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Et si la politique à la japonaise était l'avenir de la politique française ?
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Convergence

Autrefois éloignées, les vies politiques française et japonaise sont en train de se rapprocher, marquées par une disparition de l'idéologie, une culture de la personnalisation et une grande volatilité des électeurs.

Toru  Yoshida

Toru Yoshida

Toru Yoshida est professeur associé à l'université d'Hokkaido (Japon).

Il est Docteur en sciences politiques, spécialiste de la vie politique française et japonaise.

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Le Japon et la France, bien que leurs culture et régime politique soient opposés, semblent partager de plus en plus la manière dont la politique est organisée, et montrent une étrange convergence. Cela indique bien l’état de la démocratie dans le monde actuel, mais aussi la pathologie que celle-ci représente.

Plusieurs facteurs poussent à cette tendance partagée. En premier lieu, la décomposition des électorats. Au Japon, depuis la fin d’une guerre de froide qui avait fortement structuré la vie politique et économique, les électorats ne se reconnaissent plus dans les partis politiques existants. En effet, les gens disant n’avoir aucun parti préféré sont devenus majoritaires au début des années 1990. Aujourd’hui, près de la moitié des électeurs affirme n’avoir aucune préférence partisane : ce sont des « votants flottants » qui changent leur comportement de vote à chaque élection. D’où l’instabilité politique que le pays connaît.

Par exemple, l’une des raisons du fréquent changement de Premier ministre dans les années récentes est l’extrême volatilité des majorités au Parlement : les électeurs « sanctionnent » le parti responsable à chaque scrutin national. Par conséquent, le Premier ministre est contraint à démissionner en contrepartie de réformes qui rassembleraient la plus grande majorité.  

France/Japon : vers une poussée populiste

La défiance envers la classe politique n’est pas si différente en France, le pays où la notion de « gauche » et de « droite » est née. De plus en plus d’électeurs ne reconnaissent plus dans ce clivage. D’après une enquête du CEVIPOF, même à 6 mois de l’élection présidentielle, 63% des français pensent que “les notions de droite et de gauche ne veulent plus rien dire” et 52% disent n’avoir confiance dans aucun des deux camps pour gouverner le pays.

Mais dans les deux pays, les citoyens attribuent de plus en plus l’importance à la politique, et admettent s’y intéresser davantage qu’auparavant. Et quand l’offre politique ne correspond pas à la demande, le centre de gravité politique se déplace vers une personnalisation du pouvoir, souvent accompagnée d'un phénomène populiste.

A l’issue de l’ère Koizumi (2001-2006), la classe politique et les médias japonais ont préféré une politique plus sobre. Mais cette tendance ne fait qu’irriter le peuple, de plus en plus en proie au sentiment de l’impuissance. Un sentiment que partageront sans doute les électeurs de Marine Le Pen (Front National) et de Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche), dont ils doutent de la capacité à gouverner le pays, mais pas de leur volonté de changer la donne.

Sur la scène japonaise, ce sont les préfets qui jouissent de cette aspiration populaire, car élus au suffrage universel, ils sont plus « sensibles » à l’état du peuple. C’est le cas de Toru Hashimoto, gouverneur d’Osaka qui, à la manière de Vladimir Poutine, s’est lancé ensuite dans la course à la mairie de la ville d’Osaka sur des thèmes de réforme inconséquents, mais attirant les électeurs défiants des grands partis.   

Roland Barthes décrivait le Japon comme un « Empire des signes », contraire d'un monde occidental où les choses et les lieux sont étouffés par les « sens » qu’ils représentent (souvenez-vous du magistral Lieux de Mémoirede Pierre Nora). Il décrivait l‘univers japonais comme sans idéologie et structure, mais avec plus d'instantanéité et de vivacité. Des traits de plus en plus marquants dans l’univers politique des deux mondes. Et si la politique japonaise était l’avenir de celle de la France ? 

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