Insécurité
Pensée magique contre l'insécurité : en marche vers une nouvelle déroute
En matière de sécurité, domaine fâcheusement médiéval, si étranger à la fluidité prônée par Wall Street et la City de Londres, sa double patrie spirituelle, notre président gouverne ainsi par le truchement de médias domestiqués, voués à répandre "la brume d'irréalité.
Xavier Raufer
Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date: La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers.
Naguère, l'admirable philosophe Clément Rosset observa que l'être humain éprouvait pour la froide réalité des choses une horreur d'autant plus viscérale qu'elle lui annonçait son propre trépas, fait que l'homme s'acharne à éluder. Cependant, concluait Rosset "Le réel est insupportable, mais irrémédiable".
En matière de sécurité, nous y voilà.
Car d'abord, l'horreur du réel est pire encore dans le monde numérique que dans celui, physique, d'où provient l'homme ; où il vit encore largement. Ensuite, tout cela s'aggrave tant et plus sous le magistère du président Macron, l'homme d'un grand oral perpétuel ; voué, comme le dit si bien Christophe Guilluy, à "opposer la complexité du monde", que saisissent les gens intelligents comme lui, "au simplisme des revendications" (du vulgum pecus.)
En matière de sécurité, domaine fâcheusement médiéval, si étranger à la fluidité prônée par Wall Street et la City de Londres, sa double patrie spirituelle, notre président gouverne ainsi par le truchement de médias domestiqués, voués à répandre "la brume d'irréalité - Guilluy, toujours - qu'il convient de diffuser dans des périodes où précisément, les réalités sociales deviennent trop visibles". "Brume d'irréalité" vaporisée par la médiasphère... Simagrées présidentielles pour "changer le regard" d'une plèbe furieuse de son sort... Mensonges répétés du ministère de l'Intérieur sur le réel criminel et l'efficacité de sa lutte anti crime et anti-drogue : la formule même d'un mélange détonant.
Bref arrêt sur les filouteries de l'Intérieur, selon le quotidien de Marseille, aux premières loges du barnum palliatif de MM Macron, Dupond-Moretti ; surtout, de l'actuel ministre de l'Intérieur (La Provence du 22/11/2022) "On sait la place Beauvau fort douée, quel qu'en soit l'occupant, pour tordre les statistiques de la délinquance ; cet art était même enseigné à l'ENA, etc.". Eh bien, les ex-"Premiers flics de France" peuvent être fiers de leur présent successeur.
Sauf qu'à un moment - en politique, c'est d'usage le pire - le réel revient affirmer sa nature irrémédiable. Cinéma marseillais, bras de chemise ou pas... Pilonnages ou non... Opérations place nette, XXL ou XXS... Le cinéma ne prend plus et la sentence du vulgum pecus tombe sous forme du pire sondage en peut-être trente ans, sur les affaires de sécurité :
(Odoxa-Fiducial Le Figaro, mars 2024) - Ces dernières années en France, diriez-vous que l'insécurité a augmenté ? Oui, 92% ; là-dessus, beaucoup augmenté ? Oui, 55%. Récemment, faites-vous plus ou moins confiance au gouvernement pour assurer la sécurité des Français en matière de délinquance, cambriolages et agressions ? Plutôt moins, 72%. Peu avant que M. Macron arrive aux affaires, au printemps 2017, ce taux de confiance était à 40%. Sept ans plus tard, il a dévissé de - 48%, tintamarre propagandiste ou pas.
Mais où l'Intérieur fait-il l'essentiel de son cinéma coup-de-poing-pilonnage-place nette ? Dans ces quartiers qualifiés de "sensibles" par les médias dociles - décodeur, des coupe-gorges. Dans ces quartiers, le barnum-Intérieur produit-il le moindre effet sur la population ? Non : seuls 16% des habitants s'y sentent en sécurité, sans doute les clans et familles élargies des bandits et trafiquants contrôlant les lieux ; tous les autres (83%), vivent dans la peur.
Mais à Marseille ? Voici trois semaines (quand s'écrivent ces lignes) le Président et ses ministres régaliens lançaient la mère de toutes les batailles antidrogues, une "méga Place Nette" ayant mobilisé autant de journalistes que de CRS - ce qui n'est pas peu dire. Pour la plupart, ces CRS sont encore sur place.
Or voici peu, un gang de Félix-Pyat (dans le 3°) incendie les voitures du commissariat local, petite taquinerie montrant aux keufs l'insondable mépris dans lesquels ces lascars les tiennent. Et dès le 30 mars, les fusillades reprenaient sur place, à Marseille 5e, : deux blessés graves "dans un secteur peu touché jusqu'alors". Peu touché ? Voici une claire manifestation de "l'effet de déplacement", réflexe viscéral et constant des bandits, comme l'enseigne la criminologie. Une discipline que la place Beauvau ferait bien de pratiquer, plutôt que de se cantonner aux relations publiques.
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