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PLF 2022 : dépenses, absurdités et manque de respect des Français
©THOMAS SAMSON / AFP

Et ça continue

Alors que le ministre de l’Économie Bruno Le Maire vient de présenter officiellement le cinquième et dernier Projet de loi de finances du quinquennat Macron, nos différents médias nous rappelaient à juste titre qu’il faut remonter à l’année 2016 pour trouver un rapport du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) aussi ouvertement sévère pour les projections chiffrées du gouvernement en place. Voilà qui n’est pas peu dire !

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Si vous vous souvenez, en 2016, le Haut Conseil présidé à l’époque par Didier Migaud (PS) jugeait « improbables », « trop optimistes » voire même « irréalistes » les hypothèses mirifiques retenues par le duo Sapin Hollande pour le PLF 2017. Probablement avec quelques bonnes raisons, car quelques semaines plus tard, les sénateurs refusaientd’examiner le budget 2017 tant ils le trouvaient « insincère », confirmant ainsi les premières impressions peu amènes de Didier Migaud et ses collègues.

Les sénateurs pourraient fort bien se montrer tout aussi rétifs cette année car si l’on en croit les remarques formulées par le HCFP présidé depuis l’an dernier par Pierre Moscovici (PS), le PLF soumis à son examen par Bercy s’avère grossièrement « incomplet » :

« En effet, il n’intègre pas l’impact de mesures d’ampleur qui ont pourtant déjà été annoncées par le Gouvernement (grand plan d’investissement, revenu d’engagement notamment) » ce qui ne permet pas au Conseil « de rendre un avis pleinement éclairé sur les prévisions de finances publiques pour 2022 à l’intention du Parlement et des citoyens. » Notamment, « il n’est pas à ce stade en mesure de se prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit pour 2022 (-4,8 points de PIB). »

.
Rappelons que lors de sa sinistre allocution du 12 juillet dernier sur la mise en place du pass sanitaire, Emmanuel Macron a aussi persévéré à fond dans sa politique d’open bar via l’annonce d’un plan d’investissement de 20 à 30 milliards d’euros sur cinq ans dans la santé, les biotechnologies, les batteries et l’hydrogène pour « bâtir la France de 2030 » et celle d’un revenu d’engagement pour les jeunes sans emploi ni formation qui n’est pas encore bouclé mais pourrait coûter de 1 à 3 milliards d’euros par an selon le nombre de bénéficiaires. 

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Si le style littéraire du Haut Conseil vous semble incroyablement calme et courtois compte tenu de l’extraordinaire foutage de gueule auquel vient de se livrer le gouvernement en oubliant sciemment d’intégrer ces nouvelles dépenses dans son budget (avec l’idée de les faire adopter plus tard par voie d’amendement lors du débat au Parlement), sachez « qu’en privé », Pierre Moscovici n’a pas caché son mécontentement, allant jusqu’à qualifier le PLF « d’insincère » comme à la haute époque Sapin Hollande de 2016. 

De son côté, Bruno Le Maire se défend naturellement de toute entourloupe : « C’est un budget sincère, nous sommes des gestionnaires sérieux » a-t-il déclaré à la presse. À l’entendre, parler de politique du chéquier pré-électoral à propos des crédits supplémentaires pour la sécurité, pour Marseille, pour le dispositif MaPrimeRénov’, pour le chèque énergie, et que sais-je encore, serait un scandaleux procès d’intention adressé à un gouvernement qui ne jure que par le « sérieux budgétaire » dont Michel Sapin avait le secret en son temps ! (début de la vidéo ci-dessous) :

Résumé du point de vue du ministre : on avait toujours dit qu’on dépenserait plus et qu’on le ferait en deux temps ! Nous sommes donc rigoureux, sincères et fiables !

Objection, cher Monsieur : vous avez toujours dit, par exemple, que « la nouvelle prospérité française ne doit pas être bâtie sur la dépense et sur la dette, mais sur la croissance et le travail », responsabilité, rigueur, orthodoxie, blablabla. Sans jamais donner suite.

Traduction dans la réalité de notre situation de contribuables actuels ou futurs : le PLF 2022 continue à acter une folle dérive des dépenses publiquesqui dépasse largement le cadre du soutien « quoi qu’il en coûte » déployé pendant la pandémie(chômage partiel, fonds de solidarité, exonération de cotisations) ainsi que celui du plan de relance, comme le montre très clairement le graphique ci-dessous réalisé par le HCFP dans son rapport :

La partie en bleu foncé intitulée « autres dépenses » ne cesse de croître depuis 2019 indépendamment de la situation pandémique, sachant donc qu’il manque à la facture totale de 2022 deux postes importants qui pourraient atteindre ensemble 5 à 8 milliards d’euros par an suivant les périmètres et les bénéficiaires retenus.

