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Passation de pouvoir Hollande-Macron : comment le cérémonial actuel témoigne de la mise à mal de l’autorité du chef de l’Etat
©REUTERS/Philippe Wojazer

Ça se perd, ma bonne dame !

La confusion entre "puissance" et "autorité", ainsi que l'emprunt d'usages venus des Etats-Unis ont fragilisé l’exercice quotidien de la souveraineté, ce qu'illustre la cérémonie de passation de pouvoir du président de la République.

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot est l'auteur de Trônes en majesté, l’Autorité et son symbole (Édition du Cerf), et commissaire de l'exposition Trésors du Saint-Sépulcre. Présents des cours royales européennes qui fut présentée au château de Versailles jusqu’au 14 juillet 2013.

 

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Voici cinq ans, sans se prendre les pieds dans l’interminable tapis rouge déployé à travers la cour de l’Elysée, François Hollande gravissait les marches du palais présidentiel.

L’ancien secrétaire du Parti socialiste acceptait ainsi de se couler dans la stature de ses prédécesseurs qui, avant lui, sous les ors de la République, avaient su se montrer, cahin-caha, les plus ou moins dignes héritiers d’une tradition séculaire remontant malgré les heurs de l’Histoire à l’Ancien régime des Bourbons, et même au temps des Valois qui contribuèrent  à introduire en France l’usage de l’étiquette.

Sous la houlette de l’expérimenté chef du protocole du Palais, le "président normal" sut accomplir, devant les représentants de la nation, sa prestation sans pour autant recourir aux ressorts immémoriaux auxquels les hommes, sous toutes les latitudes et de tous temps, ont eu recours pour investir un nouveau titulaire de la fonction suprême.

En effet, s’exprimant debout derrière un pupitre plexiglas devant un aréopage assis devant lui, cédant ainsi à une mode tout droit venue des Etats-Unis, sans le savoir, le nouveau président  adoptait dans le meilleur des cas la position de l’orateur, toujours susceptible d’être rapidement éconduit, s’exprimant face aux notables siégeant au sein de la boulè athénienne, ou pire encore celle de l’accusé en présence de ses juges (accusé, levez-vous !).

En effet, depuis mai 68, nos plus hauts gouvernants ont cru pouvoir s’affranchir de l’enseignement professé par Aristote et Platon qui, dans l’exercice de la souveraineté, distinguent les notions de "puissance" et d’ "autorité".

Chaque jour, tout en déplorant la "perte de l’autorité" ou en invoquant "l’autorité qu’il serait nécessaire de restaurer", les commentateurs politiques entretiennent la même confusion fâcheuse. En voulant récuser tout ce qui pourrait apparaître comme un héritage du passé, en usant d’artifices démagogiques pour laisser penser fallacieusement que toutes les barrières entre gouvernants et gouvernés pourraient être enfin abaissées au nom des grands principes démocratiques, ils fragilisent l’exercice quotidien de la souveraineté.

L’élection au suffrage universel confère au chef d’Etat français le sceau de son autorité. Pour mieux exercer dans toute son étendue cette faculté singulière, le souverain peut avoir recours à l’exercice de la potestas dont il est également investi. Cette fonction régalienne est donc subordonnée à l’apanage précédent. Mais l’Histoire nous le montre trop souvent, la tentation est de renverser cet ordre de valeur. Les idéologues marxistes ou des officines de l’ultra gauche ont pu ainsi dénoncer l’ "autoritarisme", pour mieux museler l’autorité, et créer ainsi les conditions nécessaires à l’avènement escompté de la dictature du prolétariat.

Poursuivant leur démonstration, les Grecs ont dénoncé pareil penchant faisant des autocrates autant de colosses aux pieds d’argile. Tel le lutteur vainqueur dans l’arène, ils auront su renverser leurs adversaires et recevoir debout une couronne, prix de leur vaillant succès. Mais, c’est toujours d’un personnage assis, arbitre des jeux, qu’ils recevront leur distinction, avant qu’à leur tour ils ne chancèlent, abattus par un meilleur champion.

Quant au souverain qui sait régler avec autorité la "chose publique", ces mêmes Grecs nous le dépeignent assis, à la manière du magistrat, du pontife ou du maître d’école. Le souverain s’adresse à un auditoire tantôt assis, tantôt debout, non pas pour infliger le vain spectacle d’une supériorité mais pour faire mieux entrevoir la stabilité avec laquelle, dans l’assurance du lendemain, il sait prendre décisions et jugements.

L’exercice de la fonction nécessite aussi un dédoublement de la personne du titulaire : l’homme public et la personne privée.  Ainsi, le 11 juin 1775, malgré tous les efforts et les intrigues qui avaient pu être déployés pour la satisfaire, la reine Marie-Antoinette n’était qu’un spectateur secondaire du sacre de son mari. Donald Trump, quant à lui, a réuni autour de lui toute sa famille au jour de son investiture !

Il est vrai que les usages qui nous arrivent d’outre-Atlantique semblent entachés d’un puritanisme qui voudrait exiger du détenteur de la souveraineté d’atteindre aussi le faîte de la vertu. C’est oublier que si la Justice, qui s’exerce impartialement envers tous, est ordinairement représentée les yeux bandés (ce qui ne semble pas être l’avis des pourvoyeurs du "mur des cons"), l’arbitre doit, quant à lui, les garder grand ouverts pour réussir à mieux régler une partie tout en sachant aussi sonder en profondeur les reins et les cœurs.

Enfin, en recevant dimanche matin le grand collier de la Légion d’honneur, le nouveau président de la République deviendra également co-prince d’Andorre et chanoine honoraire du Latran. Si le déroulement de la cérémonie lui permet un instant de réflexion, il pourra peut-être songer qu’il ne représente qu’un maillon d’une longue chaîne qui plonge ses origines jusque dans l’ère mérovingienne pour arriver jusqu’à nous et, demain, se prolonger dans des générations à venir…, un comble pour un ancien candidat qui a mis son élan à renier "la culture française"… à moins qu’il ne sache à présent prendre le temps de s’asseoir !

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