©Capture d'écran Euronews
Engagez-vous qu'ils disaient
Piot Pavlenski : artiste, voyou, les deux ?
Le cas de cet artiste critique politique à l’origine du séisme Griveaux me semble particulièrement intéressant. Il nous confronte à la variabilité et à la fragilité de nos jugements en matière d'art.
Yves Michaud
Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.
Rétrospectivement, dans la tradition de l'histoire de l'art "moderne", la transgression est toujours bonne et l'on oublie volontiers qu'elle fut pour de bon provocatrice voire une
infraction pure et simple à la loi quand elle se produisit.
Je ne suis pas certain que l'éloge de l'acte surréaliste le plus simple par Breton dans le Second manifeste du surréalisme ("l'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule") serait aujourd'hui du goût de nos procureurs...
La plupart du temps, nos artistes "rangés" se livrent donc à des actions d'avant-garde "en zone démilitarisée", pour reprendre les mots de Harold Rosenberg. Il est plus confortable de
scotcher une banane au mur d'une foire d'art contemporain ou de photographier le Christ dans la pisse que de caricaturer Mahomet (n'est-ce pas MM. Cattelan et Serrano?). Acheté par Pinault, c'est quand même mieux qu'égorgé par Daesh !
Quand Pavlenski, fou, manipulé ou pathologique, se coud les lèvres contre Poutine, fait-il une action très différente de celles de Marina Abramovic, seule ou avec Ulay ? Et comme il
dénonce un politique autoritaire et étranger, c'est très bien.
Tout change quand il s'en prend à une personnalité politique de chez nous. On le range, comme Le Monde du 17 février par la plume de Raphaelle Bacqué, Ariane Chemin et Simon Piel, dans la catégorie des personnages "sans foi ni loi".
Le temps dira si on a effectivement affaire à un voyou ou à un artiste mais ne peut-on pas être les deux à la fois?
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