L’euthanasie des classes moyennes par l’impôt immobilier<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour certains, l'addition sera salée.
Pour certains, l'addition sera salée.
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Moins values

Le plan de rigueur de François Fillon, qui taxe notamment les hauts-revenus, vise également les plus-values immobilières. Les classes moyennes sont les premières concernées.

Ulrich Genisson

Ulrich Genisson

Ulrich Genisson est passionné par l'économie, le libéralisme, l'individu au sens noble et anime son blog http://ulrich.genisson.net/ . Il est influencé par  Rothbard, Ayn Rand,  Von Mises, Friedman ou encore Friedrich Hayek.

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24 Aout 2011, Paris, France. Le Premier Ministre, François Fillon, annonce un plan de rigueur, c'est-à-dire dans son langage socialiste : une hausse d’impôts. Bilan : 11 milliards d’euros de plus ponctionnés aux français. Sans concertation, sans aucun débat à l’assemblée du peuple (le Parlement et sa commission des Finances), sans vote, sans parution au Journal officiel, le Premier ministre d’une grande démocratie occidentale annonce avec effet immédiat le siphonage de 11 milliards d’euros à son peuple …

Je vais m’arrêter sur la mesure qui va rapporter le plus à l’Etat : la taxation des plus-values immobilières (hors résidence principale). Dans un pays où la pensée socialiste est aussi prégnante, peu de gens vont oser se plaindre d’être raquettés sur une plus-value immobilière… Je vais rentrer dans les détails un peu plus loin, mais parlons simple, je vais vous donner des exemples concrets pour simplifier la compréhension du sujet.
Jusqu’au 25/08/2011, les plus values immobilières étaient taxées à hauteur de 31.3% jusqu'à 5 ans de détention du bien, puis de 5 ans à 15 ans de détention un abattement de 10% par an était appliqué à cette taxation, et enfin à partir de 15 ans de détention l’impôt disparaissait.
Désormais, l’Etat Français taxera votre plus value à 31.3% (voire 32.6% dès fin septembre) et ce, quelque soit la date d’acquisition de votre bien,  même si c’était il y a 80 ans (déduction faite, quand même, de l’inflation).

Voici dans les faits ce que cela peut donner :

Jean-Pierre, 54 ans, ouvrier du bâtiment est propriétaire de sa petite maison en banlieue parisienne. Il possède une petite résidence secondaire en Creuse qu’il a achetée 300 000 francs en 1990. Il l’a restaurée de ses mains et y passe quelques semaines par an. Sa femme décédée récemment, il n’a plus gout à y aller. Il veut donc la vendre 160 000 euros. S’il l’avait vendue le 23/08/2011 il aurait payé 0 € d’impôts. S’il la vend le 26/08/2011, il paiera 29 977 € d’impôts sur la plus value et s’il la vend fin septembre il paiera 31 222 € d’impôts… Manifestement, Jean-Pierre est un gros capitaliste et l’Etat a donc bien raison de l’assommer. Surtout que Jean-Pierre avait l’intention, avec le fruit de cette vente,  d’installer sa fille Julie qui vient de se marier. Et bien Julie  devra se passer de 30 000 euros…

Marie-France, 38 ans est secrétaire de direction à Lille. Son entreprise déménage à Toulouse. Elle est propriétaire depuis 7 ans de son petit pavillon qu’elle a acheté 190 000 €. N’étant pas certaine de se plaire loin de ses racines, elle décide d’accepter sa mutation mais de louer un appartement à Toulouse, et de mettre en location son pavillon lillois. Finalement au bout d’un an, préférant la vie au soleil, elle décide de vendre sa maison pour acheter sur Toulouse.  Elle trouve un acquéreur à 280 000 €. Mais Marie-France apprend qu’elle va devoir payer des impôts car ce n’est désormais plus sa résidence principale. Si elle avait vendu son pavillon le 23/08/2011, elle aurait payé 16 779 € d’impôts. Si elle le vend le 26/08/2011, elle paiera 20 974€ et enfin si elle le vend fin septembre elle devra payer 21 845€ d’impôts. Marie-France est une grosse capitaliste vermoulue par l’argent, l’Etat français à raison de la taxer…. Marie-France va donc devoir emprunter plus pour acheter à Toulouse et combler les 5 000 Euros d’impôts supplémentaires que l’état va lui prendre, car pendant ce temps la, le marché immobilier ne l’a pas attendue, il continue de monter. L’Etat lui a donc amputé une partie de son pouvoir d’achat.

