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Oui la pandémie vous ruine la silhouette et dégrade votre corps et voilà comment
©BERTRAND GUAY / AFP

Symptômes insoupçonnés

L’isolement, le stress ou le manque d’exercice physique liés à la pandémie de Coivd-19 et au couvre-feu ont-ils un impact sur notre corps ? Le confinement et la pandémie ont-ils joué un rôle sur notre manière de nous alimenter ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Après les symptômes de la CoVid-19, on a beaucoup parlé des conséquences sur notre corps du phénomène pandémique en général. L’isolement, le stress ou le manque d’exercice physique vont-ils jusqu’à nous faire souffrir physiquement ?

Stéphane Gayet : Le confinement est une méthode de gestion épidémique qui vient de la médecine vétérinaire. En effet, on a appris depuis des décennies à endiguer les épidémies frappant le bétail, en mettant rapidement en place un confinement des animaux malades ou possiblement malades. On sait bien sûr que le confinement sélectif d’un cheptel génère du stress et aggrave l’état de santé des animaux confinés.

L’application à la population humaine de cette méthode vétérinaire doit rester une méthode d’exception. Le premier confinement du mardi 17 mars au lundi 11 mai a de toute évidence été efficace, on ne peut le contester. Mais cette privation de liberté et d’activité a beaucoup d’effets délétères, c’est-à-dire néfastes à la santé.

« En mai, je voyais beaucoup plus de douleurs de la nuque et du haut du dos, souvent accompagnées de maux de tête, que ce n’était le cas auparavant », dit Jaspal Singh, médecin spécialiste de la douleur et de la réadaptation chez Weill Cornell Medicine à New York.

Au bureau, les gens travaillent habituellement de huit à neuf heures, mais maintenant, ils travaillent fréquemment de 10 à 12 heures à la maison, tout simplement parce qu'il n'y a plus de temps de trajet.

Natalia Ruiz, physiothérapeute au NYU Langone Orthopedic Center de New York, dit, à propos de ses patients : « Les attentes en matière de productivité ont augmenté du fait qu’ils travaillent à domicile. »

Les personnes qui sont subitement passées au travail à domicile ont été prises au dépourvu, n’ayant pas l'équipement ergonomique de base que l'on trouve dans de nombreux bureaux, tel que des chaises de bureau confortables et à hauteur réglable ainsi que des supports pour ordinateurs portables qui peuvent élever les écrans au niveau des yeux.

Pour celles et ceux qui vivent dans des logements exigus avec des enfants qui sont scolarisés à distance, ainsi que d'autres membres de la famille qui ont également besoin d'espace pour travailler, l’aménagement d'un mini-bureau personnel et ergonomique n'est tout simplement pas envisageable.

On constate des cas de syndrome du canal carpien (douleurs et gênes dans le poignet et les doigts), des tendinites des mains et des avant-bras et des cas de syndrome de compression cubitale (paralysie et gêne réversibles de l’avant-bras liées à une compression provoquée par une position fléchie et prolongée du coude).

Par ailleurs, lorsque l’on est confiné à domicile, on reçoit beaucoup de lumière artificielle et peu de lumière naturelle. La lumière émise par les ordinateurs et les téléphones mobiles est néfaste pour les yeux. À l’extérieur, on reçoit notamment plus de lumière bleue du soleil, qui est meilleure pour la santé (excepté le soir et surtout la nuit où il faut éviter la lumière bleue).

De plus, les personnes âgées ne se promènent plus et affaiblissent leurs membres inférieurs (hanches, cuisses, jambes et pieds). Mais elles ne sont pas les seules : beaucoup de gens ont fortement réduit leur exercice cette année, d’autant plus que les gymnases et les salles de sport ont fermé ; ils craignent de contracter la CoVid-19 dans les lieux d’exercice qui ont repris une certaine activité. Or, en ce qui concerne l’exercice physique, l’entraînement par le groupe joue un rôle stimulant qui est essentiel.

Pour revenir aux personnes les plus âgées, le confinement obligé, la sédentarité poussée à l’extrême, ont un effet encore plus néfaste que chez les personnes plus jeunes : une faiblesse musculaire, une diminution de la flexibilité des articulations et même une ankylose peuvent s’installer rapidement ; il en découle une élévation du risque de chute grave (grave parce que lorsque l’on est très faible, on ne parvient pas à amortir une chute).

Quels sont les symptômes insoupçonnés d’une désocialisation et d’un isolement imposés par la pandémie ?

