Zone euro, souveraineté nationale, démocratie : l'impossible ménage à trois <!-- --> | Atlantico.fr
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Pour l'économiste Alexandre Delaigue, "Amplifier [l’intégration économique européenne] pour passer à la monnaie unique exige de soit renoncer à la souveraineté nationale, soit à la démocratie."
Pour l'économiste Alexandre Delaigue, "Amplifier [l’intégration économique européenne] pour passer à la monnaie unique exige de soit renoncer à la souveraineté nationale, soit à la démocratie."
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Trilemme

C'est le dilemme sur lequel bute la construction européenne depuis des années et que devrait intégrer tout nouveau traité européen : selon l'économiste américain Dani Rodrik, il est impossible de conjuguer ces trois objectifs politiques. Pour lui, l'Union européenne n'a pas d'autre option, à terme, que de trancher entre une plus grande intégration économique à travers sa monnaie unique et la souveraineté de chacun de ses Etats membres.

Pourquoi la faillite de la Grèce met-elle la zone euro dans tant de difficultés, alors que celle de la Californie ne semble que modérément embarrasser les Etats-Unis ? Dani Rodrik, professeur d’économie à l’université d’Harvard, propose une réponse intéressante. Une comparaison toute simple qui illustre parfaitement le dilemme dans lequel se trouve aujourd’hui empêtrée l’Europe : choisir entre une intégration économique poussée, symbolisée par la monnaie unique, des Etats-nations souverains et la démocratie.

Dans son dernier livre The Paradox of Globalization,  paru en mai 2011 chez Norton & Company mais pas encore traduit en français, il s’interroge pour les raisons pour lesquelles la mondialisation génère, depuis les années 1980, tant d’effets pervers.  Pour lui, la réponse est simple : les flux commerciaux et financiers ont été largement libéralisés, mais les pays ont continué d’agir chacun de son côté, en fonction de leurs intérêts économiques spécifiques.

L'absence d'union politique rend l'Europe plus vulnérable à la crise

Comme le résume le Washington Post, « le paradoxe, selon Rodrik, c’est que la mondialisation ne peut fonctionner pour tout le monde que si tous les pays obéissent aux mêmes règles, appliquées par un gouvernement technocratique mondial. Mais en réalité, la plupart des pays ne sont pas prêts à abandonner leur souveraineté, leurs institutions et leur liberté de contrôler leur économie selon leurs intérêts propres ». En d’autres termes, concilier intégration économique, démocratie et souveraineté nationale est impossible.

Revenons à la comparaison entre la Grèce et la Californie. Comme la Grèce et le reste de la zone euro, les Etats-Unis sont un Etat démocratique. Comme la Grèce et le reste de la zone euro, la Californie partage la même monnaie que les autres Etats américains. Pourquoi alors ses difficultés ne mettent pas les Etats-Unis dans la même situation que la zone euro ?

L’argument de Rodrik est simple : la Californie a abandonné une grande partie de sa souveraineté à l’Etat fédéral américain. Le reste du pays, la Fed en tête, est donc prêt à voler au secours de la Californie menacée de la faillite. A l’inverse, « l’inachèvement des institutions européennes laisse l’Europe particulièrement vulnérable face à la crise ». Car si tous les Etats poursuivent leur propre intérêt économique, aucun n’est prêt à consentir aux efforts nécessaires pour sauver la Grèce… et l’euro.

L'Europe devra choisir entre intégration économique, souveraineté nationale et démocratie

La zone euro se trouve donc face à un dilemme que résume bien l’économiste Alexandre Delaigue pour Libération : « Amplifier [l’intégration économique européenne] pour passer à la monnaie unique exige de soit renoncer à la souveraineté nationale, soit à la démocratie. Et l'Europe a choisi de ne pas choisir. La politique monétaire a été transférée à une instance technocratique, la Banque centrale européenne, sur laquelle ne s'exerce aucun contrôle démocratique. La politique budgétaire est, elle, restée le lieu de la souveraineté étatique et des choix démocratiques. La crise actuelle est l'expression de cette absence de choix ».

Une plus grande intégration économique demande des structures politiques plus développées et donc moins de marge de manœuvre pour les politiques nationales. Au contraire, le maintien de la souveraineté condamne à terme la monnaie unique. Si elle veut conserver l’euro, l’Europe n’a d’autre choix que celui du fédéralisme.

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