Marcel, 84 ans, est retraité et propriétaire de la maison qui l’a vu naitre. Ancien agriculteur, il perçoit 500 euros de retraite mensuelle. Il ne possède rien, hormis sa maison en délabre (qui a bien besoin de travaux pour pouvoir l’abriter jusqu'à la fin de sa vie), et un petit jardin à la sortie de son village. Ce petit jardin de 950m² est désormais constructible grâce à la récente reforme de l’urbanisme en vigueur dans son village. Ce petit jardin, Marcel l’a obtenu par héritage, à la mort de son père il y a maintenant 50 ans… il a été estimé 500 francs (à l’époque des anciens francs). Il est désormais proposé à la vente 100 000 euros. Si Marcel avait vendu son terrain le 23/08/2011 il aurait payé 0€ d’impôts. S’il le vend le 26/08/2011, il va payer 31 277€ d’impôts. S’il le vend fin septembre, il va payer 32 576€ d’impôts. Une alternative que cet État de droit offre à Marcel : donner son terrain à son fils unique sans droit de succession avec une valeur de 100 000€. Son fils pourra alors le revendre 100 000€ euros, sans payer le moindre impôt. Et Marcel pourra aller en maison de retraite, que la collectivité paiera pour lui, car Marcel n’a qu’une petite retraite.

Pour finir, le cas de Gérard. De profession libérale, il détient une belle maison, un appartement à la mer, et 4 appartements dans une résidence qu’il a achetés, il y a 20 ans, pour préparer sa retraite qui, il le sait, sera maigre. Après quelques soucis de mauvais payeurs ainsi qu’une dégradation du quartier, Gérard souhaite mettre à la vente ses 4 appartements, achetés chacun 600 000 francs en 1991, à 300 000€ l’unité. Si Gérard avait vendu le 23/08/2011, il aurait payé 0€ d’impôts. S’il vend le 26/08/2011, Gérard va payer 219 763€ d’impôts, mais que Gérard se dépêche car sinon fin septembre ce sera 228 891€… A moins qu’ulcéré d’avoir donné autant d’argent pendant toute sa vie à un Etat peu reconnaissant, il choisisse de partir vivre en Italie ou en Espagne. Dans ce cas, sa plus-value ne sera plus taxée qu’à hauteur de 133 402€….

Tous ces exemples dans quel but ? Tout simplement pour prouver concrètement que cette nouvelle réglementation fiscale est à la fois, absurde, inefficace, injuste, démagogique et contre-productive, je m’explique.

Absurde : Mettez vous dans la peau de Gérard, de Marcel, de Marie-France et de Jean-Pierre. Qu’allez-vous faire face à cet impot absolument imprévu ? Il n’y a pas besoin de réfléchir longtemps : soit vous allez demander du liquide lors de la transaction (donc augmenter de la fraude fiscale), soit vous allez augmenter votre prix de vente (pour combler en partie le manque à gagner dû à cet impôt), soit vous allez quitter la France pour réduire plus significativement cet impôt et sortir de cet État qui vous ponctionne toujours plus vos revenus et votre patrimoine…

Injuste : Contrairement à ce qui a été annoncé par le Premier Ministre, cette taxe ne touche pas les plus hauts patrimoines, car des individus qui détiennent de l’immobilier en grand nombre ou de grandes valeurs ne le détiennent pas directement mais par l’intermédiaire de sociétés pour lesquelles les règles fiscales différent… Donc c’est bien les petits, la classe moyenne, la classe besogneuse qui travaille, économise et se tait, qui est touchée !

