budgétaires, elle en sera exclue. C’est la menace qui a été brandie par les copropriétaires de l’euro. On ne nous menace plus du bâton ; ce serait trop vulgaire, on nous menace de nous priver de carottes  

Donc jeudi, Emmanuel Macron va faire un grand numéro de claquettes a son collègue allemands pour mériter les carottes. Sur le thème, la France a commencé à faire toutes les reformes qui permettraient de libérer l’entreprise.

La plupart des chefs d’entreprises françaises se réjouissent de voir et d’entendre le numéro de duettiste Valls-Macron à la gloire de l’économie de marché et de l’entrepreneur. On connait le refrain (je vous aime...). Le numéro est très au point, C’est Macron qui monte en général en première ligne pour déchirer à peu près tous les jours une page du programme socialiste. Alors on ne sait pas si on le laissera tout faire mais en attendant on sait que la vie des entreprises sera simplifiée , que le droit du travail sera allégé, que les professions à rentes de situation seront dynamitées (les pharmaciens, les notaires etc.) que le risque doit être récompensé financièrement mais pas avec des retraites chapeau, ou alors pas trop grosses (sur ce point il s’est en peu pris les pieds dans le tapis, mais passons, il croyait que Gérard Mestrallet celui par lequel ce dossier est ressorti allait craquer, mais c’était mal le connaitre, Gerda Mestrallet est trop bon cavalier pour se faire désarçonner par un ministre, fut il inspecteur des finances).

Apres les retraites chapeau, Emmanuel Macron brise le tabou du travail le dimanche (c’est comme si c’était fait) puis affirme assouplir les 35 heures. Là il est gonflé.

Même Sarkozy ne l’avait pas fait. Il s’attaque là aux morceaux de la vraie croix du socialisme français. Le symbole des symboles et termine par remettre en cause les seuils sociaux, ce qui est antisyndical au possible mais répond aux vœux du patronat. Encore que si les patrons en parlent, beaucoup ne sont pas mécontents qu’ils existent. Si les seuils sautent, il va falloir réaménager le syndicalisme et la représentation des salariés dans la petite et moyenne entreprise. Des soucis en perspective. Mais on est dans le symbole et le marqueur. Emmanuel Macron a sorti son cahier de réformes pour convaincre ses collègues que la France allait réformer et puisqu’elle réforme, il faut lui faire crédit. Le grand numéro de la réforme n’a qu'un seul objectif, convaincre qu'on sera dans les clous. Grand numéro d'illusionnistes. Tout le monde le sait. Les syndicats, sinon ils seraient  dans la rue.. la gauche parlementaire qui se dit que macron n’est pas du sérail et qu'il finira par se fatiguer ou fatiguera le président. Sa force à Macron c’est qu'il n’est pas élu. Donc le dimanche matin au marché de sa circonscription ou à la sortie de la messe,  il ne se fait pas "engueuler" par les électeurs  pour ce qu’il a dit dans la semaine. Quelle tranquillité d’esprit.

Dans la semaine encore, le monde des affaires va observer la Banque centrale européenne et Mario Draghi parce que là aussi, il va y avoir du spectacle.

Personne ne sait au juste si la BCE fera son QE c’est à dire un rachat massif d’actifs pour injecter des liquidités et faire grossir la taille de son bilan tout en freinant les risques de déflation. Le problème c’est que les chefs d’entreprise qui sont les premiers concernés (puisque c’est eux qui créent la valeur et les emplois) n’ont rien demandé. Des liquidités, il y en a partout. L’argent ne coûte plus rien et les banques n’auront pas à la fin de l’année atteint leurs objectifs d’encours de crédit faute de dossiers. Donc Mario Draghi est plutôt serein. Il parle, il fait plaisir, il fait lui aussi de la politique mais en réalité, on voit mal ce qu'on pourrait faire de plus à la BCE tant que les gouvernements de la zone euro n’auront pas le courage de prendre en charge le problème de croissance de manière collective et sur le terrain politique et non technique.
Le point où tout le petit monde de Francfort va manquer de s étouffer c est en analysant en détail l’étude qui sort actuellement sur le fonctionnement de la FED. La Réserve fédérale américaine a elle-même annoncé vendredi soir une évaluation de ses procédures et de sa politique pour répondre aux critiques qu'elle a reçu et qui ont entamé sa crédibilité. Pour retrouver cette crédibilité, la réserve fédérale fait son mea culpa..

