Plan anti-racisme européen : mais pourquoi l’UE continue-t-elle à importer la vision raciale américaine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Si l’UE devient un vecteur d’auto-dénigrement, une organisation totalement déconnectée de son héritage historique, de ses racines, au point de le nier (...) alors à quoi bon l’appeler « européenne » ?", s'interroge Rodrigo Ballester.
"Si l’UE devient un vecteur d’auto-dénigrement, une organisation totalement déconnectée de son héritage historique, de ses racines, au point de le nier (...) alors à quoi bon l’appeler « européenne » ?", s'interroge Rodrigo Ballester.
©FREDERICK FLORIN / POOL / AFP

Haine de soi

Dans une vidéo publiée sur X, Helena Dalli, la commissaire européenne en charge de l'égalité, accuse l'Europe d'être historiquement raciste et de ne pas parvenir à s'en défaire.

Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester dirige le Centre d’Etudes Européennes du Mathias Corvinus Collegium (MCC) à Budapest. Ancien fonctionnaire européen issu du Collège d’Europe, il a notamment été membre de cabinet du Commissaire à l’Éducation et à la Culture de 2014 à 2019. Il a enseigné à Sciences-Po Paris (Campus de Dijon) de 2008 à 2022. Twitter : @rodballester 



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Atlantico : Dans une vidéo publiée sur X, Helena Dalli, la commissaire européenne en charge de l'égalité, accuse l'Europe d'être historiquement raciste et de ne pas parvenir à s'en défaire. Comment accueillir ce propos ? Les autres nations ne sont pas racistes ? Seuls les blancs / les européens sont racistes ? 

Rodrigo Ballester : Ces inepties ne peuvent être accueillies qu’avec agacement et consternation tellement elles relèvent de l’idéologie la plus sectaire et de l’ignorance la plus crasse. C’est affligeant d’entendre une responsable européenne de premier rang se ridiculiser à ce point et étaler sans vergogne sa bêtise sur un air vertueux et auto-satisfait. En quatre minutes, Dalli récite tous les poncifs de la doxa et de la méthode woke sans sourciller, avec une naturalité déconcertante, sans aucun fait, aucun chiffre à l’appui et en tirant des conclusions catastrophiques de chiffres tronqués. Dalli connait-elle la traite arabo-musulmane, ou intra-africaine ? Pourquoi ne rappelle-t-elle pas que les occidentaux furent les premiers à abolir cette réalité universelle appelée esclavage ?

Hélas, ceci n’est pas un dérapage ni un lapsus, Dalli n’en est pas à son premier fait d’armes. Elle s’était déjà fait remarquer, prise la main dans le sac, par un guide de communication interne tout aussi grotesque que sectaire opportunément filtré. Et les textes qu’elle a portés pendant son mandat, et adoptés par la Commission, sont dans la même ligne : le plan d’action de la Commission contre le racisme de 2020 ressemble à un manifeste « Black Lives Matter », reprend les thèses du racisme structurel de l’Occident, du « biais inconscient » (une fumisterie intellectuelle !) des blancs et de l’intersectionnalité. Elle préconise même des formations obligatoires sur ce soi-disant biais pour les responsables des ressources humaines !  La stratégie sur les minorités sexuelles, qui fait la part belle à l’idéologie trans et de genre, est tout aussi sectaire et délirante: elle parle ouvertement de « genre assigné à la naissance » et, encore plus grave, promeut « l’autodetermination de genre sans restrictions d’âge ». Quand on sait que ces slogans cachent une réalité de mutilation et de castrations chimiques sur des mineurs, ces inepties font frémir ! Comment sont-elles devenues des politiques officielles de l’UE ? C’est stupéfiant. 

Et oui, pour répondre à votre question, le culte woke reprend la rengaine vieille comme le monde du bouc émissaire, sauf que cette fois-ci, il l’applique à lui-même. Cette idéologie repose sur une haine de soi hystérique qui échappe à toute cohérence, à toute analyse historique et qui est en plus d’un narcissisme obscène : les blancs, et les blancs seuls sont coupables de tous les maux de la terre, y compris, pour certains, du changement climatique ! Alors, on en rit, mais en attendant, ces inepties sont devenues des lois notamment en Ecosse, en Irlande, au Canada ou en Californie et le rouleau compresseur woke intersectionnel avance, s’impose et menace les libertés publiques dans tout le monde occidental avec de plus en plus de violence et de fureur. L’antisémitisme dévoyé de certaines manifestations où ondoient les drapeaux trans et ceux de l’Etat islamique n’en sont que le dernier exemple.

Helena Dalli met en avant le plan d'action de l'Europe contre le racisme comme l'engagement "en faveur d'une Europe diversifiée et égalitaire, confrontée à notre passé colonial et construisant un avenir sans discrimination". Est-ce à l'Europe de gérer ce problème ? 

Et bien, juridiquement, cela se discute. L’UE a-t-elle un mandat pour « décoloniser » l’Europe ? Non, mais elle a des compétences juridiques en matière de non-discrimination (principe repris à l’article 2 du Traité), des directives précises en la matière et même un mécanisme de conditionnalité financière qui lie directement les fonds européens au respect de l’état de droit qui, lui-même, comprend… le principe de non-discrimination interprété comme nous le savons à Bruxelles. Il y a donc une possibilité réelle de conditionner les fonds européens à la mise en œuvre d’un agenda idéologique même dans des matières échappant aux compétences de l’UE. Exemple ? L’une des raisons pour laquelle les fonds européens dus à la Hongrie sont gelées est la loi hongroise sur la protection des mineurs qui proscrit toute propagande sexuelle (notamment le genre et l’homosexualité) pour les mineurs. L’éducation sexuelle des mineurs n’est évidemment pas une compétence de l’UE, pourtant, ce mécanisme et la notion flou et passe-partout d'« Etat de droit » lui permettent de contourner les compétences nationales et d’imposer une vision très idéologique à coups de milliards. 