De ce fait, le déficit public annoncé de façon « incomplète » à 4,8 % en 2022 après 8,4 % cette année comporte une part structurelle de 3,7 % (presque 80 % du déficit) qui ne signifie qu’une seule chose : la tendance à générer du déficit public indépendamment des éléments économiques conjoncturels est installée et durable.

Bruno Le Maire peut se vanter d’avoir baissé les impôts des particuliers et des entreprises de 50 milliards d’euros sur le quinquennat, ne pas oublier que parallèlement, il a fortement augmenté la CSG en début de mandat et ne pas oublier non plus que dans le contexte de déficit public que nous connaissons depuis 45 ans, une baisse de prélèvements sans baisse de dépenses n’est jamais qu’une promesse d’impôts différés.

Pas de quoi effrayer le ministre de l’Économie qui continue à se féliciter de la bonne tenue de l’économie en oubliant complètement de dire qu’il fait nager la France dans une euphorie obtenue à crédit. En fait, prétend-il :

« Nous avons dépensé l’argent des Français à bon escient. La situation économique est meilleure que prévue au niveau national : nous prévoyons 6 % de croissance en 2021, 4 % en 2022. L’efficacité de la relance nous a permis d’avoir un taux de chômage inférieur à celui d’avant-crise. »


Il n’empêche que les chiffres indiqués dans le PLF sont « incomplets » du côté des dépenses et qu’à ce titre ils ne signifient rien, si ce n’est une tromperie du gouvernement qui nous confirme que l’élection présidentielle approche : d’un côté le duo exécutif Macron Castex annonce partout de nouvelles distributions d’argent frais et de l’autre Bruno Le Maire se drape dans une parodie de rigueur budgétaire censée nous faire comprendre que vraiment, Macron à l’Élysée, c’est du sérieux !

Les voici quand même, récapitulés dans le tableau ci-dessous, en attendant de pouvoir comparer avec l’exécution effective qui sera faite ultérieurement :

Principales données de nos finances publiques(1)(2)et PLF 2022

Sources :Dépenses publiques – Prélèvements obligatoires – Déficits publics – Dette publique – Croissance – Inflation – PLF 2022
Mise à jour : 25 septembre 2021.
Unités : Habitants en millions – PIB en milliards d’euros courants – Dépenses publiques, prélèvements obligatoires, déficit public et dette publique en milliards d’euros courants et en % par rapport au PIB. 
Note* : 2021 est une estimation de fin d’année et 2022 une prévision. Les dépenses y sont indiquées hors crédit d’impôt, à rapprocher des montants 1 311 pour 2019 et 1 401 pour 2020 indiqués dans le schéma du HCFP reproduit ci-dessus. 

201220172019202020212022
Habitants65,766,867,067,4
Inflation2,0 %1,0 %1,1 %0,5 %1,5 %1,5 %
Croissance0,0 %2,3 %1,8 %-7,9 %6,0 %4,0 %
PIB (Mds €)2 0322 2972 4372 3032 4522 588
Dép. publ.1 1511 2921 3491 4231 469*1 439*
En % PIB57,1 %56,5 %55,4 %61,6 %59,9 %*55,6 %*
Pré. oblig.9131 0381 0601 025
En % PIB44,9 %45,1 %43,8 %44,5 %43,7 %43,5 %
Déf. Publ.-104,0-68,0-74,7-212,0
En % PIB-5,0 %-3,0 %-3,1 %-9,1 %-8,4 %-4,8 %
Dette pub.1 8332 2542 3762 649
En % PIB90,2 %98,2 %97,5 %115,1 %115,6 %114,0 %

Quand j’écris « comparer », je parle uniquement des quelques mauvais coucheurs qui ont le goût déplorable de s’alarmer du poids de plus en plus insoutenable de l’État et de la dette qui l’accompagne pour notre prospérité à tous.

Mais d’ici là, 2023, 2024, de l’eau aura coulé sous les ponts, l’élection aura eu lieu et je crains hélas que la double réforme de l’État et de l’État providence que certains candidats (pas les plus en vue, hélas) jugent aujourd’hui indispensable ne soit alors de l’histoire ancienne… Ça promet.


(1) Pour les définitions des principales grandeurs de nos comptes publics, on pourra se reporter à l’article : Budget 2016 : opérations de contes à comptes (17 sept. 2015). 

(2) L’INSEE révisant ses données en continu, j’ai également procédé à des révisions par rapport à mes tableaux antérieurs.

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