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Petit portrait chinois du programme à venir d’Emmanuel Macron à travers les ombres portées de ceux qui le rallient
©Reuters

J’ai la super pêche !

L'équipe de campagne de l'ancien ministre des finances a annoncé aujourd'hui que le programme ne serait pas annoncé avant le mois de mars. Après la primaire de la gauche et la défaite de Manuel Valls de nombreuses personnalités rejoignent les rangs d'Emmanuel Macron. Cependant, la constance idéologique du projet de Macron de part ces ralliements est particulièrement instable.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Si Emmanuel Macron n'a pas encore dévoilé son programme aux français, quel est le "portrait chinois" que l'on pourrait dessiner, au regard des différentes personnalités qui ont pu rejoindre et soutenir l'ancien ministre des finances ?

Thomas PorcherVotre question est intéressante puisqu’elle rappelle qu’Emmanuel Macron n’a toujours pas présenté de programme mais qu’il bénéficie déjà de soutiens importants. En toute logique, cela devrait être l’inverse, un candidat présente d’abord un programme auquel des soutiens adhèrent. Mais pas pour Emmanuel Macron qui accumule des soutiens plus fortunés les uns que les autres. Certains noms sont sortis dans la presse, on peut citer Claude Bébéar, Marc Simoncini ou Pierre Berger. Pour vous donner un ordre de grandeur, la fortune moyenne de ces trois dirigeants est de plus de 160 millions d’euros. On ne peut qu’être surpris d’entendre ensuite, Emmanuel Macron se présenter comme un candidat « anti-système. »

A cela s’ajoute le soutien d’intellectuels comme Alain Minc ou Jacques Attali et un certain nombre de politiques ne trouvant plus de postes dans les partis traditionnels ou sentant le vent tourner dans leur formation politique. Pour tout ce petit monde, Emmanuel Macron est une garantie, la garantie que rien ne change.

Eric Verhaeghe : En fait, on dispose aujourd'hui de quelques éléments de cadrage, même si Macron ne s'est pas précipité pour les dévoiler. Lors de son voyage à Berlin, il a en effet expliqué qu'il respecterait les critères de Maastricht et qu'il entamerait des réformes conformes aux volontés allemandes. Donc... on sait que Macron se situera dans une logique budgétaire orthodoxe et réaliste. Il ne sera pas l'homme d'un grand plan d'investissement ni des débordements financiers. Alors, il peut promettre de dépenser quelques milliards par-ci ou quelques milliards par-là, il s'est au final engagé à respecter les règles européennes et ne devrait pas beaucoup en sortir. Ces points sont importants dans la mesure où, même sans programme économique, on voit bien que Macron a fixé un cadre sans fioriture qui rend vaines les promesses qu'il peut faire par ailleurs. Il est probable qu'il habille cette rigueur budgétaire par des mesures éparses, mais elle demeurera. Elle sera sans doute couplée à une logique de fiscalisation de la sécurité sociale, qui permettra une baisse relative de cotisations payées par les entreprises, au profit d'une hausse de la fiscalité directe sur les contribuables. Il faudra voir quelle progressivité cette hausse suivra. 

Dans quelle mesure les ralliements de personnes de bords politiques très différents créent une forme d’incohérence idéologique ? Le programme d’Emmanuel Macron peut-il satisfaire tous ceux qui le rejoignent ?

Thomas PorcherL’absence de projet est une tactique, elle permet à Emmanuel Macron de faire le caméléon. Emmanuel Macron se présente tantôt comme « sérieux » quand il dit qu’il faut baisser la dépense publique, puis « généreux » quand il prétend diviser les effectifs des classes par deux et, enfin, « keynésien » quand il veut augmenter l’investissement public. Peu importe qu’il soit difficile de faire tout cela en même temps, sans programme clair, pas besoin de chiffrage…

Le but d’Emmanuel Macron est clairement de rester flou. Cela arrange tout le monde, et surtout ses soutiens politiques qui, avec un programme, devraient se justifier devant telle ou telle proposition. Les politiques qui rallient Emmanuel Macron ne rallient pas un projet, ils s’assurent la possibilité d’obtenir ou de conserver un poste. Ceux qui ont quitté l’équipe de Manuel Valls pour rejoindre « En Marche » sont certainement ceux qui prévoyaient qu’ils n’auraient pas de débouchés avec Benoit Hamon. 

Eric Verhaeghe : Sur ce point, la promesse de Macron est essentiellement centrée sur lui et sur les postes qu'il peut distribuer un jour. Ceres, il chasse majoritairement sur les terres du centre, qu'il s'agisse du centre droit ou du centre gauche. Il chasse surtout sur les terres de l'élite, inquiète des grands nettoyages qui ont commencé ces dernières semaines. Les évictions de Juppé, de Sarkozy, de Hollande, sont un signe qui ne trompe pas. Il indique la fin d'un cycle politique et la tendance au renouvellement en profondeur qui se manifeste. Pour tous les hiérarques qui sont en place et qui craignent pour leur avenir, la candidature Macron est une aubaine. Elle leur demande peu de ralliement idéologique, peu d'engagement moral, et elle leur offre une espérance (trompeuse selon moi, mais comme une bouée de sauvetage). Que demander de plus?

Bien que Macron se veut le candidat en dehors du clivage politique classique, en quoi fait-il partie du système actuel ? De Pierre Gattaz, en passant par Alain Minc ou Pierre Bergé, quelle cohérence accorder à la rhétorique du candidat "hors système" ?

Thomas PorcherSe prétendre « hors système » est devenu une mode. Je pense que personne n’est dupe. Quelqu’un qui a fait l’ENA, a été haut-fonctionnaire, puis banquier tout en conservant sa place de fonctionnaire, conseiller à l’Elysée et ministre de l’économie sans être élu n’a rien d’un « anti-système ». Emmanuel Macron est entrée en politique par la grande porte, il n’a jamais distribué des tracts sur un marché. Il fait partie de ces élites qui se reconnaissent entre eux, s’entraident, prétendent savoir ce qui est bon pour les français sans pour autant en connaître le quotidien. 

Eric Verhaeghe : L'affirmation du hors système est évidemment une forfanterie, entre le comique de situation et le produit marketing. Macron est en lui-même l'incarnation du système et l'incarnation de tout ce que le système aime. Il est bien élevé, et le fait que Bergé se positionne parfaitement derrière lui n'ajoute qu'à cette incarnation d'une sorte d'idéal aristocratique. Il a tout pour plaire et il correspond à tous les stéréotypes de la classe dominante. Dans ces conditions, il ne peut faire illusion que dans les milieux bobos ou aisés, qui s'imaginent être antisystèmes parce qu'ils fument des joints ou détestent Donald Trump. En réalité, les "petites gens" qui détestent le système ne se reconnaîtront jamais dans les amis de Pierre Bergé. Ils préfèreront toujours le Front National. De ce point de vue, l'analyse très parisienne d'une émergence de Macron comme alternative me paraît fausse. Cette imposture devrait d'ailleurs éclater à mesure que les ralliements du Parti Socialiste s'accumuleront. Il sera de plus en plus difficile pour Macron de cacher qu'il est un homme du système, porté par le système.

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