D’abord elle reconnait qu'il y a des connivences et même des complaisances entre certains dirigeants de la FED et les grandes banques de New-York. Pour éviter d'éventuel procès, Goldmann Sachs, bénéficiaire de relations de proximité a licencié la semaine dernière deux de ses dirigeants accusés d’avoir bénéficié et relayé auprès de leurs clients des informations confidentielles provenant de la banque centrale.

Ensuite, la FED fait évaluer tout le système de surveillance des grandes banques américaines qui sont, semble-t-il, retombés dans les excès d’avant 2007 à l’époque des subprimes. La Réserve fédérale vient de reconnaitre sa responsabilité dans les agissements très risqués de JP Morgan qui a conduit à cette affaires de "la baleine de Londres" où les pertes auraient dépassées 6,2 milliards d’euros. C’est une ancienne employée de la Réserve fédérale qui est à l’origine de cette affaire.

Enfin, l’audit met en évidence l’impact direct de l’émission monétaire sur la hausse spéculative de Wall Street d’où le soutien à peine déguisé de l’ensemble de l’industrie financière américaine à la politique monétaire ultra généreuse. Les bonus ont gonflé, mais la crédibilité de la Banque centrale en a pris un coup.

Le comble dans cette affaire c’est que les auditeurs américains membres de la banque centrale recommandent de prendre exemple de la BCE, où les gendarmes font leur métier et ou la crédibilité auprès des acteurs de l’économie réelle est encore intacte.

Les chefs d’entreprise français ne se sont jamais plaints du système européen, y compris du niveau de l’euro. Ils se plaignent que l’europe politique soit si peu cohérente et solidaire.

Ce dont ils se plaignent, c'est de voir en Europe une classe politique qui a terni la réputation de la Commission en lui faisant porter la responsabilité de nos difficultés, alors que c'est cette même classe politique qui à le pouvoir de diriger la Commission, qu'il y a un Parlement élu démocratiquement, et qu'il suffirait de lui faire confiance. Ceci étant, les politiques n’ont jamais dit aux opinions publiques qu'ils étaient responsables eux-mêmes d’une situation délétère. Mais pourquoi se plaindre puisque c’est eux qui en sont à l'origine ?

Au lendemain de son élection a la présidence française en 1974, il y a presque 40 ans, Valery Giscard d’Estaing s’attaquait déjà à la mise en place d’une stabilité des changes, un serpent qui allait accoucher d’une monnaie unique : l’euro . Et quand on lui demandait :

"-Monsieur le Président, pourquoi commencer l’Europe par la monnaie ?"

"Pourquoi, tout simplement parce que la monnaie va nous obliger à prendre des décisions incontournables que des élus n’auraient jamais le courage de prendre, sinon ils se feraient battre aux élections. On pourra dire à la télévision que l’Europe nous impose des disciplines qui ne sont pas les nôtres."

Vingt ans plus tard quand Jacques Delors lance le chantier de l’euro, avec les allemands et le soutien de François Mitterrand et qu'on lui demandait..

-"Monsieur le président pourquoi commencer par la monnaie?"

-"Pourquoi disait jacques Delors, parce que la monnaie unique engendrera de fait une politique unique …"

Les deux hommes avaient raison, l’Europe n’aurait pas la puissance économique qu'elle a dans le monde sans l’euro, mais elle n’a toujours pas de pouvoir politique ce qui l’affaiblit considérablement. Surtout en pleine crise de mutation mondiale comme celle que nous traversons aujourd'hui.

Cette semaine, la France va se retrouver une fois de plus au pied du mur des réalités. Le spectacle serait drôle et intéressant si c’était un vrai spectacle mais c’est la réalité et l’avenir qui se jouent.

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