Ok boomer : la guerre des générations à l’épreuve du réchauffement climatique et de la transition démographique<!-- --> | Atlantico.fr
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Serge Guérin publie « Et si les vieux aussi sauvaient la planète ? » aux éditions Michalon.
Serge Guérin publie « Et si les vieux aussi sauvaient la planète ? » aux éditions Michalon.
©Patricia De Melo MOREIRA / AFP

Bonnes feuilles

Serge Guérin publie « Et si les vieux aussi sauvaient la planète ? » aux éditions Michalon. Face au réchauffement climatique et à l’inéluctable transition démographique qui nous attend, des changements d’imaginaires, de pratiques et de consommation s’imposent. Sortons de l’opposition entre la « génération climat » et « OK boomers » : place à la réflexion et à l’action intergénérationnelles. Extrait 1/2.

Serge Guérin

Serge Guérin

Serge Guérin est professeur au Groupe INSEEC, où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé. Il est l’auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont La nouvelle société des seniors (Michalon 2011), La solidarité ça existe... et en plus ça rapporte ! (Michalon, 2013) et Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors (Michalon, 2015). Il vient de publier La guerre des générations aura-t-elle lieu? (Calmann-Levy, 2017).

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Totalement faux de continuer de dire que les boomers se désintéressent du réchauffement climatique. Parfaitement erroné d’affirmer que les nouvelles générations sont les plus engagées et concernées par la lutte contre les dérèglements climatiques. Un peu court de dire que ce sont les jeunes qui vont subir toute leur vie les effets du réchauffement climatique, alors que les plus âgés seront en grande partie épargnés. Le regard idéologique évite rarement l’aveuglement. La tentation est forte d’opposer les générations face aux défis des deux transitions. Il est de bon ton d’expliquer que le réchauffement climatique, c’est la faute des boomers qui en plus, maintenant, vivent (trop) longtemps… Les médias et bien des politiques aiment à évoquer et célébrer la « génération climat » qui défile dans les rues de quelques pays riches. Greta Thunberg, « élue » par des médias en quête de récit et d’audience porte-parole de la cause environnementale. Facile, à l’inverse, de considérer que le vieillissement de la population est juste une histoire de vieux ne concernant en rien les jeunes. Comme s’ils n’allaient jamais vieillir. Simpliste d’affirmer que les seniors, tous responsables du réchauffement et de la pollution, se désintéressent de la question. D’autant plus qu’ils se disent qu’ils ne seront plus vivants au moment du désastre… Plutôt idiot de partir du principe que chaque génération se complait dans l’égoïsme et l’indifférence aux autres. Singulièrement triste et pessimiste de partir du principe que chaque vote et chaque engagement (quand il y en a) ne proviennent que d’un calcul de son propre intérêt. Bref, il n’y a pas plus de « génération climat » que de « OK boomer »…

Il est temps de regarder le réel en face plutôt que sortir les mêmes poncifs éculés sur les millenials ou la génération Z qui seraient à l’avant-garde de l’écologie active, remettant en cause d’une seule voix le système industrialo-polluant et acrimonieux devant les boomers et la génération X. Le terme « OK boomer » relève d’un racisme très classique qui enferme les gens dans une case, les stigmatise et les essentialise. Un racisme qui ne dérange guère les bonnes âmes, les professionnels de l’indignation, les spécialistes de la victimisation, toujours prompts à monter héroïquement sur les barricades des plateaux TV et des réseaux sociaux de l’entre-soi pour désigner les coupables et appeler à leur châtiment.

Sur l’écologie comme sur bien d’autres sujets, impossible de compter le nombre de fois où les réseaux sociaux et les médias se font l’écho d’une guerre ouverte entre les âges. Commentateurs, essayistes ou politiciens rivalisent de propos défaitistes sur la guerre des générations, l’égoïsme de ceux qui n’ont plus d’avenir et qui sacrifient les jeunes qui doivent le construire. La fracture générationnelle est un marronnier bien commode pour éviter l’inconfort de la question sociale ou culturelle et pour se sentir du bon côté. Le détour par la guerre des générations, un prêt à penser simpliste, une idéologie autoritaire soft.

Au moment de la grande crise de la Covid, combien de fois a-t-on évoqué qui l’égoïsme des jeunes devant l’angoisse des « plus fragiles d’entre nous », qui l’égoïsme des seniors privilégiés face à la détresse des jeunes isolés? J’ai vu de mon côté nombre de « solidarités minuscules », d’étudiants se proposant de faire les courses pour une voisine âgée, de jeunes travailleurs ramenant des médicaments à des aînés habitants le village, de personnes âgées faisant de la soupe pour des jeunes chômeurs esseulés, de grands-parents ouvrant leur maison et leur jardin pour des petits-enfants et leurs amis… Ces élus de plus de 65, 70, 75 ans qui continuaient d’assurer le lien, de faire vivre la solidarité de proximité dans leur ville. Ils étaient bien seuls, avec parfois le renfort de certains fonctionnaires territoriaux de tout âge qui s’étaient portés volontaires. Les mêmes élus âgés furent ensuite menacés d’enfermement chez eux au moment de la levée du confinement car considérés comme trop vieux pour batifoler à l’extérieur… Nous sommes passés à deux doigts de l’apartheid générationnel.

Bien d’autres exemples d’âgisme peuvent être cités, en particulier autour du climat. Les seniors sont les responsables de la situation. Les plus âgés ne comprennent rien aux enjeux écologiques. Les vieux sont des réactionnaires par nature et plus encore face aux dimensions environnementales. Lors des élections régionales de 2021, Europe Écologie Les Verts avait fait une campagne ciblant (c’est le cas de le dire) deux publics réputés anti-écologie, dans l’idée d’inciter les bons citoyens à s’inscrire sur les listes électorales pour aller voter: « Les chasseurs, eux, ont prévu d’aller voter », pouvait-on lire sur la première. « Les boomers, eux, ont prévu d’aller voter », sur la seconde. Les personnes étaient réduites à une activité ou à un âge et pointées comme suspects de mauvaise conduite écologique et citoyenne. Après une petite polémique dont les réseaux sociaux ont le secret, les affiches seront supprimées. Mais pas l’idéologie âgiste, c’est-à-dire vieilliste, et de recherche du bouc émissaire qui sous-tendait ces messages. Dérive communautariste d’enfermer les êtres humains dans une seule caractéristique. Je me souviens d’un débat radiophonique où la personne qui me faisait face disait que les seniors ne sont pas conscients des enjeux écologiques. Pour preuve, ils n’ont pas voté Yannick Jadot lors de la présidentielle de 2022. Peut-être qu’ils n’ont pas voté pour ce parti car il leur semblait défendre une posture idéologique plus qu’une vision concrète et stimulante permettant de faire face aux dérèglements climatiques et écologiques? D’ailleurs, si 37 % des Français se disent très intéressés par les questions liées au dérèglement climatique, le score le plus élevé se trouve chez les plus de 65 ans (47 %).

Il est vain – ou pour le moins réducteur – d’opposer les générations. Mettre en avant les conflits et oppositions entre les générations, n’est-ce pas chercher à nier les conflits de classe, les oppositions sociales, les différences culturelles, les imaginaires différents selon que vous viviez dans ou proches des grandes villes ou dans le monde rural? 

Extrait du livre de Serge Guérin, « Et si les vieux aussi sauvaient la planète ? », publié aux éditions Michalon

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