Pierre Liscia : "La mairie de Paris m’a accusé d’avoir menti, voilà pourtant la confirmation que des exhumations sauvages ont lieu"<!-- --> | Atlantico.fr
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Un cimetière, Illustration AFP
Un cimetière, Illustration AFP
©ANDRE DURAND / AFP

En parlant de décivilisation

Le cimetière de Pantin, explique l'élu Pierre Liscia, fait l'objet d'exhumations sauvages et est victime de pilleurs de tombes. L'élu a publié une première vidéo à ce sujet accusant la ville de Paris... Laquelle lui a depuis répondu, soutenant que tout avait eu lieu dans les règles. Mais de nouvelles images pourraient bien dire le contraire.

Pierre Liscia

Pierre Liscia

Pierre Liscia est porte-parole du mouvement Libres ! de Valérie Pécresse et auteur de La Honte (Albin Michel).

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Vous avez publié lundi une vidéo accusant la ville de procéder à des exhumations sauvages au cimetière de Pantin. Vendredi, une vidéo montrant ce qui semble être effectivement ce procédé a été rendue publique. Selon la ville de Paris, citée par Europe 1 : « L'exhumation a eu lieu dans les règles. Il s'agit d'os perdus, une fois l'exhumation terminée. Ils n’appartiennent pas au corps du défunt, et sont recueillis avec respect, puis envoyés à la crémation et dispersés. » Pourriez-vous vous être trompé ?

 J'ai vu ça, mais ils n’ont pas officiellement réagi en dehors de cette citation du journaliste d'Europe 1. Mais non, j'ai tous les éléments pour vous affirmer qu'il s'agit d'une exhumation sauvage. Cette vidéo a été tournée mardi au lendemain du démenti publié par la Ville de Paris et elle m’a été envoyée mercredi tard dans la soirée. Le temps de m’assurer que c’était bien au cimetière de Pantin, une exhumation sauvage, et plus largement de procéder à toutes les vérifications d’usage, la vidéo est sortie ce vendredi. Ce ne sont pas des os perdus, j’ai pu le confirmer avec deux fossoyeurs qui m’ont permis de décortiquer ce qu’on y voyait.

(Pour voir la vidéo, cliquer sur l'image)

J’ai vérifié le lieu et la date de la vidéo. J’ai pu voir les informations de la vidéo, sa localisation, sa date et son heure. Les informations de la vidéo montrent qu’elle date du mardi 23 à 9h28, allée des sycomores au cimetière de Pantin, division 50. Un journaliste de Factuel a constaté que l’endroit était effectivement le bon, et qu’il y avait eu des mouvements de terre assez frais. Cela laisse assez peu de doute sur l’authenticité des choses.

Comment être sûr qu’il s’agit bien d’une exhumation sauvage ?

D’abord, ça ne peut pas être des os perdus lors d'une préparation d'inhumation. En fait, quand y a des préparations d'inhumation, il arrive effectivement que l’on trouve des os anciens d’anciennes sépultures, mais il s'agit en général de petits os qui passent inaperçus à l’exhumation, pas de fémur de 30 cm. Il ne peut pas y avoir d’inhumation sur une terre qui n’est pas vierge de corps, c’est-à-dire qui n’a jamais accueilli de sépulture ou a été nettoyée par une exhumation. Le retrait du corps doit se faire à la main.

Par ailleurs, les agents de la ville de Paris, que l’on peut reconnaître sur la vidéo, ne font plus d’inhumation ou de préparation d’inhumations, ils ne font que des exhumations. Seuls les opérateurs privés s’occupent de ces préparations d’inhumation. Et on reconnait bien, sur la vidéo, la tenue des agents de la ville. les agents du privé ne sont pas habillés ainsi. La pelleteuse utilisée est un modèle Volvo identique à celles utilisées par la ville – avec une cabine.

De plus, on voit sur la vidéo le capitonnage d’un cercueil, c’est-à-dire le tissu sur lequel repose le corps du défunt, qui jonche le sol au premier plan. Le bois du cercueil se décompose après quelques années, ne laissant que le capitonnage. Et si on voit le capitonnage, c'est qu’ils sont bien en train d’exhumer le cercueil et que la pelleteuse l’a atteint. D'ailleurs, on distingue très clairement du tissu sur l'une des pelletées. Elle continue à creuser malgré la présence du corps, en déplaçant aussi des ossements.

Pour vous ce ne peut pas être un cas isolé ?

J'ai toutes les raisons de penser que c'est un phénomène bien plus systémique pour plusieurs raisons. J’ai exhumé des rapports de l'inspection générale avec des auditions d'agents qui datent de septembre 2022 où un agent parle d’exhumation à la pelleteuse. Il dit qu'il a peur des exhumations à la pelleteuse, que ce n’est pas conforme et que ça l’inquiète. De plus, Magali Notté, la conservatrice-adjointe du cimetière de Pantin, a dit que pour aller plus vite, ils utilisent des machines pour aller jusqu’au corps ce qui est strictement prohibé, tout comme le recours à des agents non assermentés. Ces deux documents de l’inspection générale de la Ville de Paris attestent que des exhumations illégales à la pelleteuse sont pratiquées par des agents municipaux au cimetière de Pantin. C'est accablant.

Tout comme la vidéo tournée mardi matin, au lendemain de ma publication initiale. J’étais certain que toute inhumation à la pelleteuse serait suspendue face à la polémique, mais ils ont continué dès le lendemain. C'est la raison pour laquelle on peut légitimement se poser la question de la nature systémique de ce procédé. Et je trouve la ville bien silencieuse depuis que j’ai rendu public les procès-verbaux.

La mairie de Paris vous accuse de fake news, peut-elle être de bonne foi ?

Ils auraient pu être de bonne foi si dès lundi, ou face aux documents de l'inspection générale, ils avaient pris acte de ces éléments et diligenté une enquête interne, etc. Le problème est qu’ils se sont enfoncés, enfermés dans leur mensonge. Et cette vidéo est la dernière preuve du manque de bonne foi de la ville.

La sagesse et la responsabilité devraient les conduire à essayer de faire la lumière sur ces éléments et rassurer les Parisiens qui, s'inquiètent légitimement de cette situation. Donc je ne comprends pas la position de la ville, je suppose qu’ils sont très embêtés. La situation est compliquée pour eux et la virulence de leur réaction à ma vidéo rend plus difficile pour eux de se dédire. C’est en tout cas l’analyse que j’en fait.

Et il a été question d'une plainte contre vous de la part de la mairie de Paris. Savez-vous s’il elle a été déposée ?

Moi, je n'ai pas reçu de notification de plainte. Je leur déconseillerais de le faire. Car si plainte il y a, ça signifie que la justice va mettre son nez dans les affaires des cimetières parisiens. Après tout, moi, c’est ce que je demande ! Donc grand bien leur fasse.

Quelle serait la meilleure procédure pour clarifier la situation ?

J’ai saisi le procureur de la République avec ces éléments que vous connaissez maintenant. J’estime avoir des éléments probants et même accablants sur la véracité de ces pratiques. Je n’en connais pas l’ampleur, mais je présume que ce soit récurrent. Ce qui est sûr c’est que ça existe. Pour cela, je saisis le procureur sur la base de l’article 40 de procédure pénale : « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République ». C’est à lui de prendre la suite et de juger de l’opportunité d’une enquête. J’espère qu’elle aura lieu et qu’on pourra comprendre l’entêtement de la ville à nier l’évidence. D’autant plus qu’ils m’ont insulté violemment, même si ça c’est le jeu.

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