Inefficace : L’Etat décide de taxer les plus-values immobilières pour faire quoi ? Acheter des terrains et construire des logements sociaux ? Non, non, juste combler avec 2.2 milliards d’euros escomptés sur un plan de 11 milliards d’euros, une partie des plus de 100 milliards d’euros de déficit annuel.

Démagogique : Un Etat qui, dans la même semaine, annonce une taxation exorbitante de la plus-value immobilière, annonce la réduction de son train de vie en ponctionnant 11 milliards de plus aux Français, annonce lutter contre le mal logement des étudiants, tout ça en nous faisant croire que l’on taxe les 1% des Français les plus riches pour redistribuer à tous les autres, qu’est ce d’autre si ce n’est de la démagogie ? De l’irresponsabilité ? Oui ! Aussi !

Contre-productive : L’Etat est responsable de la hausse de l’immobilier en France, par des restrictions foncières. Il organise la pénurie de terrains à bâtir (POS-PLU, Schéma Directeur, SRU), pour faire grimper le prix du foncier et ainsi maintenir l’immobilier à un niveau élevé. Pourquoi ? C’est très simple, toute la fiscalité locale est assise sur cette valeur immobilière. Vous faites chuter le prix de l’immobilier de 50% et les régions, cantons et municipalités seront ruinées…. Je ne parle même pas des autres taxes telles que les droits de mutation, les droits de succession, etc. L’Etat n’a pas d’autre choix que de maintenir cette valeur de l’immobilier. De plus, depuis deux décennies le gouvernement encourage, par divers avantages fiscaux, l’investissement dans l’immobilier locatif pour combler un déficit chronique de logements (Scellier, Borloo, De Robien, etc.). La taxe sur les plus-values qui vient d’être votée est simplement le remboursement des avantages qui ont été donnés. Or, comment maintenant ce même Etat va t-il encourager des contribuables à investir dans un secteur présentant une insécurité fiscale totale ? La confiance que demande ce type d’investissement à long terme, est totalement rompue…

Cette mesure fiscale va entrainer :

    - L’évasion fiscale des plus fortunés  qui seront fortement encouragés à quitter la France pour amoindrir l’impact de cette réforme.

    - Une organisation précoce des successions  pour ne jamais lever la plus-value même si les français doivent pour cela payer des droits de succession qui seront toujours moins confiscatoires que ce nouvel impôt.

    - Le paiement d’une partie des transactions immobilières en espèces même si les Français doivent pour cela prendre de gros risques avec le Fisc et avec des acheteurs indélicats.

    - L’augmentation des prix de vente pour répercuter ce nouvel impôt sur l’acheteur.

    - De gros problèmes financiers, pour les quelques particuliers, qui sont déjà engagés auprès d’agences immobilières via des mandats sur un prix de vente qui, au final, va se retrouver amputé par des impôts votés du jour au lendemain et à effet immédiat. Quand vous avez souscrit un crédit relais de 300 000 euros et qu’au final on vient vous prélever  30 000 euros et que vous n’avez pas pu l’anticiper, cela fait un trou.

Le bilan sera le suivant :

    - Hausse continue du marché de l’immobilier en France.

    - Augmentation des durées d’emprunt pour les acquéreurs.

    - Blocage du marché immobilier, avec une raréfaction des transactions.

    - Baisse des mises en chantier due à l’augmentation des prix du foncier et à la diminution des investissements locatifs (-60 000 logements / an prévus par le secteur)

- Licenciements dans le secteur du bâtiment (estimés à 60 000)

- Baisse de la collecte de la TVA dans l’immobilier neuf (déjà chiffrée à 2 milliards d‘euros).

- L’impossibilité pour les primo-accédants de suivre le mouvement : les transactions immobilières se feront, de plus en plus, entre propriétaires excluant ces primo-accédants.

Non seulement, cette mesure est injuste et inefficace, comme je l’ai démontré, mais elle va surtout produire des effets indésirables qui vont couter, au final, plus cher qu’une absence de réforme…




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