Paradoxe : la vente en ligne va-t-elle faire revenir les clients dans les magasins ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Paradoxe : la vente en ligne va-t-elle faire revenir les clients dans les magasins ?
©

Let's go to the mall !

Le détaillant américain Target, qui pratique la vente en ligne en plus de ses magasins, propose à ses "e-consommateurs" une sélection de produits en promotion à venir récupérer sur place. De son côté, Gap propose à ses clients de réserver en ligne des vêtements à venir essayer en magasin. Tout l'enjeu est de faire revenir les consommateurs dans leurs murs.

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle

Catherine Lejealle est docteur en sociologie et ingénieur télécom (ENST Bretagne). Elle est professeur à l'ISC Paris et co-fondatrice de la Chaire Digital BusinessSes domaines de recherche couvrent les usages des TIC (téléphone portable, Internet, médias sociaux…)

Elle a publié La télévision mobile personnelle : usages, contenus et nomadisme,  Les usages du jeu sur le téléphone portable : une mobilisation dynamique des formes de sociabilité  aux Editions L'Harmattan et J'arrête d'être hyperconnecté ! : 21 jours pour réussir sa détox digitale chez Eyrolles.

Voir la bio »

Atlantico : Consomme-t-on davantage dans un magasin que sur un site internet ? Le besoin de satisfaction est-il plus fort lorsqu'on parcourt des rayons ? Quelles différences de comportements observe-t-on chez les consommateurs dans ces deux cas de figure ?

Catherine Lejealle : Avec l’arrivée de canaux de vente et de communication digitaux, la plupart de nos achats se font en cross-canal ; c’est à dire que pour un même achat, le processus d’achat est fragmenté entre canaux physiques et digitaux. La recherche d’information se fait via les forums et les pages Facebook des marques tandis que l’achat réel se fait en magasin. Le parcours cross-canal peut également impliquer de sortir de l’univers de la marque en allant en magasin voir l’article puis sur des comparateurs de prix pour finir par acheter chez un "pure player" dont les coûts de logistique sont moindres, n’ayant pas de magasin à financer. Dans ce contexte, les "brick and mortar" (Entreprises ayant pignon sur rue, ndlr) multiplient les offres en ligne visant à faire revenir en magasin.

Pourquoi cette incitation à aller en magasin et à pratiquer du "Reach online and purchase offline" (ROPO) ? La réponse tient à la conjonction de deux facteurs. D’une part, la visite en magasin permet l’achat d’impulsion ; d’autre part, la valeur expériencielle de consommation est maximisée. L’expérience de consommation ne se limite pas à optimiser le temps et le coût, ce qu’un canal digital permet. Aller en magasin apporte un bénéfice social (on rencontre d’autres personnes), de reconnaissance individuelle (on est reconnu par les vendeurs et valorisé comme un expert ou un bon client) et aussi kinesthésique (on teste des produits, on s’immerge dans un environnement ludique et festif) où les cinq sens sont sollicités. Il suffit de penser à Abercrombie & Fitch ou à Nature et Découverte, dont les magasins sont de vraies sorties. Y aller constitue une vraie expérience sensorielle et un plaisir qui justifie qu’on attende comme pour une exposition à la mode.

Comment interpréter ces innovations ? Faut-il y voir une "victoire" relative du magasin (qui ferait consommer plus) sur la vente en ligne, ou au contraire l'émergence d'un modèle d'équilibre opérant une sorte de synthèse entre le réel et le virtuel ?

En se limitant à la vente en ligne, les "brick and mortar" perdent l’avantage de déployer un univers sensoriel et un territoire bien à eux qu’ils ont souvent mis des années et des millions à bâtir. En effet, si le consommateur se limite à acheter sur leur site sans aller en magasin, il risque de ne comparer que le prix sans se remémorer le plaisir qu’il a à y aller. De plus, le lien affectif avec la marque se banalise et s’appauvrit car ne peut reposer sur la sollicitation des sens comme en magasin. Aller en magasin signifie tester, toucher les produits, être immergé dans un univers aux couleurs de la marque.

Ces initiatives viennent s'ajouter à certaines qui existaient déjà, comme par exemple le "store pick up", qui consiste à passer commande par internet puis récupérer les produits en magasin. Les enseignes traditionnelles ont-elles encore de beaux jours devant elles?

Que réserve l’avenir ? On peut imaginer un découplage entre la commande en ligne, utilitaire et permettant de gagner du temps, et la visite en magasin, hissée au rang de balade et de sortie hédoniste et ludique. Le challenge pour les points de vente est d’arriver à renouveler l’envie de leur rendre visite parce qu’on se fera surprendre, on passera un bon moment, on pourra échanger autour d’un univers qu’on aime et découvrir les nouveautés. Comme un musée et ses expositions, un parc d’attraction ou un centre nautique, le point de vente doit sans cesse se renouveler pour faire partie des sorties plaisir seul, en famille ou entre amis. Et là on peut aussi imaginer l’intervention du mobile avec des parcours ludiques, des chasses au trésor en magasin, des jeux décorrelés de l’achat mais qui permettent de renouveler son adhésion à la marque.

Propos recueillis par Gilles Boutin

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !