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Quand les élections se jouent sur le terrain de l'émotion
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Opération Séduction

La présidentielle, on en connaît l'intrigue et les acteurs. Ce qu'on connaît toujours mal c'est la façon de capter le million de voix (pas plus) qui va décider du quinquennalisé. Et si tout était une question d'émotion ? Extraits de "De l'art de séduire l'électeur indécis" de Philippe-Joseph Salazar (1/2).

Philippe-Joseph Salazar

Philippe-Joseph Salazar

Philosophe, ancien élève de la rue d'Ulm, Philippe-Joseph Salazar est titulaire d'une distinguished chair de rhétorique à l'université du Cap (Afrique du Sud) et enseigne cette discipline dans le monde entier.

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Une campagne active des émotions. Dans les démocraties exotiques, ces émotions mènent au coup de poing à la tribune, à la rixe dans les salles de réunion, aux émeutes dans la rue : les émotions prennent le dessus. Une campagne présidentielle est donc, en creux, une émeute contenue, une rixe sublimée, un coup de poing devenu pointe verbale. Dans nos démocraties tempérées, une campagne électorale garde sa puissance sauvage d’explosion, mais transformée en énergie positive. Cette énergie, ce sont les passions que chaque candidat doit soulever, ou au moins évoquer, et arrimer à sa cause.

Hésiter à créer l’aversion, hésiter à stimuler le dégoût, croire que la peur de l’inconnu ou l’espoir placé dans l’inconnu sont des tactiques indignes, ce n’est pas reconnaître que la démocratie est le règne des passions instantanées qui dictent souvent le geste de voter.

La raison n’en est pas que la démocratie est irrationnelle alors que ne le serait pas, comme on le croyait jadis, la dictature du prolétariat (pour Marx le capitalisme et la démocratie sont des formes irrationnelles du politique) ; la raison en est que la démocratie admet l’intégralité de la personne humaine, raison et émotions à part égale – chose que les libéraux ont du mal à admettre, en particulier dans le domaine des choix collectifs, économiques et électoraux. La rhétorique considère qu’une passion, une émotion, un désir sont des agents décisifs du choix politique. Et qu’en conséquence

La promesse et la passion

Une campagne, grâce au projet d’une promesse, c’est à-dire comment une promesse nous projette dans l’avenir, nous fait vibrer et, grâce à cette chargeémotionnelle ou passionnée, fait que nous nousidentifions à la promesse.Comment donc formuler une promesse quiimpressionne ? En prenant en compte deux éléments :

1. Une promesse politique repose sur un scénario qui la rend crédible : on promet ce qui n’existe pas et on promet d’avoir, après l’élection, le même degré de volonté à mettre en œuvre la promesse qu’on avait à promettre.

Leçon : on promet en montrant que la promesse est faisable mais l’électorat doute que vous en ayez la volonté, le moment venu. Il faut que celui qui promet persuade aussi l’électorat qu’il aura, en plus, la volonté de tenir la promesse. Donc, dès maintenant, il convient de faire preuve de volontarisme. Comment ? En soignant votre performance et en jugeant de votre cote.

2. Une promesse est un montage de contrôle. Elle articule la force incontrôlable des événements (la cause qui provoque la promesse, par exemple sur le chômage des jeunes) et la force de persuasion dont on la dote et qui affirme qu’on pourra contrôler la situation. Quand on formule une promesse, il faut absolument lancer une solution qui suggère que la force des événements sera mise au pas, et qu’on peut donc maîtriser ce qui, jusqu’à présent, est resté incontrôlable.

Une promesse exprime le désir fondamental qu’a tout un chacun de contrôler ce qui échappe à nos capacités de compréhension. Celui ou celle qui promet en campagne agit sur une passion fondamentale : le désir de prendre en main le destin, de maîtriser le cours étonnant des événements. (…)

Seules les promesses motivantes qui attirent à soi les indécis (car, de nouveau, ceux qui votent pour vous, sauf gaffe majeure, voteront pour vous, mais ils ne suffisent jamais à vous donner l’avantage décisif) valent, comptent, agissent. Une promesse électorale décisive doit porter le débat sur un autre plan, elle doit être sans pitié pour l’adversaire, elle doit élever et rompre. Elle doit désigner l’ennemi. Elle est une tactique de combat, pas un article sur une liste de blanchisserie.

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Extrait de De l'art de séduire les indécis, Bourin Editeur (16 février 2012)

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