Prévisions économiques
PLF 2022 : La vérité sur les baisses d’impôt… quand elles ne s’accompagnent pas de baisse de dépenses
Le gouvernement se félicite d'avoir réduit la pression fiscale de près de 50 milliards sur tout le quinquennat. Dans le cadre du projet de loi de finances 2022, les baisses d’impôts devraient se poursuivre. Baisser les impôts sans baisser les dépenses publiques ne revient-il pas à simplement repousser les impôts à plus tard ?
Atlantico : Le gouvernement se félicite d'avoir baissé la pression fiscale de près de 50 milliards sur tout le quinquennat. Jean Castex ayant confirmé vouloir maintenir les baisses d’impôts en 2022. Est-ce effectivement le cas ? Toutes les catégories ont-elles été concernées ?
Philippe Crevel : Le plan de réduction qui avait été décidé à partir de la loi de finances 2018 suit son cours. Il y a eu un ajout, en cours de route, de la mesure sur les impôts de production. On peut donc dire que le Premier ministre a poursuivi ce plan en veillant à ce qu’il soit à peu près partagé entre les entreprises et les ménages. Il y a eu un effort sur l’impôt sur les sociétés, qui avait déjà commencé sous François Hollande, ainsi que des mesures plus favorables aux indépendants et aux petites et moyennes entreprises. Pour les ménages, il y a eu la suppression progressive de la taxe d’habitation, d’abord pour les ménages les plus modestes et qui sera étendue aux ménages dits aisés à partir de l’année prochaine. D’autre part, il y a eu toutes les mesures relatives à la fiscalité de l’épargne : le prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI). Il a fait par ailleurs diminuer l’impôt sur le revenu pour les classes moyennes basses après le mouvement des gilets jaunes. On peut donc dire que, concernant les mesures fiscales, la France a saupoudré entreprises et ménages. Baisser la TVA aurait été une mesure plus populaire.
Le gouvernement a-t-il raison de vouloir continuer sur cette lancée ? Procéder à des baisses d’impôts sans réduire les dépenses est-il réellement un choix économiquement judicieux ?
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Pour une fois qu’un engagement est tenu, il ne faut pas inciter à faire l’inverse. La France ayant un niveau de prélèvement obligatoire parmi les plus élevé au monde, toute baisse des prélèvements est quelque chose de positif. Mais évidemment, on s’interroge sur la pérennité de ces baisses et les conséquences que cela peut avoir sur l’équilibre des finances publiques. La diminution des prélèvements est nécessaire pour mobiliser l’économie française mais se pose évidemment la question sensible et jamais résolue du niveau de dépense publique et des prestations sociales.
Sur ce quinquennat, on cherche des économies. Emmanuel Macron avait pris quelques engagements sur la réduction des effectifs dans la fonction publique, sur la mise en place de critères d’efficacité, etc. En 2018, on l’a un peu oublié. Cela a été mis complètement de côté avec les gilets jaunes et évidemment avec la crise sanitaire, nul n’imagine qu’on ait pu faire des économies, bien au contraire. On le voit bien, le budget 2022, qui est un budget d’affichage, de campagne, est un budget dépensier avec des dépenses publiques assez fortes.
Baisser les impôts sans baisser les dépenses publiques ne revient-il pas à simplement repousser les impôts à plus tard ?
Le risque est évidemment qu’en 2023, on ait une énorme gueule de bois fiscale. Ce serait la pire des politiques pour la France. On sait que pour rétablir les comptes publics, mieux vaut faire des économies qu’augmenter les impôts. C’est plus efficace dans le temps et moins coûteux sur le plan de la croissance. Si en 2023, il faut passer par la curée fiscale on risque de connaître un automne voire un hiver économique dans le pays.
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Peut-on éviter cette situation ?
Il faudra à un moment ou un autre trancher dans le vif sur les dépenses. La France consomme plus de crédit budgétaire que ses partenaires en matière de retraite, de santé, de soutien aux entreprises, en faveur du logement, etc. avec une efficacité qui n’est pas toujours au rendez-vous en termes sociaux ou d’efficacité économique. Le problème est qu’entre les niches fiscales où il y a plus qu’un bouledogue pour les garder et les crédits budgétaires qui bénéficient à certains secteurs, cela fait une cinquantaine d'années que l’on a différé les arbitrages budgétaires douloureux.
Par facilité on a joué sur deux tableaux depuis 50 ans : la dette et les augmentations d’impôts. La conséquence est qu’au fur et à mesure, les prélèvements obligatoires sont devenus très élevés, anti-économiques et étouffants. De l’autre côté, notre dette, en cas de retournement des taux d’intérêts pourrait étrangler le pays. Et ce d’autant plus qu’on a un déficit de la balance des paiements courants.
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