Passe sanitaire et vaccination : ces drôles de crise de foi qui bouleversent les piliers traditionnels de nos démocraties<!-- --> | Atlantico.fr
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Un contrôle de passe sanitaire dans un cinéma de Montpellier, le 29 juillet.
Un contrôle de passe sanitaire dans un cinéma de Montpellier, le 29 juillet.
©PASCAL GUYOT / AFP

Paradoxe ?

Étrangement, les catégories politiquement centristes et gagnantes de la mondialisation qui sont aussi les plus favorables au libre échange, aux flux migratoires ou au « libéralisme » culturel sont aussi les plus converties à l’obligation et aux restrictions en matière de Covid. Même lorsque la réalité scientifique ne soutient pas les décisions politiques…

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Selon les derniers sondages Odoxa et Ipsos, une majorité de Français est favorable à la vaccination obligatoire et au passe sanitaire. Dans le détail, on observe une forte disparité et une adhésion particulièrement forte chez les soutiens de LREM et de LR. Comment expliquer que ce soit parmi les courants politiques les plus au centre et libéraux que l’on retrouve cette adhésion ?

Maxime Tandonnet : Oui, mais le paradoxe n’est qu’apparent. Les sympathisants LR et LREM, partis qui se réclament du libéralisme approuvent dans leur ensemble les mesures de contrainte tandis que les mouvements étatistes et anti-systèmes ou les « sans partis » y sont les moins favorables. Il faut comprendre que nous vivons sous l’emprise d’une peur qui bouleverse les repères traditionnels. 66% des Français sont inquiets. Ils vivent la progression du « variant delta » comme l’attente d’un troisième cavalier de l’apocalypse. Cette peur est cultivée par le pouvoir politique, médiatique, médical, qui abonde dans le catastrophisme. La simple vérité, par exemple, que le tabac et l’alcool en ce moment tuent 7 fois plus que le covid19, est totalement inaudible. La peur, comme le montre Hobbes dans le Leviathan, écrase la liberté. Or, les catégories les plus apeurées sont justement les plus satisfaites et conservatrices, la bourgeoisie installée qui a tout à perdre. Pour reprendre un titre célèbre, nous vivons une grande peur des bien-pensants. La fracture sociale qui était déjà à l’œuvre dans la crise des Gilets Jaunes joue très fort dans le clivage actuel : 75% des cadres sont pour le « pass » sanitaire obligatoire contre 50% des employés et ouvriers. S’y ajoute une fracture générationnelle encore plus marquée : 76% des plus de 55 ans (vaccinés) y sont favorables pour seulement 47% des 18-34 ans (la plupart non vaccinés).  C’est une constante dans l’histoire de France, ceux qui se lèvent les premiers pour défendre la liberté même très minoritaires, sont en général les moins favorisés et les jeunes.

Faut-il voir dans ces prises de position, en France et en Europe, la manifestation de l’intérêt personnel de cette frange de la population qui, parce qu’elle ne craint pas ces mesures pour elle-même, ne voit pas de problème à les imposer globalement ?

Nous vivons une nouvelle guerre civile froide autour du covid 19. La France se déchire sur le conflit entre partisans des mesures contraignantes et adversaires. Les « bien-pensants » majoritaires et portés par la peur caricaturent violemment les défenseurs des libertés, minoritaires, en les traitant systématiquement « d’anti-vaccin » –  alors qu’ils se battent non pas contre le vaccin, mais pour la liberté – de complotistes et d’obscurantistes. Les réfractaires à la politique de contraintes dénoncent de leur côté une « dictature sanitaire ». Une fois de plus, la France montre son incapacité à se parler en dehors de l’invective et du conflit. La majorité bien-pensante fait naufrage dans l’égoïsme: sous l’effet de la terreur, elle se montre incapable d’essayer de comprendre la détresse authentique d’une minorité déstabilisée par ces mesures : restaurateurs condamnés sous la menace de lourdes sanctions à se transformer en gendarmes du « pass » sanitaire, ce qui est évidemment impossible et obère leur survie ; jeunes auxquels la vaccination a été interdite pendant des mois et soudain menacés de mort sociale pour n’être pas encore vaccinés ; personnes de santé fragile qui redoutent parfois avec de bonnes raisons les effets du vaccin. Rien n’est plus fascinant que le déchaînement de mépris de la majorité bien-pensante envers ces catégories qui font désormais office de bouc émissaires de l’épidémie, accusées – par un absurde paradoxe – de menacer la vie des « vaccinés » (protégés).  

Cet électorat censé incarner et défendre les valeurs de la démocratie est-il en train de devenir, d’une certaine mesure, le moins démocrate de l’échiquier politique ? 

La démocratie, comme la liberté, est la dernière préoccupation de la majorité bien-pensante qui est sous l’emprise de la peur. Terrorisée par le discours alarmiste du pouvoir politico-médical sur le variant delta, elle songe avant tout à sauver sa peau et c’est tout ce qui l’intéresse en ce moment. Pourtant, le mode d’exercice du pouvoir politique soulève de légitimes interrogations.  Il se caractérise par une personnalisation obsessionnelle autour d’une figure « providentielle » ultra-médiatisée qui assène périodiquement au pays des « annonces » en dehors de tout débat de société. Le prétendu état de « guerre », proclamé le 16 mars 2020 n’a fait qu’exacerber ce phénomène. De fait, le Parlement affaibli par un état d’urgence qui l’a dépouillé de sa compétence en matière de libertés publiques et le recours systématique aux ordonnances, est devenu une simple chambre d’enregistrement. Le suffrage universel dont il procède est mis entre parenthèses en tant que source de toute légitimité à définir les règles d’une société. D’où l’abstentionnisme massif. Le débat d’idées est en recul partout, étouffé par la soumission du Parlement et le conformisme assourdissant qui règne dans le monde intellectuel ou médiatique.  En s’effaçant, le débat d’idées laisse place à un climat d’incommunicabilité, de caricature et de mépris. Rarement dans la période récente, les Français ne se sont détestés autant qu’aujourd’hui. Le pouvoir politique est le premier responsable de cette tension qu’il ne cesse d’attiser par son exubérance alarmiste. L’opinion majoritaire, en ce moment anesthésiée par la peur, peut basculer très vite. La situation actuelle est terriblement volatile et explosive.

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