Ce discours victimaire se déroule aussi aux Etats-Unis. Interrogés récemment par une députée, les Présidents des prestigieuses écoles de Harvard et du MIT ont refusé de condamner ceux qui appellent au génocide des juifs. Selon eux, "ça dépend du contexte". Une partie des élites a-t-elle perdu la tête ? Comment expliquer ce discours surréaliste ? 

Concrètement, dans ces déclarations, les présidentes de trois universités affirment que l’appel au génocide des juifs n’est pas systématiquement un harcèlement. L’une d’elle ajoute même « du moment qu’ils ne passent pas à l’acte » ! Délirant ! Mais qui a encore envie de payer 75 000 dollars par an pour s’abrutir de la sorte ?

Le wokisme est également un naufrage inédit et général des élites occidentales, le prêt-à-penser des castes urbaines privilégiées, et leur capitulation devant des inepties qui échappent à la moindre logique et une bouillie intellectuelle qu’ils ressassent sans se rendre compte des énormités qu’elles supposent. Cette vidéo est consternante, en effet, et démontre avec clarté l’emprise woke et diversitaire sur les élites occidentales. Les universités ( des temples du savoir transformés en camps d’endoctrinement), mais également les multinationales, une majorité des médias, des gouvernements, des organisation internationales avec l’ONU en figure de proue. Un messianisme tout aussi simplet que fanatique basé sur des prémisses intellectuelles d’une pauvreté inouïe, une haine narcissique de soi-même et une envie maladive de tout déconstruire. Sauf, bien sûr, ces inepties qu’ils avalent et dégurgitent du soir au matin.

Autre vidéo choc, celle du directeur du Centre de recherches antiracistes de l'Université de Boston. Ibrahim X Kendi s'exprime lors de la projection de son film sur le racisme par Netflix. Selon lui, "la blanchitude empêche les Blancs de se connecter à l’Humanité". Est-ce du racisme ?

C’est tout d’abord une stupidité phénoménale et oui, c’est du racisme qui ferait se retourner Martin Luther King dans sa tombe. Lui, l’apôtre de la « colour blindness » dont le rêve était que personne ne juge l’autre à travers sa couleur de peau serait effaré devant cette obsession raciale qui atomise la société en fonction de la pigmentation. Selon un critère d’une bêtise et d’une dangerosité stupéfiante : les blancs sont intrinsèquement coupables, ils portent une sorte de péché originel qui est à la base de cette fumisterie délétère appelée « Critical Race Theory », un délire qui allait jusqu’à l’appel au meurtre contre les blancs (par le seul fait d’être blancs) et l’obligation imposée à des gamins d’école primaire de se repentir et s’excuser auprès des enfants noirs. Tout simplement abject et socialement toxique car cette idéologie réveille les tensions raciales de la façon la plus brutale possible. En Californie, par exemple, le gouvernement envisage d’indemniser les citoyens noirs à hauteur de 1.2 million de dollars pour le seul fait d’être noir !

Ibrahim X Kendi est l’un des papes de cette idéologie et en a fait son fonds de commerce de dizaine de millions de dollars. Ce qui interroge, c’est surtout la complaisance des élites par rapport à ses délires. Des idéologues fanatiques et fumeux comme Kendi ou sa compère Robin Di Angelo ( sociologue « blanche », papesse de la blanchitude qui affirmait être raciste depuis qu’elle était dans le ventre de sa mère !) sont encensés par ces élites déboussolées. Kendi a d’ailleurs fait l’objet d’une enquête après sa gestion calamiteuse et autoritaire du centre d’études anti-raciste qu’il dirige à l’Université de Boston sans pour autant se faire renvoyer. Les universités anglo-saxonnes se remettront-elles de leurs égarements ? Le débat est ouvert.

À l'image du discours de Helena Dalli, les européens peuvent-ils se permettre de suivre le même chemin ? L'histoire de l'Europe n'est pas celle des Etats-Unis. Doit-on importer la vision raciale américaine sur notre continent et dans nos institutions ? 

Tout d’abord, l’Europe ne devrait surtout pas faire un copier-coller de ces inepties délétères imposées de haut en bas par des élites lobotomisées ! Et bien entendu, elle devraient également éviter les raccourcis historiques sans aucun fondements ! La commissaire Dalli sait-elle que les populations noires européennes sont issues de la migration et absolument pas de l’esclavage ? Et comment parler de de racisme systémique dans les d’Europe Centrale et de l’Est qui, historiquement n’ont aucune lien avec l’Afrique, n’ont jamais eu de colonies ni de migration issue de ce continent ? C’est absolument ridicule. 

Surtout, cette vision relève de la haine de soi, de l’ « oekophobie » selon l’expression de Roger Scruton. D’où la question : que reste-il d’européen dans l’Union européenne ? La géographie, seulement ? Si l’UE devient un vecteur d’auto-dénigrement, une organisation totalement déconnectée de son héritage historique, de ses racines, au point de le nier, ou un marchepied vers une globalisation dans laquelle elle se fondera, alors à quoi bon l’appeler « européenne » ? L’Europe est avant tout une civilisation millénaire, pas une création récente basée sur des valeurs abstraites. Mais j’avoue ne pas savoir comment expliquer ces faits élémentaires à la commissaire Dalli. Je sèche.

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