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Orages en série, froid sibérien, neige à répétition et chaleur de printemps : mais que se passe-t-il sur le front de la météo en 2018 ?
©Valery HACHE / AFP

Eaux rages !

Notre climat n’est pas linéaire, loin de là, et les années "climatologiquement" calmes sont finalement rarissimes.

Frédéric  Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Atlantico : Alors que certains départements ont connu un épisode orageux en ce début de semaine équivalent à près de 50 jours de pluie, ceci faisant suite à un fort coup de chaud au printemps et à des températures glaciales cet hiver, comment comprendre ce qui semble être un climat français exceptionnel en cette année 2018 ?

Frédéric Decker : Il est vrai que les événements météo  se succèdent depuis l’hiver dernier, entre inondations, tempêtes en janvier, puis froid et neige en février-mars sans vraiment tomber dans un froid « glacial » toutefois… Les orages des dernières semaines ont beaucoup fait parler d’eux, activité « record » ou presque sur 30 ans, mais pas forcément si l’on regarde plus en arrière (mai-juin 1971 par exemple étaient anormalement orageux). Tout cela « sort du lot », dans le sens où ces événements sont en dehors de ce que l’on appelle les « normales ». Mais finalement, lorsque l’on s’intéresse à la climatologie et au climat au sens large du terme, on se rend bien compte que nous sommes finalement rarement dans les « normes », et que les extrêmes météo se succèdent depuis toujours en France, à un rythme plus ou moins soutenu selon les années. Le fait est que, contrairement aux idées reçues, notre climat n’est pas linéaire, loin de là, et les années climatologiquement calmes sont finalement rarissimes. Si l’année 2018 semble particulièrement agitée ou inhabituelle, ce n’est pas un événement inédit et les exemples sont nombreux, y compris durant les périodes plus fraîches ou plus froides. Les successions de sécheresses, d’inondations, d’hivers froids ou trop doux et de canicules, d’orages violents et autres entre 1910 et 1912 ne sont qu’un exemple parmi tant d’autres.

Le seul fait réellement hors-normes récurrent est le réchauffement des 30 à 40 dernières années, période la plus chaude de ces 700 dernières années au moins, depuis la période chaude appelée « Optimum Médiéval » entre l’an 800 et 1300.

Faut-il voir de tels événements comme une succession de cas indépendants ou véritablement comme une transformation tendancielle du climat sur le pays, fait de tels épisodes ?

Il est très difficile de lier un phénomène météorologique ponctuel tel qu’une vague de froid, une période très pluvieuse ou très orageuse à une évolution climatique.

Sur les 70 dernières années, le nombre de jours d’orage est très stable en France, et ce malgré la hausse du thermomètre, ce qui peut paraître contradictoire. C’est pourtant le cas. Est-ce que les orages sont plus violents qu’autrefois ? De nombreux records appartiennent au passé, la réponse serait donc plutôt « non ». Un des pires orages qu’ait connu la France est même très ancien, datant du 13 juillet 1788 lorsqu’un « monstre » ravagea une large bande allant des Charentes aux Flandres en passant par la Beauce, mitraillant tout sur son passage de grêlons pesant jusqu’à 600 grammes. Et en un quart d’heure seulement ! Je peux citer aussi le record de pluie en 24 heures, datant toujours d’octobre 1940 dans les Pyrénées-Orientales, la chaleur record de l’été 1923 (dépassant souvent 2003), etc… Tous les extrêmes météo récents, tempêtes, inondations, orages, ne présentent pas d’évolution à la hausse.

Les récents événements météorologiques s’inscrivent tout simplement dans la variabilité naturelle du climat français. Si cette fin de printemps a été très orageuse, ce fut aussi le cas en 1993, période orageuse démarrant alors beaucoup plus tôt que cette année, dès le 20 avril, et se terminant fin juin, plus de deux mois plus tard. Une sorte de compensation a suivi, avec des mois de juillet et août particulièrement peu orageux cette année-là !

Une constatation tout de même : les crues et inondations, si elles ne sont pas plus fréquentes, ont tendance à être plus intenses et dramatiques. Mais pas pour une raison météorologique. L’homme y est pour beaucoup en revanche, bétonnant toujours davantage ses agglomérations, déboisant les campagnes, les champs, enlevant les bocages, bref aggravant considérablement le ruissellement de l’eau à la surface du sol. Des efforts doivent être faits et poursuivis pour rétablir la perméabilité de nos sols, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales.

A quoi peut-on s'attendre au cours de cet été, et plus largement, au cours des prochaines années ?

La tendance pour l’été indique moins d’orages que ces dernières semaines, avec même un mois de juillet relativement sec, suivi d’un mois d’août dans les normes en termes de précipitations, donc potentiellement plus orageux. Un été assez chaud attendu cette année, mais sans excès, loin derrière 2003 et 2015.

On constate depuis une vingtaine d’années maintenant une tendance au ralentissement du réchauffement climatique dans le monde et en France, en dehors de l’épisode El Nino qui a temporairement réchauffé la Terre mais aussi l’hexagone entre 2015 et 2016. Des phénomènes naturels pourraient confirmer cette tendance dans les toutes prochaines années, à savoir une très faible activité solaire et des désordres dans les courants marins, susceptibles de légèrement rafraîchir l’atmosphère terrestre, contrant ainsi au moins temporairement la tendance au réchauffement moderne. Une recrudescence d’explosions volcaniques pourraient également ôter quelques dixièmes de degré au thermomètre mondial comme ce fut le cas en 1991, 1883, 1815 et à la fin du 18e siècle, mais là, c’est un peu de la loterie. Tendance à prendre avec des pincettes en tous cas, le conditionnel reste de mise. La machine climatique très complexe nous surprend et peut encore nous surprendre, y compris dans un avenir très proche.

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