Les personnes qui passent plus de temps à regarder les écrans ont constaté que leur vision en souffrait également : « Lorsque les gens regardent un écran toute la journée, ils ne clignent pas très souvent des yeux qui ont alors tendance à se dessécher », a déclaré Sunir Garg, médecin ophtalmologiste, porte-parole de la clinique de l'American academy of ophthalmology et professeur au Wills eye hospital de Philadelphie (États-Unis d’Amérique, Pennsylvanie). « Et lorsque les yeux sont un peu secs et irrités, cela peut rendre la vision floue. » Cela peut être aggravé si l’on passe son temps à l’intérieur avec un air sec (chauffage électrique à convecteurs classiques, climatisation inappropriée).

Par ailleurs, même pour les personnes qui passaient leurs journées de travail à l'intérieur et sur un ordinateur avant la pandémie, les habitudes quotidiennes de s’habiller, s’apprêter, de sortir, monter dans une voiture ou à bord d'un train, d'aller au travail, de rencontrer des collègues et d'interagir avec eux, de participer à une réunion ou deux, partager des pauses, les protégeaient probablement de tout un ensemble de troubles occasionnés par le confinement. Ces troubles concernent en particulier les caractéristiques de l’air, l’ambiance visuelle et toutes les dimensions et composantes du spectacle offert quotidiennement aux yeux et qui fait vraiment défaut quand on est enfermé chez soi.

Dans un autre domaine, le nombre de poussées d'eczéma sur les mains a augmenté pendant la pandémie, un phénomène que l'on pense être causé par un lavage des mains plus fréquent et l'utilisation plus fréquente de désinfectants pour les mains. D'autres problèmes dermatologiques ont augmenté au cours de la dernière année ; on pense qu’ils sont étroitement liés au mode de vie qui s’est dégradé, à la vie malsaine qui nous est imposée. La chute des cheveux est un signe physique (ce que l’on peut constater) courant de stress et de vie malsaine : une étude réalisée par deux hôpitaux de certains quartiers à faible revenu de New York – quartiers les plus durement touchés par la première vague de la pandémie - a objectivé une augmentation de 400 % de la perte de cheveux au cours de l’été 2020.

La dépression et l'anxiété, qui ont toutes les deux augmenté pendant la pandémie, sont d'énormes facteurs de risque cardiovasculaire, particulièrement chez les personnes de plus de 50 ans. Si l’on y ajoute la solitude et l'isolement social, le risque d'infarctus du myocarde et d'accident vasculaire cérébral peut augmenter jusqu'à 30 pour cent. Et l’on rapporte que certaines personnes auraient vécu dans une solitude pratiquement complète pendant des mois.

Est-ce que le confinement et la pandémie ont joué un rôle sur notre manière de nous alimenter ? Si oui, quel peut être l’impact sur notre corps ?

Notre mode de vie s’est réellement dégradé, plus que nous ne nous en sommes rendu compte. Les repas de midi qui sont pris en temps habituel dans un restaurant d’entreprise ont l’avantage de comporter une variété de mets qui sont conçus de façon diététique. À la maison, ce n’est plus du tout la même chose : le repas de midi est bien souvent, ni varié ni équilibré. En revanche, la tendance au grignotage à longueur de journée est fréquente, sans parler des boissons qui chez certains deviennent facilement trop sucrées ou excitantes.

En ce qui concerne l’approvisionnement en denrées alimentaires, il s’est modifié lui aussi. Les magasins ont connu des périodes où ils étaient insuffisamment approvisionnés en raison d’une ruée sur certaines denrées. Les contraintes dans les magasins d’alimentation liées aux règles d’hygiène, le fait de devoir faire face à une forte affluence aux heures praticables et sans doute un manque de motivation lié au contexte anxiogène, ont contribué au changement de nos habitudes d’achat ; sans parler des difficultés financières pour beaucoup de personnes.

Il résulte de tout ce bouleversement une ration alimentaire quotidienne qui est moins saine, moins diversifiée et équilibrée. Beaucoup de personnes ont pris du poids (c’est toujours de la graisse et jamais du muscle), d’autres, mais moins nombreuses ont au contraire maigri. Dans tous les cas, c’est un déséquilibre nutritionnel qui augmente la détérioration de l’état de santé. D’où un cercle vicieux qui fait du confinement une méthode à user avec modération. Ce n’est pas une méthode satisfaisante : si elle est efficace quand il est strict, elle doit rester exceptionnelle ; elle ne règle rien et fait beaucoup trop de dégâts.

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