Partage de la valeur : et Oxfam offrit une nouvelle preuve de son inculture économique <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Entre 2011 et 2017, "les versements aux actionnaires et les dépenses par salarié.e évoluent de manière conjointe" avant une "nette rupture" en 2018.
Entre 2011 et 2017, "les versements aux actionnaires et les dépenses par salarié.e évoluent de manière conjointe" avant une "nette rupture" en 2018.
©Pixabay

Mauvais calculs

Les grandes entreprises françaises ont privilégié davantage leurs actionnaires que leurs salariés dans la redistribution de la valeur ajoutée depuis 2018, selon l'ONG Oxfam, qui dénonce une "déconnexion", dans un rapport publié ce lundi.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

Voir la bio »

Atlantico : Les grandes entreprises françaises ont privilégié davantage leurs actionnaires que leurs salariés dans la redistribution de la valeur ajoutée depuis 2018, selon l'ONG Oxfam, qui dénonce une "déconnexion", dans un rapport publié ce lundi. Entre 2011 et 2017, "les versements aux actionnaires et les dépenses par salarié.e évoluent de manière conjointe" avant une "nette rupture" en 2018, souligne Oxfam dans cette étude sur "l'inflation des dividendes" des 100 plus grosses entreprises françaises cotées en Bourse. Quelle est la réalité du partage de la valeur ajoutée en France ? 

Philippe Crevel : En France, la valeur ajoutée se distingue par son parfum de stabilité à long terme, bénéficiant à la fois aux salariés et aux actionnaires. Contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, nous n'avons pas connu de véritables disparités dans le partage de la valeur ajoutée. En réalité, nous sommes davantage orientés vers un modèle de société qui favorise activement la solidarité. Cependant, il est important de souligner que sur une période donnée, Oxfam a signalé une légère décroissance en faveur des salariés. Il convient de noter que cette période a été marquée par la crise sanitaire, ce qui a entraîné des ajustements. Une analyse de ce genre ne peut être effectuée qu'à long terme et non à court terme. Si l'on examine les chiffres, on constate un décrochage aux États-Unis, phénomène nettement moins prononcé en Europe, notamment en France. En effet, dans notre pays, le partage de la valeur ajoutée s'effectue de manière relativement linéaire. Les salaires en France augmentent à peu près, voire plus rapidement que la productivité. Ainsi, contrairement aux États-Unis, les salaires n'ont pas progressé moins rapidement que la productivité, ce qui signifie que les actionnaires n'ont pas capté une grande part des gains de productivité au détriment des salariés. 

À Lire Aussi

« Montant net social » : cette nouvelle information figurera bientôt sur votre fiche de paie

En France, les gains de productivité ne sont pas exclusivement servis aux actionnaires, mais sont également bénéfiques aux salariés.

La France fait plutôt figure d’exception en matière d’évolution des salaires dans le PIB, c’est-à-dire dans le partage de la valeur ajoutée. Le produit intérieur brut correspond schématiquement à la somme des valeurs ajoutées du secteur public et privé. En effet, si la part des salaires dans le PIB est restée quasiment stable en France depuis environ 25 ans, elle a fortement diminué dans la plupart des pays développés, ainsi que dans la majorité des pays en développement.

Dans quelle mesure l’évolution des dividendes versés est-elle plus cyclique qu’on ne le croit ?

Cela est évidemment lié au cycle de croissance. Bien que lorsqu’on observe la courbe publiée par Oxfam, on constate une augmentation des dividendes au moment de la crise. En 2020, alors que les salaires étaient effectivement faibles et que les versements étaient moins fréquents, les pouvoirs publics ont pris en charge cette situation dans le cadre de la crise sanitaire. Les entreprises ont maintenu leurs bénéfices à ce moment-là, ce qui a entraîné un pic dans la répartition des dividendes. Cependant, si l'on considère une période moyenne, la tendance est relativement stable, bien qu'il y ait des périodes avec moins de dividendes où les investissements prennent une place plus importante, et inversement. Il existe donc des cycles économiques, et si l'on observe la situation de manière globale, on constate une certaine stabilité dans le temps.

Le propre graphique d’Oxfam montre que les dividendes en jaune fluctuent fortement, alors que la dépense moyenne par salarié en violet progresse régulièrement. Comment expliquer les conclusions d’OXFAM reprises par la presse si même leurs graphiques donnent l’inverse ?

Effectivement, il est important de souligner que cela n'est pas neutre. L'intervention d'Oxfam survient au moment où le Parlement discute de la loi sur le pouvoir d'achat, ce qui confère une connotation politique indéniable à leurs actions. Oxfam adopte une ligne de conduite engagée, étant fortement investi dans les questions de transition énergétique et soutenant l'idée que c'est aux entreprises de prendre en charge ce travail. Ainsi, il est clair qu'il y a un parti pris sur le sujet de leur part.

A quel point Oxfam est-il familier de ce genre de pratique privilégiant l’idéologie à la réalité économique ?

Que ce soit pour dénoncer la pauvreté ou souligner la responsabilité des entreprises dans le réchauffement climatique, leur campagne se concentre sur la lutte contre les inégalités fiscales en pointant du doigt les entreprises. Leur proposition consiste notamment à revenir à la politique de 2012 mise en place par François Hollande lorsqu'il était au pouvoir, en instaurant un complément forfaitaire unique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !