Patrice Romain : « De compromis en compromission, l’Ecole républicaine abandonne peu à peu toutes ses valeurs »<!-- --> | Atlantico.fr
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Patrice Romain publie "Requiem pour l'Education nationale - Un chef d'établissement dénonce : parents et professeurs doivent savoir !" aux éditions du Cherche Midi.
Patrice Romain publie "Requiem pour l'Education nationale - Un chef d'établissement dénonce : parents et professeurs doivent savoir !" aux éditions du Cherche Midi.
©MARTIN BUREAU / AFP

Entretien bonnes feuilles

Patrice Romain publie "Requiem pour l'Education nationale - Un chef d'établissement dénonce : parents et professeurs doivent savoir !" aux éditions du Cherche Midi. L'auteur dénonce un laxisme scandaleux et révèle des pratiques peu avouables. Dans cet entretien, il évoque les difficultés de l'Education nationale.

Patrice Romain

Patrice Romain

Instituteur, directeur d'école puis principal de collège, Patrice Romain a pris sa retraite fin 2020, désabusé par la gouvernance de "son" école publique. Il est l'auteur d'une dizaine de livres sur l'Éducation nationale, dont le best-seller Mots d'excuse. Son dernier ouvrage est  "Requiem pour l'Education nationale - Un chef d'établissement dénonce : parents et professeurs doivent savoir !" (2021) aux éditions du Cherche Midi.

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Atlantico : Vous publiez « Requiem pour l'Education nationale - Un chef d'établissement dénonce : parents et professeurs doivent savoir ! » aux éditions du Cherche-Midi. Vous dénoncez le laxisme et révélez des pratiques peu avouables au sein de l’Education nationale. Vous précisez que l’école de la République est une institution mise à mal. Vous dénoncez notamment le phénomène « pas de vague », les directives pernicieuses sur le plan pédagogique, l’effondrement du niveau (des élèves et des professeurs), la gestion humaine catastrophique, le manque de moyens, les statistiques truquées... Au regard de votre parcours et de votre expérience au sein de l’Education nationale (vous avez été instituteur, directeur d'école puis principal de collège) comment expliquer que nous en soyons arrivés là ?

Patrice Romain : C’est une évolution lente mais que je crains inéluctable : de compromis en compromission, sous la pression idéologique de démago-pédagogistes et le règne du « pas de vague », l’Ecole républicaine abandonne peu à peu toutes ses valeurs : respect, travail, récompense au mérite, etc. Elle a choisi la facilité en se laissant porter par le courant, alors qu’elle devrait au contraire être la garante de l’Instruction et de la culture. Rendez-vous compte : un inspecteur a reproché à un professeur d’avoir donné à étudier à ses élèves de 3e un texte de Victor Hugo au prétexte qu’il y avait trop de vocabulaire. Victor Hugo ! Le plus grand écrivain français ! Aujourd’hui, pour camoufler la baisse du niveau, on demande systématiquement aux professeurs de surnoter les élèves. Mais ces derniers ne sont pas dupes. Quelle confiance ont-ils alors dans notre Institution ?

Les réformes, l’action des Ministres ou le manque de courage politique sont-ils en cause ?

Evidemment ! Ce n’est pas avec des réformettes à l’obsolescence programmée qu’un ministre entre dans l’Histoire. Un grand ministre aurait le courage politique de demander un audit indépendant sur le fonctionnement interne de l’Education nationale (car notre institution a la particularité de s’auditer elle-même, ce qui fait que tout va toujours bien). Il le rendrait public et s’attellerait à réformer en profondeur en faisant passer l’intérêt supérieur de la nation avant les intérêts partisans de son camp politique.

Le système éducatif français est-il le terreau d'une révolte inéluctable ? Quelles sont les clés pour redresser l’Education nationale et redonner espoir au corps enseignant, aux parents et aux élèves ?

Notre Ecole n’a jamais été si inégalitaire. On met des moyens énormes pour « aider » des familles qui crachent sur notre système éducatif tandis que l’on ignore des bons élèves, potentiels futurs chirurgiens, ingénieurs, chercheurs, etc., qui souffrent au quotidien dans des classes où des voyous font la loi, tout cela parce que leurs parents n’osent pas élever la voix. La hiérarchie intermédiaire s’efforce de camoufler le malaise des professeurs qui, pour la plupart, donnent le maximum, bien souvent dans des conditions éprouvantes. Les culpabiliser est le meilleur moyen de les faire taire. Tant que l’on pipeautera les chiffres et que l’on se voilera la face, aucun progrès ne sera possible. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle d’admettre que le système, plombé par des décennies de démagogie, est un échec cuisant, tout remettre à plat et réformer en profondeur en écoutant les acteurs de terrain et non ceux qui vivent grassement sur le « mammouth » mais qui n’ont pas été face aux élèves depuis des lustres. Si on n’agit pas vite, je ne vois pas comment nous allons échapper au chaos…

Quels sont les motifs d’espoir pour le système éducatif français ?

Bien qu’optimiste de nature, je n’en vois guère. Seule une prise de conscience généralisée de la situation actuelle dramatique pourrait faire bouger les choses, car le ministre (quel qu’il soit), homme politique, y trouverait un intérêt électoral. Ce n’est pas gagné ! Je crains que nous n’allions (en tous cas, on en prend le chemin) vers deux systèmes éducatifs : un pour les « nantis », avec séjours à l’étranger pour apprendre les langues, cours particuliers et établissements d’élite, et un pour le gros de la troupe, qui tiendra plus de l’animation socioculturelle que de l’instruction. D’où, malheureusement, la « révolte inéluctable » dont je parle dans mon livre…

Au regard de l’actualité récente, de Conflans-Sainte-Honorine, à Trappes en passant par l’IEP de Grenoble, les enseignants sont de plus en plus menacés et semblent être devenus des cibles… Comment restaurer l’autorité, le statut et la fonction des enseignants au regard des nombreux exemples et de la réalité évoqués dans votre ouvrage ? 

L’Ecole n’est que le reflet de notre société. Cela fait des années que l’Education nationale prône la permissivité. Dans nos établissements, on apprend aux élèves que les adultes ont le devoir de respecter leurs droits, mais qu’eux ont le droit de ne pas respecter leurs devoirs. Pourquoi nos ados, une fois devenus citoyens, respecteraient-ils l’autorité ? On ne le leur a jamais appris ! La restauration de l’autorité du professeur ne passera que par un soutien indéfectible de la hiérarchie à ses subalternes et à un respect absolu de l’institution envers les enseignants… En contrepartie, il faut accepter que les professeurs qui ne sont pas dignes d’exercer ce noble métier soient rayés des cadres.

Par ailleurs, nous sommes dans un état de droit. Les lois sont claires. Notre République est-elle laïque ou pas ? Avons-nous droit à la liberté d’expression ou pas ? A-t-on le droit de jeter un nom en pâture à la vindicte populaire ou pas ? C’est  à la justice de notre pays de trancher. Mais, comme d’habitude, je crains que, toujours selon le principe du « pas de vague », on ne laisse courir. Donc que l’on donne un blanc-seing à ceux qui ont enfreint la loi pour recommencer. 

Retrouvez deux extraits de l'ouvrage, publiés sur Atlantico : 

Patrice Romain publie "Requiem pour l'Education nationale - Un chef d'établissement dénonce : parents et professeurs doivent savoir !", aux éditions du Cherche Midi

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